A) Le droit à une eau salubre composante du
droit à l'eau
C'est autour de la pollution de l'eau que s'est
développée une jurisprudence du droit à l'eau ayant pour
fonction de réaliser le droit à un environnement sain
protégé par l'article 21 de la Constitution. C'est l'arrêt
Charan Lal Sahu v. Union of India183 qui pour la
première fois reconnaît expressément le droit à une
eau salubre comme un élément du droit à un environnement
sain. Il est réitéré ensuite dans le célèbre
arrêt Subbash Kumar v. State of Bihar184 lorsque la
Cour Suprême déclare en effet que le droit à la vie inclus
le droit de vivre convenablement et de bénéficier des ressources
naturelles, c'est à dire un air et une eau purs, dénués de
toute forme de pollution.
Le droit à la vie est un droit fondamental en vertu de
l'article 21 de la Constitution et il inclut le droit de jouir d'une eau et
d'un air sans pollution afin de permettre la pleine satisfaction de la vie.
Dès lors
181Environment Protection Act 1986, No. 29 OF 1986
182L'article 48A de la Constitution indienne
«Protection and improvement of environment and safeguarding of forests
and wild life The State shall endeavour to protect and improve the environment
and to safeguard the forests and wild life of the country »
1831989 SCR Supl. (2) 597
18'1991 SCR (1) 5
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que cette qualité de vie est mise en danger ou
compromise contrairement à une pleine satisfaction de la vie, un citoyen
a le droit d'avoir recours à l'article 32 de la Constitution pour que
soit éliminé la pollution de l'eau ou de l'air qui peuvent
être au détriment de la qualité de vie 185
A travers le développement de sa jurisprudence
environnementale, le juge indien s'est attaché à protéger
deux éléments déterminants pour la réalisation du
droit à l'eau : la disponibilité des réserves en eau mais
principalement la préservation de leur qualité. Dans l'OG n°
15, évoque également ces critères. Elle considère
que ce sont des critères permanents qui doivent caractériser
l'approvisionnement en eau quelque soit la situation. A propos de la
qualité de l'eau, l'observation considère
L'eau nécessaire pour chaque usage personnel et
domestique doit être salubre et donc exempte de microbes, de substances
chimiques et de risques radiologiques qui constituent une menace pour la
santé. En outre, l'eau doit avoir une couleur, une odeur et un
goût acceptables pour chaque usage personnel ou domestique.'
La préservation qualitative des cours d'eau et des eaux
souterraines est un enjeux important en Inde en raison de l'importante
pollution des milieux aquatiques ; le juge a alors développé le
concept du « droit à une eau salubre »187 que l'on
retrouve abondamment dans la jurisprudence. La préservation des
écosystèmes aquatiques sont déterminants pour la
préservation des eaux potables'''. Dans l'arrêt Vellore
Citizen's Welfare forum v. Union of India189 la Cour rappelle
que
Les dispositions législatives et constitutionnelles
protègent le droit de la personne à un air non pollué, une
eau salubre et un environnement exempt de pollution, mais la source de ce droit
est indéniablement le principe de common law de droit à
une eau salubre 190.
Dans l'arrêt , la Cour détaille le lien entre le
droit à l'eau, la protection environnementale du droit à l'eau.
Elle reconnaît l'importance du principes de précaution et
pollueur-payeur pour assurer la protection du droit à l'eau. Elle
développe le contenu des dispositions constitutionnelles relatives au
droit à l'eau à travers une approche environnementale. Tout
d'abord, elle rappelle que l'article 21 garantit le droit à la vie et
185 Ibid. Notre traduction de «The right to
life is a fundamental right under article 21 of the Constitution and it
includes the right of enjoyement of pollution free water and air for full
enjoyment of life. If anything endangers or impairs that quality of life in
derogation of full enjoyment of life, a citizen has right to have resource to
article 32 of the Constitution for removing the pollution warter or air which
may be detrimental to quality of life »
186II, point 12(b) Observation générale
n°15
187Notre traduction « right to clean water
»
188DROBENKO, Bernard. Le droit à l'eau: une
urgence humanitaire, op.cit., p. 65
189vellore Citizens Welfare Forum vs
Union Of India & Ors, 28 août 1996
190Ibid. Notre traduction de
« The constitutionnal and statutory provisions protect a person's
right to fresh air, clean water and pollution free environnement, but the
source of the right is inalielable common law right of clean water
»
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que ce dernier est indivisible avec les articles 47, 48A et
51A(g) de la Constitution qui consacrent respectivement le droit à la
santé, le droit à la protection de l'environnement et le devoir
pour les citoyens de protéger l'environnement et desquels sont entendus
implicitement le droit à l'eau. A ces dispositions constitutionnelles,
elle ajoute le principe coutumier de common law d'un droit à un
eau saine dont elle reconnaît qu'il appartient désormais à
la jurisprudence pour en conclure que le droit à l'eau salubre fait
partie de la jurisprudence fondamentale indienne.
De même l'arrêt M.C. Metha v. Union of
India191, à propos de la pollution du Gange, la Cour
Suprême a reconnu que le droit à l'eau est un bien public et que
par conséquent les citoyens ont le droit d'user de l'air, de l'eau et de
la Terre comme prévu par l'article 21 de la Constitution. Le juge
Jagannadh Rao réitéra le postulat selon lequel le droit à
la vie de l'article 21 implique également le droit à un
environnement sain. En Inde, la gestion quantitative de l'eau apparaît
comme un enjeu majeur eu égard aux épisodes de sécheresses
et à la surexploitation des nappes phréatiques. L'OG n°15
définit la disponibilité de l'eau comme devait être pour
chaque personne
suffisante et constante pour les usages personnels et
domestiques, qui sont normalement la consommation, l'assainissement individuel,
le lavage du linge, la préparation des aliments ainsi que
l'hygiène personnelle et domestique. La quantité d'eau disponible
pour chacun devrait correspondre aux directives de l'Organisation mondiale de
la santé (OMS). Il existe des groupes ou des particuliers qui ont besoin
d'eau en quantité plus importante pour des raisons liées à
la santé, au climat ou au travail.192
La question de la disponibilité dans la jurisprudence
indienne ne recouvre pas tous les aspects de l'OG n°15. En
réalité, elle limite sa compréhension de la
disponibilité des ressources : ainsi il s'agit principalement du fait de
ne pas accaparer et endommager les ressources naturelles. Dans les arrêts
F. K. Hussain vs Union of India et Attakoya Thangal vs Union of
India193, la Haute Cour du Kerala déclara
Le droit à la vie est bien plus que le droit à
l'existence animale et ses attributs multiples sont la vie elle-même. Le
droit à l'eau douce et le droit à l'air pur sont des attributs du
droit à la vie car ils sont des éléments essentiels pour
soutenir la vie elle-même194
191M. C. Mehta vs Kamal Nath & Ors,
13 décembre 1996
1vzII, point 12(b), Observation générale
n°15
193MR 1990 Ker 321
19'Ibid. Notre traduction de «
The right to life is much more than the right to animal existence and its
attributes are
many fold a life itself The right to sweet water and the
right to free air are attributes of the right to life for these are the
44
En l'espèce, l'eau de nappes phréatiques
était menacée en raison d'une technique d'extraction mise au
point par le gouvernement qui aurait augmenté le rendement quantitatif
de la dite extraction afin de pourvoir à la demande en eau de la
population. La Cour intima à l'administration responsable de revoir sa
technique afin de ne pas priver d'eau les habitants dépendant de la
nappe phréatique.
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