Section 1 : Evolution dans les pratiques de
recrutement
Le marché de l'emploi comme beaucoup d'autres
marchés d'échange de biens et services, répond à la
fois au libre jeu de l'offre et de la demande et à un ensemble de
règles de conduite écrites et non écrites,
décidées, négociées, ou pas par les partenaires
sociaux, appuyés ou non par la puissance publique. Durant les cinquantes
premières années du XXème siècle la relation entre
offre et demande de cadres était directe, le plus souvent sans
intermédiaires.
Depuis la fin des années 1960, il s'agit d'un
marché mobilisant non plus deux mais trois grandes catégories
d'acteurs : les cadres (salariés), les employeurs (entreprises), et un
certain nombre d'intermédiaires qui favorisent ou régulent
l'adéquation entre l'offre et la demande.
Les grandes transformations concernant cette période
sont :
· Une montée en puissance des acteurs
intermédiaires : L'apparition des intermédiaires professionnels
qui facilitent le rapprochement entre offre et demande de main d'oeuvre et qui
occupent depuis longtemps une place de plus en plus importante.
1. Le changement dans les pratiques de
recrutement
La montée en puissance des nouvelles pratiques de
recrutement s'explique par la concomitance de plusieurs
phénomènes : d'abord une nouvelle offre portée par de
nouveaux acteurs, ensuite l'émergence de nouveaux usages de la part des
cadres, enfin des attentes fortes de la part des recruteurs qui se trouvent
face à une pénurie relative sur certaines qualifications.
L'offre de produits et de services en direction des recruteurs
s'est clairement renforcée, stimulée à la fois par
l'arrivée de nouveaux acteurs et par l'émergence de nouvelles
technologies. Le marché de l'e-recrutement (terme utilisé
communément pour désigner les nouvelles pratiques de recrutement)
regroupe aujourd'hui un nombre important d'intervenants; ceux-ci se partagent
désormais en trois ensembles:
ü Les intervenants traditionnels qui utilisent les
nouveaux moyens de recrutement mais ne développent pas au sens strict
des solutions de e-recrutement. Il s'agit en particulier des
sociétés d'intérim, des cabinets de recrutement et de
certains éditeurs de solutions logicielles.
ü Les acteurs hybrides qui, issus des médias
traditionnels de recrutement s'efforcent de développer via filiales,
départements, centres de profit autonomes, des solutions web (citons par
exemple l'intermédiaire de l'emploi privé et public, tels que
l'Anapec qui propose des services sur le web de type « job
boards », les groupes de presse qui éditent des sites emploi,
les organisateurs de salons professionnels qui conçoivent des salons
virtuels, etc.).
ü Les acteurs qui proposent aux cadres et aux entreprises
des solutions interactives (web ou mobiles) tout ou partie
dédiées à l'emploi; citons par exemple MenaraJob, Trovit
Emploi, LinkedIn, Certains acteurs, naguère indépendants,
rejoignent aujourd'hui des groupes de communication.
Les pratiques de recrutement trouvent dès lors leur
terrain d'expression dans des supports interactifs tels qu'Internet, les
intranets ou les extranets. Les experts interviewés ont ainsi
relevé des atouts dont certains sont liés à
l'évolution de l'offre technologique; on peut citer les exemples
suivants:
ü Une marque employeur peut désormais se
créer par le biais de sites communautaires internes et externes à
l'entreprise qui favorisent l'interaction entre recruteurs, salariés,
stagiaires et permettent la production de contenu web (blog 2.0, sites 2.0).
ü Par le biais des réseaux, la mise en relation
devient plus aisée entre candidats et recruteurs, les frontières
des terrains de « sourcing » s'effacent, notamment entre la
sphère privée et professionnelle.
L'utilisation de ces technologies permet enfin un meilleur
contrôle des processus de recrutement ; des offres d'emploi par
supports, ajustement en temps réel des plans média et des
annonces, analyse du retour sur investissement, optimisation de la
traçabilité des informations sur le candidat.
