1.2.1.2 Les autres acteurs (distributeurs, vendeurs,
distillateurs)
Nous accordons une place importante à ces
professionnels parce qu'il nous semble que ce sont eux qui possèdent le
pouvoir de décision sur le produit fini. Le rôle des autres
acteurs, à la différence d'autres secteurs où le processus
commercial est plus long et plus segmenté, apparaît réduit
sur la forme du produit Armagnac. Les autres acteurs économiques sont
principalement situés en aval, à l'exception de la masse de
vignerons qui produisent le vin. Ceux-ci sont impliqués et
organisés au sein de la filière, mais ils ne font que fournir la
matière première. Dans la production, nous pensons aux
distillateurs et tonneliers, garants d'un savoir-faire traditionnel et
adapté aux techniques modernes. Il s'agit des revendeurs ou
importateurs, chaînon indispensable pour l'exportation aux dires des
professionnels. En France, l'Armagnac est vendu en grande partie (notamment
pour le haut de gamme) dans des réseaux particuliers (cavistes, BHR) et
en grande surface. Ces acteurs sont essentiels pour le relais de l'information,
les conseils et l'apprentissage du goût. Nous négligeons
volontairement ce secteur, car il nous semble que la causalité dans la
crise ne provient pas de la distribution, mais d'une inadéquation entre
l'offre et la demande dont les distributeurs ne sont que les
intermédiaires.
1.2.2 Les organismes représentatifs
Le caractère composite de la filière donne une
légitimité aux organes de représentation. Après
l'échec de l'union des coopératives, la baisse des ventes dans
les années 1980 annonçait la nécessité d'une
réforme du système de collaboration pour
31
coordonner des politiques collectives comme l'affirmaient
Jean-Louis Darréon et Alain Gabriel37.
L'organe essentiel de l'interprofession est le BNIA, organe
central de gestion du produit auquel s'ajoutent d'autres organisations
secondaires répondant à des intérêts
particuliers.
1.2.2.1 BNIA, l'organe représentatif et
décisionnel
La réforme statutaire du BNIA intervenue en 1991 donne
pour la première fois les bases d'une structure commune et
représentative de l'ensemble de la filière38.
Créé en 1941, modifié à plusieurs reprises, le
bureau interprofessionnel coordonne les actions des opérateurs, ou du
moins les réunit dans un but de représentativité de
l'ensemble de la filière. Il est composé en nombre identique de
représentants du syndicat de producteurs (Confédération de
la Viticulture Armagnacaise) et du syndicat des négociants (Syndicat de
l'Armagnac et des Vins du Gers) à l'assemblée
générale, dans les commissions et au conseil d'administration. La
présidence est tournante. Il est financé par un
prélèvement sur les ventes des opérateurs et les vins
à distillation. L'adhésion y est « obligatoire et volontaire
»39, d'où une insatisfaction chronique de nombreux
opérateurs contre l'inefficacité d'un syndicat qui ne
défend pas leurs intérêts40. Le BNIA a un
pouvoir réglementaire et assure diverses missions dans les domaines de
la collecte d'informations (vente, stocks), de l'assistance technique, du
contrôle de qualité, de la promotion collective...41
Indépendant vis-à-vis des pouvoirs publics (sauf
pour une part non négligeable du budget de 1 million d'euros environ),
il emploie une dizaine de personnes. Son rôle est central dans la gestion
collégiale du produit puisqu'il est un centre de décision crucial
pour l'orientation de la filière.
La légitimité du BNIA peut-elle être
contestée ? Existerait-il une autre forme de
représentativité ou une dérégulation a-t-elle un
sens ? Ces questions renvoient à la logique de l'Appellation d'Origine
Contrôlé et de la marque générique et collective
37 DARREON J.-C., GABRIEL A, op. cit., p.223 (II),
« la nécessité de réduire l'incertitude dan s
l'investigation commerciale pourrait se matérialiser par
l'amélioration du système d'information du B.N.I.A., et surtout
par la recherche d'une plus grande coordination des moyens entre les
différents partenaires ; »
38 KAYSER B.,L'Armagnac, un produit, un pays,
op. cit. ; p.63
39 Sébastien Lacroix, directeur du BNIA
40 « les 14 000F qu'on lui donne, il serait mieux dans ma
poche » M.G., propriétaire, région Eauze
41 dossier presse BNIA 2006, anexe
32
Armagnac. Un ensemble d'opérateurs partage une
même « marque » Armagnac qui n'appartient à personne si
ce n'est à un décret. Le BNIA essaie de défendre au mieux
le prestige de la marque Armagnac. Ses décisions ne sont que
l'émanation d'un consensus entre les opérateurs. Pourtant, il est
souvent perçu, notamment par les opérateurs
éloignés du centre de décisions comme un organe autonome
aux mains de quelques-uns ou de l'Etat. Beaucoup, les vignerons en particulier,
ne participent pas, ou alors de loin, aux activités de cet organe
démocratique. L'idée d'une dérégulation contre
l'omnipotence du BNIA renvoie au travers des politiques contradictoires du
passé des différents opérateurs et ne peut à terme
que conduire à nuire au produit, surtout en l'absence de changement
structurel.
Comment le BNIA peut-il conjuguer les intérêts du
produit et ceux des différents opérateurs qui s'opposent par
nature ? A ce jeu du compromis, avec des moyens limités en comparaison
avec les budgets des organes décisionnels des concurrents sur le
marché, le BNIA concentre les limites des moyens d'action de l'Armagnac
(en terme de communication et de promotion les moyens alloués sont de
500 000 euros)
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