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Enjeux et pratiques de la mobilisation des compétences des migrants subsahariens du grand Lyon

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par Issopha NSANGOU
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ( IEDES ) - Master 2 Professionnel 2012
  

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INTRODUCTION GENERALE

MISE EN CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE 7

1. CONSTATS PREALABLES 8

2. PROBLEMATIQUE GENERALE 12

2.1. Questions de recherche

13

2.1.1. Question centrale

13

2.1.2. Questions secondaires

13

 

2.2. Corpus des réponses provisoires au moment du démarrage de l'enquête 13

2.3. Objectifs de l'étude 14
2.3.1. Objectif principal 14

2.3.2. Objectifs spécifiques 15

3. FONDEMENTS METHODOLOGIQUES DE L'ENQUETE 15

3.1. Cadre théorique opérationnel 15

3.2. Méthode et outils de collecte de données 17

4. METHODES D'ECHANTILLONNAGE 20

5. DELIMITATION DU CHAMP CONCEPTUEL 21

7

MISE EN CONTEXTE ET JUSTIFICATION DE L'ETUDE

A la faveur de « la prise de conscience croissante de l'importance de la connaissance dans les processus de développement, stimulée par l'émergence des systèmes nationaux d'innovation en même temps que l'ouverture de nombreux pays du Sud durant les années 1990 (Argentine, Chili, Chine, Colombie, Inde) »2, le renforcement et la mobilisation des compétences des expatriés tiennent désormais une place centrale dans les stratégies nationales de développement au Sud. Si la question des transferts des fonds des migrants a fait l'objet de nombre d'études pluridisciplinaires, l'heure est de plus en plus à l'évaluation d'impact des transferts des ressources non financières principalement cognitives et techniques sur le développement des pays d'origine. D'où les initiatives diasporiques et étatiques qui se sont multipliées ces dernières décennies en faveur de l'agrégation des ressources humaines africaines dotées de compétences utiles à la construction des économies de ces pays. Mais au-delà, la préoccupation semble également se porter sur la nécessité de mettre cette mobilisation du capital cognitif et humain des migrants au service du processus d'intégration économique des « pairs » dans les pays d'accueil. Une préoccupation fortement exprimée par nombre de groupes diasporiques d'Europe (associations et fédérations d'organisations issues des migrants) tels le FORIM et tout récemment le RESACOOP3 en Rhône-Alpes en France ou le forum DAVOC4 en Suisse, à travers la constitution des fichiers de compétences, des annuaires de professionnels issus des migrations. Les associations des migrants, certaines du moins, ne font donc pas l'économie de cette ingénierie ou gestion des connaissances par laquelle passe le développement, au-delà de l'approche traditionnelle des facteurs de production.

Ainsi donc , la réaffirmation du statut du migrant africain en tant qu'acteur incontournable du développement invite les pouvoirs publics des pays d'accueil et de départ, la société civile, les réseaux d'acteurs de la solidarité internationale, les associations d'insertion des migrants dans les pays d'arrivée ainsi que le chercheur, à réfléchir aux voies et moyens permettant d'inciter, développer, faciliter et valoriser l' « agir »5 social et économique des immigrés d'ancienne ou de fraîche installation en France. Disons le autrement : participer avec efficacité aux dynamiques de transformation sociale dans le Sud commande au migrant, quels que soient son statut et les motifs de l'émigration, de mobiliser d'importantes ressources (financières et immatérielles). Et cela implique une assise juridique et socio-économique solide dans le pays d'accueil, la France en l'occurrence.

Mais au-delà de l'urgence de « développer » et à rebours des « facilités » octroyées par les instances publiques en Europe dans le cadre du dispositif des aides au retour dans le pays d'origine (retour encadré ou volontaire géré par l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration), apparaît en filigrane le besoin pour l'immigré installé légalement de participer pleinement à la vie économique et citoyenne de son environnement social d'une part ; et d'autre part de jouir de son droit à circuler sans compromission de son projet migratoire. Cette participation peut-être multidimensionnelle, individuelle ou collective. La démarche entrepreneuriale, économique ou sociale, prend à cet égard une importance de plus en plus croissante au sein de la population immigrée de France6.

2

Jean-Baptiste Meyer, « La circulation des compétences, un enjeu pour le développement » in Migration et développement, un mariage

arrangé, Annuaire suisse de politique du développement, vol.27, N°2, 2008.

3

Réseau Rhône-Alpes d'appui à la coopération internationale et qui depuis 1994 : « conseille et accompagne les organisations de la région Rhône-Alpes, engagées dans des actions de coopération et de solidarité internationales avec les pays en développement et en transition économique ». Portail du Résacoop.

