1.5.3.3. Recherche de données qualitatives
Mon travail consiste à définir le plus
explicitement les contours de l'objet de ma recherche et les individus
interrogés.
J'ai choisi, comme outils d'investigation, des entretiens
auprès d'étudiants P3 et d'étudiants P1. Les propos de P3
m'ont semblé pertinents compte tenu qu'ils ont été
eux-mêmes tutorés puis sont devenus tuteurs. Les discours des P1
n'ont fait que globalement confirmer ceux des P3. Je n'ai pas interrogé
les étudiants P2,
42 P.Bruneteaux, C. Lanzarini, Revue
Sociétés contemporaines. 1998.
43 P.Bruneteaux, C. Lanzarini, op. cit.
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volontairement. Les situations que j'ai choisi d'observer
mettent en scènes des P3 et des P1. Les propos des P2 ne m'ont pas
semblé intéressants pour ma recherche lorsque j'ai
commencé mon étude. Avec le recul, j'aurais dû les
entretenir afin de recueillir d'autres éléments et d'affiner mes
réflexions. Voilà un des « dangers » du travail de
terrain : plus on creuse, plus on découvre des éléments
auxquels on n'avait pas pensé s'intéresser. Il fallut bien faire
un choix et s'y tenir, faute de temps.
Chaque entretien se déroule pendant une heure environ
au sein de l'institut de formation des enquêtés. Les entretiens
ont été enregistré intégralement avec un dictaphone
numérique, après accord des interviewés. L'enregistrement
de l'entretien permet à l'enquêteur de restituer sans les
réinterpréter les paroles des personnes qui lui ont parlé.
L'enregistreur est un contrôle de la mémoire de l'enquêteur.
En tant que garant du cadre contractuel de l'entretien, j'ai assuré aux
étudiants la confidentialité de leurs conversations et le respect
de l'anonymat : les prénoms qui apparaissent dans cette étude
sont des pseudonymes. Chacun des étudiants enquêtés a
reçu une copie de la transcription de son entretien et ils ont
donné leur accord pour qu'ils permettent l'analyse ultérieure
à partir de leur exemple.
Au cours de mon enquête, je me suis interrogée
pour savoir jusqu'à quel point il fallait approfondir mon recueil de
données. Mon panel allait-il être suffisant pour avancer des
résultats ? Comment ne pas sombrer dans le syndrome du terrain
interminable ?
Des auteurs comme Anselm Leonard Strauss44 ou
Stéphane Beaud et Florence Weber45 expliquent que le
critère pour décider d'arrêter la sélection des
groupes pertinents pour une catégorie est la saturation théorique
de cette catégorie. « Saturation » signifie ici qu'il n'y a
plus de données disponibles à partir desquelles développer
des propriétés de la catégorie. La
répétition régulière d'exemples similaires
constitue, pour le chercheur, le signal empirique de la saturation de la
catégorie.
Ceci me permet d'expliquer le choix de mon panel. J'ai
interrogé au total onze étudiants P3 : huit d'entre eux ont
effectué l'intégralité de leur formation dans le
même institut : ce nombre fut suffisant pour saturer cette
catégorie de personnes. J'ai exploré d'autres pistes afin
d'augmenter la diversité des données. Ainsi, je me suis
entretenue avec trois étudiants de troisième année,
redoublant leur dernière année dans l'institut observé
mais qui ont effectué trois années de formation dans un institut
ne
44 B. G. Glaser, A.
Strauss, La découverte de la théorie
ancrée. Stratégies pour la recherche qualitative. Armand
Colin. 2010.
45 S. Beaud, F. Weber, Guide de l'enquête de
terrain. Paris. La Découverte. 2010.
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pratiquant pas le travail coopératif. L'étude de
ce groupe m'a permis d'élaborer d'autres catégories. Les
entretiens de cinq étudiants de première année ont suffi
pour dégager certaines propriétés. Ces groupes de
comparaison, arrivés à saturation, me permettent
d'apprécier l'ampleur des différences et des similitudes entre
les informations et les interrelations entre les catégories.
Mon enquête, synonyme d'identification et d'articulation
de données, m'oblige à « choisir mon échantillon de
manière à ce qu'il prenne en compte la représentation que
je me suis faite de mon sujet d'étude 46 ». Au cours de
cette recherche, je modifie cette représentation en fonction de ce que
mon échantillon m'apprend. C'est pourquoi, lorsque je soumets les
résultats de mon travail à des opérations logiques
d'analyses, celles-ci vont certainement modifier les concepts sur lesquels je
m'appuie.
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