1.5.3.2. L'observation
Mon travail d'enquête de terrain consiste à
regarder attentivement ce qui se passe. Je n'ai pas choisi de filmer les
situations. J'ai préféré une «
observation-écoute » des acteurs. Lorsque je suis présente
dans ces moments d'apprentissages entre pairs, je suis connue et
identifiée comme une formatrice mais aussi comme une
apprentie-chercheuse. Ce qui m'intéresse est d'adopter une posture qui
essaye de le faire oublier. J'ai donc choisi d'entrer
régulièrement en conversation avec les étudiants sans
poser réellement de questions comme on pourrait le faire dans un
entretien formel. En créant des moments de complicité, de
confiance, je place les personnes en position d'informateurs involontaires :
« je voudrais que vous m'expliquiez comment ça
35
41 S. Beaud, F. Weber, op. cit, p. 10.
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fonctionne quand vous travaillez ensemble...» Ces
entretiens informels sont plus que des échanges verbaux. Ils
s'inscrivent dans une démarche classique d'observation et permettent un
ancrage souple avec la population étudiée, des rencontres sans
demande officielle où la personne ne sait pas forcément qu'elle
participe au recueil d'informations. A ce stade, on se situe dans une sorte
d'échange et la captation du sens s'établit dans une relation
moelleuse sans réelle identification du chercheur. Le contact peut alors
prendre la forme de discussions ouvertes, permettant l'imprévu, l'indice
inédit, celui par lequel la recherche se trouve soudainement
éclairée différemment. On se place ainsi dans le registre
de l'écoute sans recherche explicite de conservation des récits.
L'absence de notes immédiates ou d'enregistrement impose une
retranscription sans support préalable. Le fait de renoncer, à
certains moments, à administrer un questionnaire ou de solliciter un
entretien rend le travail d'objectivation largement invisible. Les acteurs ne
savent pas vraiment à quel moment la recherche se déroule et
laissent échapper de nombreuses informations dont ils n'évaluent
pas exactement le statut proprement informationnel. Les entretiens informels
sont dans la lignée des travaux inaugurés par les sociologues de
l'Ecole de Chicago, des outils supplétifs aux entretiens formels.
Patrick Bruneteaux et Corinne Lanzarini42 comparent les entretiens
informels à des conversations orientées. Ceci équivaut
à formaliser une démarche qui se veut informelle. Il s'agit de
s'appuyer sur les formes ordinaires des échanges sociaux pour donner
l'apparence d'une conversation à un entretien, ce qui supprime son
statut formel et ses modalités de réalisation43. Ce
type de collecte de données permet de compléter les entretiens
recueillis et enregistrés. C'est une réelle richesse pour le
travail de recherche.
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