2 - Des supports numériques pour accueillir les
signalements
La protection juridique seule n'est pas suffisante pour
tranquilliser la personne constatant des actes répréhensibles.
Une confidentialité doit lui être offerte et ce pour garantir que
l'accent est mis sur le contenu de la révélation plutôt que
sur la personne qui en est à l'origine. À ce propos, Edward
Snowden avait souligné « Mon sentiment c'est que les
médias modernes se focalisent trop sur les personnes (qui divulguent).
Cela me préoccupe car plus on se focalise sur eux, plus les
médias pourront détourner l'attention
»205.
La question des hotlines ou plateformes numériques
recueillant des alertes éthiques est donc centrale, celles-ci permettant
au lanceur d'alerte de bénéficier de la confidentialité,
voire de l'anonymat (dans un premier temps à tout le moins), le
protégeant de représailles immédiates.
Comme cela a été vu préalablement, c'est
par l'application de la loi SOX en France que la problématique
de plateformes électroniques chargées de recueillir des
signalements s'est posée. En effet, la SOX avait fondé
l'obligation de prévoir des systèmes de collecte d'alertes
professionnelles nécessitant un anonymat. Mais sur le fondement de la
loi du 6 janvier 1978, la CNIL a condamné, le 26 mai 2005, deux
dispositifs mis en place. Elle a assoupli sa position en novembre 2005 avec la
publication d'un vade-mecum dans lequel elle a énoncé, qu'elle
n'était pas opposée à un système d'alerte
éthique « dès lors que les droits des personnes mises en
cause [É] dans une alerte sont garantis au regard des règles
relatives à la protection des données personnes », tout
en rappelant que l'alerte anonyme « ne peut que renforcer le risque de
dénonciation calomnieuse »206. Actuellement, les
dispositifs d'alertes professionnelles, fixés par l'AU-004, ne sont pas
anonymes. L'auteur doit être identifié et son identité doit
est traitée de façon confidentielle. Cette confidentialité
a une grande importance.
La problématique de confidentialité figure au
principe 18 de la recommandation du Comité des Ministres du
Conseil de l'Europe du 30 avril 2014. Selon la recommandation, elle ne doit pas
être confondue avec la révélation anonyme
(c'est-à-dire le cas où un signalement ou des informations soient
reçus sans que personne n'en connaisse la source). Cette
confidentialité, davantage primordiale que l'anonymat, peut être
améliorée et protégée grâce à des
plateformes numériques gérées par une autorité
administrative indépendante et non par les entreprises, utilisant les
dispositifs AU-004, qui pourraient agir contre le lanceur d'alerte suite
à la connaissance officieuse de son identité.
205 Propos tenus dans le film documentaire Citizenfour
de Laura Poitras, produit par Praxis Films, sorti en 2014 (114 mn).
206 JP FOEGLE, Les lanceurs d'alerte, étude
comparée France-Etats-Unis, op. cit., p. 85/86-167
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D'ailleurs, dans son étude sur le droit d'alerte de
février 2016, le Conseil d'État prône l'instauration et la
garantie de la stricte confidentialité de l'identité des
auteurs de l'alerte ainsi que, avant que le bien-fondé de l'alerte soit
confirmé, des personnes qu'elle vise et des informations recueillies par
l'ensemble des destinataires, internes et externes, de l'alerte
(proposition 5). Corollaire de cette confidentialité et du bon
traitement des informations, il préconise dans sa proposition 9 la
mise en place d'un portail chargé de transmettre aux autorités
compétentes les alertes émises par des personnes ne sachant pas
à quelles autorités s'adresser207.
Retenons que davantage l'anonymat, la confidentialité
du lanceur d'alerte doit être protégée. L'anonymat ne
permet aucune traçabilité des sources, ni des intentions de
l'auteur et peut engendrer une vérification approximative des
informations.
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