4 DAVOC (Draw a vision of Cameroon) est un forum des compétences de la diaspora camerounaise qui s'est tenu pour sa 5e édition à Genève du 11 au 12 octobre 2012, organisé par le réseau des expatriés camerounais hautement qualifiés , le réseau CASA-NET ( Cameroonian Skills Abroad - Network) basé en Suisse, soutenu par l'ONG Suisse OCAPROCE INTERNATIONAL et par L'État camerounais . Thème majeur du forum : « contribution des migrants africains aux programmes de développement ». Occasion pour les migrants africains de venir discuter des axes concrets de leur participation à la définition et la mise en oeuvre de politiques publiques de développement. Le cas du Cameroun, avec l'examen du récent DSCE (Document Stratégique pour la Croissance et l'Emploi) a ainsi été examiné.

5

Agir : c'est entrer ou être en action, adopter une attitude, exercer une action sur. Quelques synonymes identifiés de ce mot : entreprendre, exécuter, intervenir, mettre à exécution, mettre en pratique, opérer, passer à l'acte, réagir, s'agiter, se remuer, s'occuper, travailler (Larousse des synonymes et contraires, Mai 2004).

6

Thierry LEVY-TADJINE, « L'entrepreneuriat immigré et son accompagnement en France », thèse de doctorat soutenue en octobre 2004, Université du Sud-Toulon-Var.

8

L' « agir » socio-économique du migrant africain qui va croissant se pose bien des fois comme une solution efficiente aux difficultés d'insertion socioprofessionnelle, avec évidemment, nous le verrons plus loin, des formes, des trajectoires et des fortunes diverses.

Dans l'optique d'appréhender au mieux la problématique de notre étude et d'en préciser par la même occasion son triple intérêt : scientifique, pratique et politique, nous proposons d'inventorier ici quelques constats de départ qui ont donné prétexte à ce travail de recherche.

1. CONSTATS PREALABLES

Constat n°1

Tout d'abord, les immigrés africains en France (travailleurs, réfugiés, naturalisés, illégaux...) n'ont pas tous vocation ou la volonté de devenir acteurs du développement7. En conséquence, ils n'envisagent pas tous systématiquement de retourner dans leur pays d'origine et encore moins d'y engager quelque investissement productif que ce soit. Si la notion si polémique de Co-développement (remorquée par l'impératif politique de la régulation des flux migratoires) s'est pour beaucoup appuyée sur l'hypothèse du retour du migrant volontaire ou forcé (migration temporaire donc) dans le pays d'origine aux fins de s'y réinstaller et de le « développer » , le phénomène même des migrations de retour a considérablement évolué et tend à céder le terrain aux migrations circulatoires. Le phénomène, quoi qu'il en soit, varie selon les espaces, les projets migratoires individuels ou collectifs, et les politiques publiques en la matière promues au Nord comme au Sud.8

Constat n° 2

L'expérience migratoire peut être fondatrice d'une perception alternative du développement par le migrant lui-même, capable à certaines conditions d'analyser un contexte, les enjeux, les intérêts, d'identifier les gains potentiels ou les risques liés aux actions entreprises, puis de développer des stratégies idoines. Selon son statut et les ressources disponibles (fonds, savoirs, compétences, réseaux), le migrant peut avoir recours à la mobilité interne ou externe au départ cette fois du pays d'accueil. Il est donc susceptible de s'installer et, partant, d'initier une activité économique dans un environnement qui lui paraitrait « viable » et stable, un investissement productif donc, dans une aire autre que celle du pays d'origine. Et c'est là tout l'intérêt du paradigme sur la circulation des compétences que nous évoquerons plus loin, et qui a peu à peu éclipsé l'obsessionnelle grille de lecture de la « fuite des cerveaux ». Le patriotisme économique ou sociopolitique n'est plus une règle absolue dans un contexte où le désenchantement démocratique, l'instabilité politique (pour ce qui est de certains pays africains

7 Altay Manço, Valorisation des compétences et co-développement. Initiatives pour migrants africains qualifiés. La recherche-action VITAR, Irfam, Bruxelles, 2008.

