B. La reconnaissance du droit à l'eau dans les
textes législatifs.
A moindre niveau la reconnaissance du droit à l'eau
pourrait également être assurée par la voie
législative. Par ailleurs, le OG n°15 mentionne
L'article 2 paragraphe 1 du Pacte impose aux Etats parties
l'obligation d'utiliser tous les moyens appropriés y compris en
particulier l'adoption de mesures législatives en vue de s'acquitter de
leurs obligations en vertu du Pacte. Chaque Etat jouit d'une marge
d'appréciation discrétionnaire quand il décide quelles
mesures sont effectivement les mieux adaptées à sa situation.
Mais le pacte impose clairement à chaque Etat de prendre toutes les
dispositions nécessaires pour assurer à chacun l'exercice du
droit à l'eau dès que possible. Les mesures mises en oeuvre
à l'échelon national pour réaliser le droit à l'eau
ne devraient pas entraver l'exercice des autres droits fondamentaux.
371
371 45, l'Observation générale n°15
94
Ainsi fut proposée une loi cadre sur l'eau nationale
(NWFL) en 2012 par le ministère des ressources. L'État central
n'étant pas compétent puisque le domaine de l'eau appartient
à la discrétion des États, l'intérêt de la
NWFL était de proposer une législation type dans le but
d'uniformiser les législations des États de l'Union. Elle
permettait d'assurer un minimum commun sur l'approche juridique du droit
à l'eau notamment sur la question du droit à l'eau qu'elle
reconnaît dans son chapitre 2, disposition 3.372
Néanmoins les États perçurent cette proposition avec
hostilité craignant une manoeuvre du gouvernement central pour
s'accaparer leurs compétences. La NWLF a été quelque
modifiée en 2016 pour tenter d'obtenir l'adhésion des Etats. Mais
force est de constater que si de nombreux arguments plaident en faveur d'une
législation nationale ou d'un consensus national sur la conception du
droit à l'eau, cet horizon semble lointain.
De plus un changement important est intervenu au coeur des
politiques indiennes depuis quelques années. De manière
générale, les deux dernières décennies
précédentes ont été mémorables en terme de
l'évolution des politiques sur l'eau eau. Corrélé avec
l'action des cours pour la reconnaissance du droit à l'eau, le
gouvernement de l'Union a pris un certain nombre de mesures politiques dans le
domaine de l'eau qui tendait à la réalisation du droit à
l'eau, malgré l'absence de législations concluantes. L'exemple de
l'ARWSP, déjà précédemment formulé est tout
à fait parlant à cet égard pour l'approvisionnement de
l'eau potable dans les zones rurales. Les différentes politiques d'eau
prises dans le but de réaliser le droit à l'eau, bien
qu'insuffisante pour atteindre des millions de personnes, ont
bénéficié à un grand nombre de personnes :
néanmoins l'orientation politique était en phase avec la
réalisation du droit à l'eau. Cependant les dernières
réformes des politiques sur l'eau ont considérablement
changé la donne et effectué un tournant vis-à-vis de la
compréhension du droit à l'eau. P. Cullet prétend que la
réforme n'a pas affecté le contenu de base du droit à
l'eau en Inde.373 Il propose deux approches de ces réformes.
D'une part, les réformes n'avaient pas pour but de spécifiquement
porter atteintes au droit à l'eau, elle l'ignore simplement. D'autre
part, les réformes ont spécifiquement cherché à
s'éloigner de la conception du droit à l'eau comme droit social
et le changement de paradigme effectué par les réformes peut
être entendu
"Draft National Water Framework Bill 2016, Ministry of Water
Resources, Government of India
3'3CULLET (P.). Realisation of the
fundamental right to water in rural areas: implications of the evolving policy
framework for drinking water. Economic & Political Weekly, 2011, vol.
46, no 12, p. 60
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comme une forme de régression dans la perspective du
droit à l'eau. Puisque le droit à l'eau n'a pas d'assise
légale ou fondamentale textuellement et que la définition du
droit à l'eau imprécise devant les cours, le droit à l'eau
peut être facilement remis en question dans le contexte indien. Ainsi les
réformes ont clairement insisté sur le fait que l'eau devait
être traitée comme un bien économique pour assurer sa
conservation et son utilisation à bon escient. De plus, dans ce contexte
l'État n'est plus un fournisseur du service public d'eau potable mais
facilite l'accès au service d'eau potable. Ainsi, les réformes se
détournent de la question fondamentale de la pauvreté.
Désormais, l'accent est mis sur le recouvrement des coûts que
doivent supporter les individus ; l'aspect financier de la réalisation
de l'accès à l'eau est clairement souligné dans cette
réforme en ce qu'elle considère que c'est le moyen le plus
efficace de favoriser la fourniture en eau. La marginalisation des plus pauvres
sur le court et moyen termes semblent être une conséquence
indéniable de cette nouvelle politique.
Ainsi dans le contexte politique actuel, il semble
particulièrement douteux que le droit à l'eau soit reconnu par le
Législateur indien. Au delà de sa justiciabilité qui ne
sera donc pour le moment, que partiellement assurée, c'est la question
de l'effectivité du droit à l'eau qui se pose notamment dans le
contexte indien d'une crise de l'eau imminente.
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