II - Une défense imprévisible en
matière de diffamation
Se concentrer sur les moyens de défense de l'infraction
de diffamation, c'est recentrer le débat sur les derniers remparts
existants pour protéger un lanceur d'alerte qui aurait divulgué
médiatiquement des informations (par voie de presse ou Internet).
333 Cass, crim, 15 octobre 1985, Bull crim. 1985, n°314
334 Cass, crim, 21 février 1984, Bull crim. 1984,
n°65
335 Cass, crim, 15 mars 1983, Bull crim. 1983, n°81
336 Cass, crim, 19 novembre 1985, n° 84-95502, Bull crim
n° 363
337 B. BEIGNIER, B. DE LAMY, E. DREYER, Traité de
droit de la presse et des médias, LexisNexis, Litec, Paris, 2009,
p. 447-1419
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Spécifique à la diffamation, les moyens de
défense sont l'exception de bonne foi (A) et
l'exception de vérité (B). Chacune de ces
défenses, quoiqu'efficace dans certains cas, sont encadrées par
des critères stricts ; les lanceurs d'alerte devant apporter la preuve
de la vérité des faits allégués ou la preuve de
leur bonne foi. Le parcours permettant d'annihiler toute culpabilité
à leur endroit est, dès lors, semé d'embûche.
A - L'exception de bonne foi
La loi de 1881 est restée silencieuse quant aux
critères de la bonne foi permettant de justifier la diffamation.
Paradoxalement, ce silence a été comblé par la
jurisprudence préalablement à l'adoption de la loi de 1881. En
effet, la bonne foi, notion prétorienne, est apparue en 1821. La Haute
juridiction va retenir que les imputations diffamatoires sont
réputées de droit faites avec intention de
nuire338 mais que cette présomption peut
disparaître en présence de faits justificatifs suffisants pour
faire admettre la preuve de la bonne foi du
prévenu339.
Le terme de bonne foi peut prêter à confusion.
Selon Philippe Conte, la bonne foi arbore deux acceptions différentes.
D'une part « l'absence d'intention délictueuse » et
d'autre part « un fait justificatif »340. La
bonne foi s'entendrait d'une personne ayant conscience de porter atteinte
à l'honneur et à la considération d'un individu (donc
d'être de mauvaise foi) mais dont la justice va estimer, qu'en vertu du
droit à l'information, le propos diffamant est justifié. Comme
l'affirmait le Président Mimin, il y a les bons diffamateurs
réalisant « une oeuvre salutaire, utile à la vie
politique, à la vie intellectuelle, à la vie morale de la nation
» et il y a les mauvais diffamateurs « ne visant qu'à
satisfaire la curiosité du public »341. Selon lui,
il y aurait des diffamations nécessaires parce « qu'opportunes
et légitimes ».
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