Plusieurs facteurs ont structurés le marché de
recrutement:
· La création d'organismes institutionnels
(publics ou privés) professionnels de la mise en relation entre
candidats et recruteurs (Anapec, Tectra, RecrutAkademy ...)
· L'importation de nouvelles pratiques de
l'étranger
· Le développement de nombreux supports de
recrutement, en particulier au sein de la presse national régional ou
hebdomadaire (petites annonces).
· La mise en place de solutions logicielles permettant de
gérer le personnel, ces technologies favorisant, la gestion des
effectifs et la constitution de bases de données de candidatures.
· Le développement des activités d'agences
de commination en ressources humaines afin d'aider les entreprises à
définir leur marque employeur, à choisir le bon canal de
recrutement média pour recruter.
· Des outils de conquête de candidatures stables,
Les outils de conquête de candidatures se caractérisent par une
certaine stabilité avec une distinction bien établie entre:
ü Les méthodologies d'approche indirecte, via
principalement la parution d'annonces dans la presse et la présence sur
des salons de recrutement.
ü Les années 1980-1990 ont en particulier
été marquées par un travail de fond et de forme
réalisé par les entreprises dans la rédaction des textes
d'annonces et une augmentation sensible de nombres de supports permettant de
diffuser ces annonces.
ü La fin des années 1990 a marqué un point
d'inflexion important dans les pratiques de recrutement des entreprises tandis
que les méthodes d'évaluation et de gestion de profils tendaient
à se professionnaliser, les outils de conquête se sont
diversifiés et de nouvelles préoccupations éthiques sont
apparues.
ü Les outils de sourcing se sont multipliés durant
ces dernières années, avec en particulier l'essor du
e-recrutement (recrutement via internet), la palette des outils à
disposition d'un recruteur s'est élargie : les moyens on line se
combinent ou se substituent aux moyens off line, les outils traditionnels (
offres d'emploi dans la presse , salon de recrutement , fichiers papier ,
annuaires , relations écoles ..... ) trouvent ainsi leur projection ou
leur équivalent sur internet avec la diffusion d'offres on line à
partir de 1996 la montée en puissance des candidathèque
L'e-recrutement n'a pas réinventé le
recrutement ; il a facilité et stimulé la mise en relation entre
l'employeur et l'employé. Le marché du e-recrutement et en
particulier celui relatif à l'activité des grands jobs boards est
aujourd'hui mature.
Enquête quantitative, Mars 2009, Le changement dans les
pratiques de recrutement et dans la durée de processus.
Les recruteurs sont passés d'une position de
découverte à une attitude plus rationnelle et exigeante,
auparavant, les recruteurs étaient satisfaits de recevoir beaucoup de CV
en peu de temps: ils disent désormais « cela ne nous sert pas
à grand-chose de recevoir beaucoup de CV s'ils ne sont pas
adaptés » en un mot, ils veulent du retour sur investissement.
L'e-recrutement est rentré dans les pratiques courantes
des entreprises mais il n'a pas la prétention ou les moyens de couvrir
tout le processus de gestion des recrutements.
2. Les principaux apports dans les pratiques de
recrutement
2 .1 Au niveau de la recherche d'emploi
Presque tous les aspects de la recherche d'emploi passent
aujourd'hui par Internet. Les blogs et les réseaux sociaux permettent
d'aller plus loin en créant une nouvelle forme de prospection
basée sur la communication et l'échange d'information. Sur le
web, tout le monde donne et tout le monde reçoit... Une nouvelle culture
de la recherche d'emploi est née.
· Une large palette d'outils : Aujourd'hui, un
cadre sur cinq trouve un emploi grâce au web. Un chiffre qui augmente
d'autant plus que les outils Internet offrent régulièrement des
possibilités de prospection nouvelles. Annonces, CV thèques,
sites de recrutement des entreprises, réseaux en ligne... Sans oublier
les blogs de candidats, de dirigeants ou d'entreprises, très "tendance",
notamment dans les secteurs de la communication et du marketing. Mais, pour
chercher un poste ou se positionner en veille sur un marché, la pratique
de base du web reste la prospection active. Avec d'une part, la recherche
d'offres d'emploi et d'autre part l'utilisation des CV thèques,
généralistes et/ou spécialisées. Pour être
facilement "repéré", les mots-clés ne doivent pas
être choisis au hasard. S'inspirer des termes récurrents dans les
annonces qui correspondent au poste que vous cherchez.
