La justiciabilité du droit à l'eau, une perspective indienne( Télécharger le fichier original )par Morgane Garon Université de Rouen - Master 2 Pratique européenne du droit 2016 |
B) La relation entre le droit à l'eau avec le droit au développement durableA travers plusieurs arrêts importants, il semble que le juge indien ait décidé de protéger le droit à l'eau au travers d'une approche basée sur la notion de développement durable ; cela est en lien avec l'OG n°15 qui rappelle « Le droit à l'eau doit aussi être exercé dans des conditions de durabilité, afin que les générations actuelles et futures puissent en bénéficier »195 La Cour Suprême rattache le concept du droit à un environnement sain au concept de développement durable tel que définit lors de la Conférence de Rio de 19921% qu'elle cite dans l'arrêt AP Pollution Control Board II v. Prof M. V. Nayudu197 et notamment Vellore Citizen's Welfare forum v. Union of India où le juge Kirpal observe L'eau est un besoin essentiel pour la survie des êtres humains et elle est garantie par le droit à la vie en vertu de l'article 21 de la Constitution indienne [...] Ainsi, il est nécessaire de prendre en compte le droit à un environnement au même titre que le droit à un développement durable et d'établir un équilibre entre ces droits..198 Dans le contexte de l'eau, une approche durable doit mener à considérer les fonctions fondamentales de l'eau c'est à dire sa fonction environnementale, sociale (en ce qu'elle est corrélée à la satisfaction des besoins fondamentaux de l'être humain) et économique (en raison des activités humaines pour laquelle elle est nécessaire)199. Dans l'arrêt Hinch Lal Tiwari vs Kamal Devi and Ors200 la Cour exposa Il est important de remarquer que les ressources matérielles de la communauté à savoir les forêts, les réservoirs, les étangs, les collines, les montagnes etc. sont le fruit de la générosité de la nature. Ils basic elements which sustain life itself » 195Point 11, observation générale n°15 l'Agenda 21, programme d'action accompagnant le rapport de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement de Rio, du 3 au 14 juin 1992, Doc. NU A/CONF.151/26/Rev.1 197A.P. Pollution Control Board vs Prof.M.V.Nayudu (Retd.) & Others 27 janvier 1999 1"/bid. Notre traduction de « Water is the basic need for the survival of human beings and is part of right of life and human rights as enshrined in Article 21 of the Constitution of India.... There is therefore need to take into account the right to a healthy environment along with the right to sustainable development and balance them » 199 20DHinch Lal Tiwari vs Kamala Devi And Ors le 25 juillet 2001 45 maintienne un équilibre écologique précaire. Ces dernières ont besoin d'être protégées afin d'assurer un environnement sain et adéquat qui permet au peuple de jouir d'une qualité de vie qui est l'essence du droit garanti par l'article 21 de la Constitution.201 Selon B. Drobenko, la logique de développement durable induit donc une démarche globale et la gestion intégrée de l'eau, et in fine l'application des principes fondamentaux du droit de l'environnement notamment la précaution et le principe pollueur-payeur.202 Selon l'ancien président de la Cour Suprême, Y. Sabharwal, le développement durable fut développé par le juge indien au travers de trois principes que nous illustrerons par la jurisprudence du droit à l'eau indien203. Le juge indien s'inspire alors des principes de développant durable dégagés par le Rapport Brundtland204, la déclaration de Rio et d'autres documents internationaux, à savoir le principe d'équité intergénérationnelle, la protection de l'environnement, le principe de précaution, le principe pollueur-payeur et l'élimination de la pauvreté. Dans l'arrêt Vellore, les juges concluent que le principe de précaution et le principe pollueur-payeur sont les caractéristiques essentielles du développement durable. Le principe de précaution garantit qu'une activité créant une menace à l'encontre de l'environnement sera prévenue de la nuisance qu'elle peut lui causer, même s'il n'y a pas de preuves scientifiques suffisantes pour prouver le lien entre la menace à l'environnement et cette activité particulière205. Il s'agit d'un principe directeur dont l'intérêt est d'inciter l'État et autres acteurs à considérer les effets néfastes potentiels de leurs activités sur l'environnement avant de poursuivre leurs activités. Plusieurs décisions de la Cour Suprême ont été amenées à se pencher sur la question et à reconnaître l'application de ce principe pour protéger le droit à l'eau. Dans l'affaire A.P Pollution Control Board II v. Prof M. V. Nayudu206. le gouvernement de l'Andhra Pradesh a accordé une demande de dérogation à une entreprise polluante et lui a permis de s'installer sur deux bassins d'eaux principaux de l'Andhra Pradesh (respectivement le lac Sagar Himayat 2011bid.Notre traduction de «It is important to note that material ressources of the community like forests, tanks, ponds hillocks, mountains, etc. are nature's bounty. They maintain delicate ecological balance. They need to be protected for a proper and health environment which enable people to enjoy a quality life which is essence of the guaranteed right under articles 21 of the Constitution. » 202DROBENKO, Bernard. Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 129 203SABHARWAL (Y.) Human rights and the Environment. Speech given by YK Sabharwal, Chief Justice of India, 2005 204Notre avenir à tous (Rapport Bruntland) de la Commission mondiale sur l'environnement et le développement, 21 mai 1987,disponible sur : http://www.un.org 205SABHARWAL (Y.) Human rights and the Environment, précité. 206A.P. Pollution Control Board vs Prof.M VNayudu (Retd.) & Others 27 janvier 1999 46 et le lac Sagar Osman) violant ainsi 1' Environnment Protection Act 1986. La Cour Suprême invalide cette dérogation à la loi et juge que Le Gouvernement ne pouvait pas adopter de tels ordres d'exemption imposant un risque dangereux, potentiel, inconscient à des centaines de milliers de citoyens des deux villes soeurs dont l'approvisionnement eau potable est garanti par ces lacs. Un tel ordre d'exemption négligemment adopté, ignorant le principe de précaution pourrait être catastrophique.2o' Elle établit alors la protection du droit à l'eau salubre et potable puisqu'il est un droit fondamental garanti par l'article 21; ainsi le droit à l'eau voit sa protection renforcée par le principe de précaution. Le principe « pollueur-payeur » est complémentaire du principe de précaution. Selon ce principe, le pollueur doit réparer le préjudice mais également supporter le coût de la réhabilitation de l'environnement vers son état original208. Il est développé dans l'arrêt Vellore Citizen's Welfare forum vs Union of India209 est un principe directeur particulièrement nécessaire pour assurer la protection du droit à l'eau et plus particulièrement sa salubrité. Le principe pollueur payeur a été entendu pour être un principe solide par la Cour lors de l'arrêt Indian Council for Enviro- Legal Action vs. Union of India. La Cour observa « Nous émettons l'opinion que tout principe de ce nom « doit être applicable simplement et adaptés aux conditions qui prévalent dans ce pays ». La Cour a jugé que « une fois que l'activité exercée est risquée ou dangereuse en soi, la personne exerçant une telle activité est fondée à réparer le préjudice causée à une autre personne par son activité, indépendamment du fait de savoir s'il a pris de raisonnables dispositions dans l'exercice de son activité. Le principe est fondée sur la nature en elle-même de l'activité [...] La réhabilitation de l'environnement endommagé fait partie intégrante de la méthode de « développement durable » et en tant que tel, le pollueur est tenu de payer une compensation pour les victimes individuelles ainsi que le coût de la réhabilitation de l'environnement endommagé.210 Enfin, le dernier principe est le principe d'équité intergénérationnelle qui sera développée dans la section suivante. 207Ibid. Notre traduction de «The Governenment could not pass such orders of exemption having dangerous potentiel, unmindful of the fate of lakhs of citizens of the twin cities to whom drinking water is supplied from these lakes. Such an order of exemption carelessly passed, ignoring the precautionary principle could be catastrophic. » 208SABHARWAL (Y.) Human rights and the Environment, précité. 'Vellore Citizens Welfare Forum vs Union Of India & Ors, 28 août 1996 2101bid. Notre traduction de « The Polluter Pays" principle has been held to be a sound principle by this Court Indian Council for Enviro- Legal Action vs. Union of India. The Court observed, "We are of the opinion that any principle evolved in this 'behalf should be simple practical and suited to the conditions obtaining in this country". The Court ruled that "Once the activity carried on is hazardous or inherently dangerous, the person carrying on such activity is liable to make good the loss caused to any other person by his activity irrespective of the fact whether he took reasonable care while carrying on his activity. The rule is premised upon the very nature of the activity carried on [...] Remediation of the damaged environment is part of the process of "Sustainable Development" and as such polluter is liable to pay the cost to the individual sufferers as well as the cost of reversing the damaged ecology. » 47 |
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