8

Il est reconnu que les flux de retour occasionnés par les politiques publiques concernent de très petits effectifs, c'est ce qu'indiquent

Marie-Laure FLAHAUX et alii, in Partir, revenir : Tendances et facteurs des migrations africaines intra et extra-continentales : « les retours en provenance des pays du Nord sont à la fois moins nombreux et moins rapides. Après 10 années passées hors du Sénégal, environ 7 migrants internationaux sur 10 sont de retour d'Afrique, ils sont seulement 2 sur 10 parmi ceux qui avaient rejoint un pays du Nord. Et l'écart s'accroît encore légèrement avec le temps. Les migrations de retour des Congolais sont légèrement moins nombreuses et moins rapides, mais l'écart en fonction des destinations (pays du Nord vs. pays africains) demeure(...)pour les migrants, le retour au pays est associé à l'incertitude des conditions de réinsertion ; la possibilité de repartir en cas de difficultés lors du retour est une manière de pallier cette incertitude ; du coup, plus le coût du départ est élevé (en argent, en démarches, en risques divers), moins il est aisé de décider de rentrer. Dans d'autres contextes, des chercheurs ont ainsi montré que les migrations de retour des Mexicains sont devenues moins fréquentes lorsque les conditions d'immigration aux

États-Unis sont devenues plus difficiles (Massey, Durand et al. 2002) Pour rappel, le retour des étrangers est à l'ordre du jour en Europe et fait aussi partie de la politique des étrangers. Des initiatives de retour sont mises sur pied dans les différents états membres de l'Union Européenne (UE), et cela pour trois catégories d'étrangers: respectivement les demandeurs d'asile déboutés, les personnes déplacées et les autres migrants. Il s'agit tantôt d'initiatives à court terme ou de programmes ciblés sur un public spécifique, tantôt de services permanents destinés à une large catégorie de personnes, indépendamment de leur nationalité ou de leur statut. Depuis 1992 la plupart de retournants sont des demandeurs d'asile qui n'ont pas été reconnus comme réfugiés.

9

francophones), la crise économique sévère et son cheptel de conséquences dramatiques pour le niveau de vie des citoyens africains constituent des facteurs répulsifs l iimportants. Ils peuvent être d'ailleurs de nature à impacter

i

fortement les projets ou trajectoires de vie des migrants, leurs relations avec le pays d'origine, et l'intention d'y retourner, d'y investir ou non. Et à cet égard, nous verrons que les pratiques transnationales de développement de certains migrants en direction de leurs pays d'origine est fonction de la situation et de la configuration sociopolitique de ces derniers. En conséquence, et nous y reviendrons, une partie des migrants en France a vocation à acquérir la nationalité française, une autre à revenir dans le pays de départ et le dernier tiers à partir vers une autre destination.

Constat n°3

Peu de cas sont faits dans la littérature spécialisée des études sur les étapes en amont de la création d'entreprise et le processus d'accompagnement et de création proprement dit, ainsi que la spécificité gestionnaire des initiatives socio-économiques des migrants en France (Lévy-Tadjine, 2004). En effet, si les dimensions socioculturelles de l'entrepreneuriat immigré tiennent une large place dans les travaux scientifiques, il n'en est pas de même de l' « approche processuelle » ou « approche HOW». Cette approche conduirait par exemple à étudier comment l'entrepreneur subsaharien dans sa démarche entrepreneuriale a recours aux ressources auprès des réseaux des migrants, la solidarité du groupe (pour trouver un financement, une garantie pour les banques, etc). Cette grille de lecture amènerait aussi à s'interroger sur les modalités de management de l'entreprise et l'accompagnement dont il bénéficie de la part des associations d'appui (issues des migrations au besoin), les dynamiques socioculturelles ou interculturelles qui s`instaurent. En clair, en reprenant à notre compte l'expression de SCHMITT citée par Thierry Lévy-Tadjine (2004, p.17) : « l'étude processuelle de l'entrepreneuriat immigré concerne tout autant les entreprises en création que les entreprises de création ». Un focus sur l'entrepreneur immigré et son accompagnement, en somme. Il serait également intéressant de se pencher sur l'intégration sous l'angle de la finalité, pour évaluer si la création et la gestion d'une entreprise ont permis ou non une intégration, du point de vue de l'entrepreneur lui-même. L'analyse du discours des acteurs sur eux-mêmes et les autres est en ce sens particulièrement pertinent.

Constat n° 4

Les diasporas africaines du savoir (ou diasporas de la connaissance), les ONG de migrants experts10, les organismes d'appui opérationnel et de gestion issus des migrations11 se multiplient depuis quelques années en France, avec l'ambition affichée de mobiliser les ressources financières et non-financières (cognitives, relationnelles, institutionnelles, organisationnelles) des migrants en vue des transferts et du développement dans

l

les pays d'origine. Toutefois, quelques problèmes se posent et nous semblent majeurs:

10 Tel l'ONG de migrants professionnels hautement qualifiés basés en Suisse Afri-Experts International, qui : « offre une gamme de services variés dans les domaines du développement international, des technologies de l'information, des services financiers et de l'immigration. Ses activités s'appuient sur la formation de haut niveau et les compétences de son vaste réseau de consultants qui jouissent d'une excellente notoriété pour réaliser les missions qui leur sont confiées en rapport avec leurs différents champs d'expertises ». Portail Afri-Extperts http://www.afriexperts.com/index.php/notre-firme/mission

11

A l'instar du COSIM Rhône-Alpes qui est un Collectif né avril 2007 à l'initiative d'Organisations de solidarité internationale issues des Migrations(OSIM) et spécialisé, entre autres missions, dans le renforcement des capacités de celles-ci, l'appui au montage et le suivi des projets de développement solidaire dans les pays d'origine (Afrique, Asie, Amérique latine).

