3. Perspectives de développement
de la Belle-de-Mai
a) Quel est l'avenir des liens entre
quartier et pôle ?
On se demande tout le temps pourquoi il n'y a pas de liens
entre le quartier et les pôles, ou du moins s'il y en a. Mais finalement,
pourquoi devrait-il y en avoir ? Yann LORTEAU par exemple, se fait la
réflexion suivante : « Publiquement personne ne va
critiquer la Criée parce qu'ils ne travaillent pas avec le
quartier. ». On a donc tendance à très vite dire des
choses sur le rapport entre la Friche et le quartier.
Un projet de développement par la culture doit, de
façon certaine, profiter à son territoire. Mais dans le cas de la
Belle-de-Mai, nous ne sommes pas dans un projet de développement local
où il a été question d'intégrer le quartier. La
question ne s'est posée qu'après la réhabilitation et les
collectivités locales ne s'intéressent pas vraiment aux liens
entre pôle et quartier, ce qui les rend d'autant plus difficiles. Ce
serait finalement aux entreprises de les mettre en place et de les
gérer. C'est d'ailleurs la définition même de l'ancrage
territorial : les entreprises doivent s'intéresser à leur
territoire et tenter de développer une collaboration avec les acteurs
locaux pour que chacun s'enrichisse de l'autre. De plus, le fait qu'il n'y ait
pas d'encastrement des entreprises n'a pas empêché celles-ci, et
par extension les pôles, de se développer. Finalement, pourquoi
les pôles ou les collectivités devraient se soucier de
créer de l'ancrage si cela n'empêche pas aux entreprises de
s'installer et de se développer ?
On a peut-être tendance à trop souvent rejeter la
faute sur les entreprises. Il faut aussi prendre en considération les
moyens donnés à l'action pour mesurer l'impact de cette action
sur le territoire. On considère trop souvent la Friche par exemple comme
un lieu dédié au quartier. Mais non, c'est un lieu
dédié au public de Marseille et de l'extérieur.
Finalement, le plus important serait peut-être de créer de l'envie
pour que les gens du quartier viennent au pôle et s'intéressent
à ce qu'il s'y passe.
b) Le pôle peut-il être
considéré comme cluster créatif ?
Après nos nombreuses analyses de l'encastrement des
individus et de l'encastrement de entreprises, on peut se demander si le
pôle peut ou non se définir en tant que cluster créatif.
Par définition, un cluster créatif se développe sur un
territoire créatif. Pour rappel, un territoire créatif n'est pas
seulement une concentration de créatifs, mais c'est surtout un ensemble
de créatifs réunis dans des lieux où ils se sentent bien
et où les conditions d'innovation sont bonnes. À la Belle-de-Mai,
bien que la moitié des salariés disent se sentir biens au
pôle et aiment y travailler, cela ne représente pas la
majorité d'entre eux. Toujours selon la définition que nous avons
donnée en première partie, les pouvoirs publics ne peuvent pas
fabriquer les « créatifs », mais ils peuvent par
contre faire en sorte qu'ils viennent s'installer sur leur territoire. Il faut
donc qu'ils fassent en sorte que le territoire offre des conditions favorables
et que la qualité de vie attire ces talents. Mais à la
Belle-de-Mai, rien n'a été fait pour permettre aux
salariés se sentir bien depuis le début de la
réhabilitation. Même si le quartier a connu quelques
rénovations, cela ne lui a pas permis de se redynamiser et la
précarité y est toujours très importante. De plus, le
territoire créatif a bien évidemment des inégalités
de niveau de vie mais celles-ci ne sont pas fortes par définition. La
cohésion sociale y est bonne, ainsi que la sécurité des
biens et des personnes. Il propose des moyens d'éducation et de
recherche, favorise la diversité des équipements, des hommes et
de l'environnement. Il favorise la créativité et l'innovation. Si
un territoire répond à toutes ces exigences, alors il est
créatif, permet l'innovation et donne les moyens au cluster de se
développer. Mais à la Belle-de-Mai, la réalité est
tout autre. Les inégalités sociales entre salariés et
habitants sont très fortes, aucun programme de recherche ou
d'éducation n'est mis à disposition des créatifs, et
surtout, il n'y a aucune initiative pour la diversité des offres.
Finalement, ces différents constats confortent notre analyse en seconde
partie selon laquelle le pôle n'est pas un cluster. Ces différents
points ajoutés au fait qu'il n'y ait pas de liens entre les acteurs
confirment donc que le pôle ne fonctionne pas en synergie et qu'il n'y a
pas de cohésion avec le territoire. On apprend aussi que dans le cas
présent, le territoire où se développent les industries
créatives n'est pas un territoire créatif, ce qui va donc
à l'encontre de la théorie selon laquelle un cluster ne se
développe qu'au sein d'un espace qui favorise l'innovation et la
créativité. Finalement, le fait qu'il n'y ait pas de liens entre
les entreprises est-il dû à leur politique de développement
ou au fait que le quartier ne soit pas un territoire créatif ?
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