§ 2 - Le droit à l'eau potable et son
approvisionnement, conséquence du droit à la vie
Le juge indien dans le but de protéger les droits
humain ne s'est pas contenté d'une interprétation
littérale : en étendant la compréhension du droit à
la vie aux DESC, il l'a nécessairement fait pour le droit à
l'eau. Pour se faire, il établit une filiation plus ou moins directes
avec le droit à la vie pour consacrer un droit à l'eau potable
(A) qui prendra plus
14 1976 SCR (1) 906. Notre traduction de
«The Court must wisely read the collective Directive principles of
part IV into the individual fundamental rights of part III, neither part of
being superior to the other. In this case, the supplementary theory, treating
both Parts as fundamental , gained supremacy. »
1151997 (1) WLN 201. Notre
traduction de « The provisions of Part III and IV are supplementary
and complementary to each other and not exclusionary of each other and that the
fundamental rights are means to achieve the goal indicated in Part IV
»
16MEYER-BISCH (P.), Le corps
des droits de l'Homme. L'indivisibilité comme principe
d'interprétation et de mise en oeuvre des droits de l'homme,Éds.
Universitaires, 1992, p.75
"'ROBITAILLE (D.), «Section 3. La justiciabilité
des droits sociaux en Inde et Afrique du Sud », op. cit, p.160
29
de consistance à travers la jurisprudence le droit
à l'approvisionnement en eau (B). Selon C. Nivard dira en parlant du
droit à l'alimentation qu' « il semble à tout égard
que cette voie de justiciabilité soit la plus encourageante pour la
reconnaissance du droit à l'eau étant donné le manque de
base normative et de compétence initial du juge. »
A. La parenté du droit à l'eau potable
avec le droit à la vie
Le droit à l'accès à l'eau dans le
contexte jurisprudentiel fut tout d'abord découvert à l'aune
d'autres droits notamment le droit à la santé. Il est alors
évoqué par la cour en juxtaposition avec d'autres droits. Dans
l'arrêt Bandhua Mukti Morcha vs Union Of India118 est
révélateur. L'affaire concernait des mineurs migrants
enfermés dans la carrière de Lakarpur où ils
étaient forcés de travailler dans des conditions
déplorables et victimes de mauvais traitements parmi lesquels, ils
étaient privés d'approvisionnement en eau potable devant alors
s'abreuver à une eau « sale et polluée ». La Cour
considère que
Ce sont des questions de grande importance car il ne peut y
avoir aucun doute qu'une eau potable saine est absolument essentielle à
la santé et au bien-être des travailleurs et quelque
autorité doit être
responsable de la fournir. 119
Ainsi dans l'arrêt Chameli Singh v. State of Uttar
Pradesh120 la Cour Suprême, reconnaissant le droit au
logement déclare :
Le droit à la vie garanti dans toute
société civilisée comprend le droit à
l'alimentation, à l'eau, à un environnement décent,
à l'éducation, aux soins médicaux et à un logement.
Ce sont les droits de l'Homme élémentaires connus par chaque
société. Tous les droits politiques, sociaux et culturels
prévus dans la Déclaration Universelle des droits de l'Homme, et
les Conventions ou en vertu de la Constitution indienne ne peuvent pas
être exercés sans ces droits humains
fondamentaux.1zl
Dans un autre arrêt Hamid Khan v. State of Madya
Pradesh122, la Cour suprême conclut
En vertu de l'article 47 de la Constitution indienne, il en est
de la responsabilité de l'Etat d'élever le niveau de nutrition et
le standard de vie de son peuple et de pourvoir à l'amélioration
de la santé
181984 SCR (2) 67
19Ibid.Notre traduction « These are
matters of some importance because there can be no doubt that pure drinking
water is absolutely essential to the health and well-being of the workmen and
some authority has to be responsible for
providing it »
120Chameli Singh vs State Of U.P, 15 décembre
1995
1211bid.Notre traduction de « That right
to live garanted in any civilised society implies the right to food, water,
decent environmentl, education, medical care and shelter. These are basic human
rights known to any civilised society. All civil, political, social and
cultural rights enshrined in the Universal Declaration of Human Right and
Conventions or under the Consitutiton of India cannot be exercised without
these basis human rights. »
122 1997 (1) MPLJ 587
30
publique. Il incombe à l'Etat d'améliorer la
santé du public en fournissant une eau potable non polluée [...]
Ce droit est également compris par l'article 21 de la Constitution
indienne, et c'est le droit des
citoyens de l'Inde d'avoir la protection de leur vie, d'avoir
l'air et l'eau sans pollution et sains. 123
Ainsi le droit à l'eau est reconnu par la Cour en
divers occasions. Mais il apparaît comme un droit subordonné aux
autres et il est rare qu'il soit consacré. Un parallèle peut
être fait avec le droit à l'eau salubre que nous
développerons dans le chapitre 2 de cette partie. Contrairement au droit
à une eau salubre qui est presque immédiatement consacré
comme un droit fondamental, le droit à un approvisionnement reste
timidement évoqué ; il est un droit fondamental par son lien
indivisible avec l'article 21 mais cela reste implicite.Au sein des Hautes
Cours une tendance jurisprudentielle a pourtant émergé
reconnaissant un droit fondamental de l'approvisionnement en eau.
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