· Blogs et recherche d'information : Internet
est donc avant tout un moyen d'accéder à des offres d'emploi
ciblées. Mais c'est aussi, et de plus en plus, une source d'information
sur l'actualité des entreprises, les prises de parole ou les nominations
des dirigeants, la santé des secteurs d'activité... Newsletters,
blogs d'entreprises et sites `corporate' sont autant de supports à
suivre de près car ils permettent d'adapter sa candidature à la
demande, de trouver des offres cachées et de contacter directement les
décideurs. Internet offre en effet la possibilité d'exposer son
parcours ou son projet. Les blogs, grâce aux commentaires, permettent
d'engager le dialogue avec des recruteurs potentiels.
· Les communautés professionnelles :
En pleine explosion, les réseaux sociaux en ligne sont une autre
voie d'accès au marché caché des offres d'emploi et
permettent aux candidats de développer facilement leur carnet
d'adresses. Chaque internaute peut décrire ses centres
d'intérêts et son objectif professionnel et multiplier ses
contacts "réseau" : soit par une demande directe de mise en relation,
soit via une recommandation. fidèle à la philosophie d'Internet
qui consiste à donner pour recevoir, ces réseaux inaugurent un
nouveau régime de recherche d'emploi. On ne se contente pas de formuler
une offre de services mais on propose des contacts, des informations afin
d'enrichir son carnet d'adresses. Ces réseaux permettent
également de participer à des discussions thématiques et
de rejoindre les communautés professionnelles les plus dynamiques.
2 .2 Au niveau du recrutement
Internet et les nouvelles technologies de l'information
bouleversent de plus en plus la manière dont nous vivons, nous achetons,
nous nous distrayons et nous communiquons. Les plus touchés en sont les
jeunes qui ont adopté immédiatement ces nouvelles techniques, au
point qu'ils vont naître bientôt avec un portable collé
à l'oreille! Un des domaines qui, comme jeune entrant - ou essayant
d'entrer- dans la vie active, les touchent en premier est le recrutement. Un
domaine où les technologies de l'information ont peu à peu tout
changé, au détriment de petites annonces presse traditionnelles
et en faveur de nouveaux modes de recherche de postes et de candidats. Le
traditionnel CV bénéficie maintenant des facilités des
traitements de textes modernes avec typographie actuelle, insertion de photos,
versions multiples adaptées à tel ou tel type de postes et
surtout envoi immédiat à un employeur, potentiel par mailing.
3. Les limites des nouvelles pratiques de
recrutement
Parce qu'elles sont récentes, et pour certaines d'entre
elles en phase d'expérimentation, les nouvelles pratiques de recrutement
sont observées avec attention. Les déceptions sont souvent
à la mesure des espoirs que certains recruteurs avaient placés en
elles.
· Les rendements quantitatifs sont
élevés mais qu'en est-il des rendements qualitatifs? :
la plupart des recruteurs interrogés mettent en exergue la
capacité de l'e-recrutement à générer un grand
nombre de candidatures. En revanche, beaucoup constatent une diminution des
rendements qualitatifs, notamment pour les grands sites
généralistes ou « job boards »: un nombre important de
candidatures qui ne correspond pas toujours au profil recherché et
explique souvent la pauvreté des résultats obtenus dans certaines
recherches. Si la pénurie de compétences qualifiées sur
certains métiers explique en grande partie la baisse des rendements, le
faible ratio CV qualifiés/CV reçus correspondant au besoin du
recruteur s'explique également par le média de recrutement
choisi. L'acte de candidature sur internet est aujourd'hui gratuit et
techniquement facile (un clic suffit): de fait, répondre à une
annonce par internet est considéré comme moins impliquant que la
démarche de candidature à une annonce passée dans la
presse. Ainsi, certains recruteurs en arrivent à douter: « les
cadres lisent-ils les annonces avant d'y répondre? Analysent-ils
véritablement leur adéquation au poste avant de candidater?
