§ 2 -- Les possibilités limitées
d'intervention de la part du juge sur la question de l'approvisionnement en
eau
Comme nous l'avons vu l'obligation de réaliser semble
être l'obligation dont la mise en oeuvre pour l'État est la plus
complexe ; elle est aussi celle de la justiciabilité est la plus
discutée et limitée. Ces obligations nécessitent l'action
de l'État. Ainsi le juge sanctionnera l'État à travers
deux types d'intervention du juge : Il peut tout d'abord ordonner la fourniture
d'une quantité minimum d'eau (A) ; en présence d'une politique de
mise en oeuvre du droit par l'Etat, le juge peut contrôler le
caractère adéquat et effectif de celle-ci (B).
A. L'obligation d'approvisionnement d'eau potable
Selon C. Nivard, il s'agit probablement de l'obligation la
plus difficilement justiciable' car elle fait débat sur de nombreux
points comme nous l'aborderons par la suite. Cependant, c'est la forme
d'intervention du juge que nous retrouvons le plus à travers la
jurisprudence. Elle est à corréler avec la jurisprudence relative
à l'approvisionnement. Dans l'arrêt S. K. Garg vs State of
Uttar Pradesh la Cour c'est en deux temps qu'elle va procéder :
tout d'abord la Cour créa pour l'occasion un comité d'experts, le
Allahabad Water Committee auxquels elle enjoignit de trouver des
solutions pour
337NIVARD (C.), « Section 3. Le droit à
l'alimentation », op. cit, 2012, 251
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permettre l'approvisionnement en eau des habitants de la ville
le plus rapidement possible. Celui-ci du donc délivrer un rapport dans
les deux mois suivant l'arrêt afin de trouver une solution à la
carence d'approvisionnement en eau de la ville Allahabad et de ses alentours.
De plus, elle enjoignit le gouvernement à réparer les puits
tubulaires existants et les pompes manuelles en panne dans le délai
d'une semaine ainsi que de mettre en place des contrôles réguliers
pour s'assurer de la potabilité de l'eau. C'est une voie
d'exécution assez contraignante pour l'Etat, ce qui aura pu faire dire
que le juge dictait au Législateur ce qu'il devait faire. Dans
l'arrêt Gautam Uzir vs Gauhati municipality, la Cour remis en
cause les plans de finances de la municipalité. Elle lui commanda de
mettre en place un programme réalisable, acceptable et à
coût limité afin d'augmenter la couverture de service en eau
potable. Dans l'arrêt Wasim Ahmed vs Governement of Andhra Pradesh,
la Cour ordonna la mise en place de contrôle de potabilité
des eaux tous les six mois de même elle détailla avec
précision la protocole devant être respecté lors des tests.
Considérant que la majorité des canalisations des villes de
Secunderabad et Hyderabad avaient été posée avant
l'Indépendance de l'Inde, la Cour commanda à l'État de
mettre en place dans les 6 mois un plan d'action afin réparer ou de
remplacer ces canalisations. Dans l'arrêt Vishala Jochi Kudivello
Samarkhana Samithi vs State of Kerala, la Cour ordonna de mettre en place
les infrastructures nécessaires pour l'approvisionnement des habitants
de Kochi Ouest dans les 6 mois de la délivrance de son arrêt. Dans
l'arrêt Pani Haq Samiti & Ors. Vs. Brihan Mumbai Municipal
Corporation, la Haute Cour de Bombay ordonne à la Cour
d'établir une politique pour la desserte en eau potable des occupants de
bidonvilles illégaux. Ainsi les Cours se sont employées à
travers divers mécanismes à assurer l'approvisionnement en eau
potable. Pourtant on note le caractère général des
sanctions qu'elles prennent à l'égard des États. Ainsi
elles n'établissent pas ce que représente une quantité
minimum et le contenu réel de l'obligation. En ce sens, elles n'offrent
pas une compréhension très précise du « moment »
où la violation du droit à l'eau peut être
caractérisée parce que l'État ne l'a pas suffisamment
réalisé. Nous suggérons que l'imprécision de
l'obligation est corrélative à l'imprécision de la
définition du droit à l'eau par la Cour Suprême. Ce
sentiment est renforcé en ce que seulement les Cours d'État se
sont prononcées sur la question, et n'ont pu être que les
initiatrices de cette nouvelle obligation. Le développement d'une telle
obligation nécessite le positionnement de la Cour Suprême sur ce
cas. Cependant ce mode
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d'intervention du juge est vivement contesté, notamment
en raison de la séparation des pouvoirs qui lui interdirait de se
mêler de politique. Ce point sera détaillé plus tard. Afin
d'éviter les critiques fondée sur le manque de
légitimité d'action du juge, J. Khotari propose alors une autre
forme d'intervention du juge inspirée de la jurisprudence sur le droit
à l'alimentation
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