». D'autres recruteurs travaillant en agence de communication ou en
cabinet de recrutement remarquent que les annonces parues sur internet sont
« peu spécifiées et présentent des textes
pratiquement interchangeables ». De fait, les démarches des
candidats en recherche d'emploi sont aujourd'hui peu sélectives et les
candidats n'hésitent pas à répondre pour se faire
connaître et entrer dans le vivier des recruteurs potentiels. À
l'inverse, les candidats en poste ne prennent pas forcément le temps de
répondre aux annonces. Ils préfèrent souvent attendre que
les employeurs potentiels s'adressent directement à eux, via un cabinet
ou les réseaux sociaux.
· Le bilan de ces opérations est assez
partagé : la plupart des responsables concernés
constatent que les retours sur investissement ont été faibles en
matière de recrutement: moins de dix collaborateurs recrutés par
opération. D'autre part, les participants à ces opérations
observent que ni les recruteurs, ni les recrutés n'ont encore l'habitude
de gérer une relation virtuelle. Enfin, l'expérimentation de
salons virtuels de recrutement n'a pas permis de rentrer en contact avec des
experts ou des cadres expérimentés. Ces réserves
traduisent une incompréhension et sans doute un malentendu sur les
moyens ou les objectifs poursuivis. Pour les agences qui ont conçu et
porté ces offres, l'objectif premier de ces opérations
n'était pas de sourcer des CV mais de travailler sur la marque employeur
et de s'adresser à une nouvelle génération de cadres. Sans
doute les effets médiatiques autour du Web 2.0 ont-ils eu des effets
pervers, suscitant des espoirs importants et provoquant aux finales certaines
désillusions.
· Les nouvelles pratiques de recrutement mobilisent
des moyens de plus en plus importants : Si l'e-recrutement a
été longtemps perçu comme un moyen à la fois
efficace et économe permettant aux entreprises de diffuser leurs offres
d'emploi à un faible coût, en effet, les tarifs proposés
par les sites emploi ont tendance à s'accroître ainsi que les
offres sur des produits de communication « on line » (par exemple, la
location de candidathèque ou la mise en place de logiciels de
e-recrutement). Ainsi que le temps passé par les chargés de
recrutement pour le sourcing des candidatures qualifiées sur les
réseaux sociaux, intégrer les profils dans la base de
données de l'entreprise, modérer ou gérer les « chats
» recrutement organisés sur le site de l'entreprise, etc.
· Une multiplication des outils de recrutement:
comment choisir la ou les bonnes solutions et le bon partenaire? :
plusieurs responsables du recrutement ont exprimé un certain
désarroi face à la multiplication des sources et outils de
recrutement. Le panorama des solutions d'e-recrutement à destination des
entreprises est en effet large et complexe englobant à la fois des
offres globales couvrant ou prétendant couvrir l'ensemble des
étapes du processus de recrutement (par exemple les logiciels de
recrutement) mais aussi des offres spécifiques prenant en charge une ou
plusieurs étapes de ces processus. D'autre part, si le
e-recrutement a pris l'ascendant sur certaines pratiques traditionnelles (en
particulier les offres presse), celles-ci sont toujours proposées aux
recruteurs et se renouvellent (offres bi-média mixant par exemple
annonces papier ou relais sur le web). Enfin, certains outils hors média
comme les salons professionnels ou la cooptation continuent à se
développer avec ou sans le relais d'Internet. Cette atomisation de
l'offre perturbe le choix du recruteur et justifie le recours à un
intermédiaire (agence, site emploi ou cabinet conseil) pour
hiérarchiser les différentes solutions, préconiser et
mettre en oeuvre la ou les plus adaptées à son besoin. Elle peut
également expliquer le conservatisme de certains employeurs qui
attendent que les nouvelles pratiques de recrutement aient fait leurs preuves
avant de les adopter.
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