1.

10

La proportion des migrants africains faiblement qualifiés résidant en France, toute génération confondue, est aussi importante en comparaison du contingent des migrants hautement qualifiés, selon de nombreuses études en Europe notamment13. Elle subit plus que d'autres catégories de travailleurs les incidences socio- économiques de la crise économique et financière (taux de chômage élevé chez les hommes et davantage chez les femmes, non-reconnaissance des compétences quand il y en a, emplois peu ou sous-qualifiés et mal rémunérés) avec d'importantes implications sociales (baisse du revenu, mal-logement principalement). Pourtant, bien moindres sont les dispositifs recensés en France au niveau des politiques publiques en matière de (co)-développement et au niveau des OSIM expertes à destination de ce public. Nous entendons par là des dispositifs visant à développer les compétences et l'employabilité des migrants non-diplômés et sans qualifications particulières, au-delà des dispositifs génériques existants gérés par les agences publiques/privées pour l'emploi et la création d'entreprise : Pôle emploi, agences d'intérim, cabinets de recrutement.

Il en ressort parfois une difficulté pour les immigrés à allier aide aux leurs restés au pays et bien-être individuel ou collectif dans la société d'accueil car une partie conséquente des revenus du travail ou des prestations sociales va être dédiée aux transferts de fonds là-bas. Au niveau de la recherche, de ce qu'il ressort de nos investigations documentaires, bien peu de travaux ont été consacrés spécifiquement aux travailleurs migrants sans qualifications en France, si ce n'est indirectement au travers des associations communautaires de migrants, ce qui peut paraître fort réducteur. On sait par exemple peu sur les activités menées par ces groupes diasporiques pour faciliter l'intégration économique et socioprofessionnelle de cette catégorie de travailleurs : formation, réseaux d'information pour la recherche d'emploi, entreprises d'insertion par le travail et issues des migrations, etc. D'où l'intérêt majeur que nous apporterons à ceux-ci, sous l'angle professionnel et économique, dans le cadre de ce travail.

2. Pour faire face de façon plus efficace et coordonnée aux problèmes d'intégration et de développement qui se posent actuellement aux migrants en France, des regroupements d'OSIM (associations, fédérations, forums...) se sont accrus dans le courant des années 2000 (Forim, Fafrad)14 .Parallèlement émergent des tentatives de rapprochement entre membres des diasporas de la connaissance originaires des pays africains. Qu'elles soient l'initiative des migrants ou des non-migrants, l'optique de ces agrégations est d'assurer aux associations socioculturelles, de solidarité ou de développement des immigrés en France: une visibilité publique, administrative et politique, une coopération et une convergence des actions et l'accès aux ressources des instances publiques (subventions et aides en tous genres). Pourtant, en dépit de ces efforts de mutualisation des outils et actions, il n'existe pas à proprement parler de cadre opérationnel spécifique, national et cohérent, permettant des consortiums, des alliances fortes entre réseaux de migrants, des passerelles visibles ayant vocation à décloisonner ces organisations parfois

13 Voir la Base de données de l'OCDE sur les immigrés et les expatriés de 2004, in Louka T. Katseli et alii. (2006), « Politiques migratoires et développement : une perspective européenne », Cahier de Politique Économique, n° 30, OCDE. Il y est analysé que : « La migration de travailleurs peu et semi-qualifiés a en général un impact plus fort que l'émigration de professionnels sur la réduction de la pauvreté dans le pays d'origine(...)Trois raisons expliquent ce phénomène : tout d'abord, ces travailleurs sont originaires de familles et de communautés à faible revenu qui profitent donc plus directement de la migration ; ensuite, leur retrait sur les marchés de travail des pays d'origine ouvre la voie à d'autres travailleurs peu ou semi-qualifiés appelés à les remplacer ; enfin, ces migrants ont tendance à envoyer davantage de fonds que les professionnels hautement qualifiés, surtout s'ils ont laissé leurs familles au pays(...) La migration de travailleurs peu ou semi-qualifiés confère par ailleurs

d'importants avantages à de nombreux pays d'accueil(...)dans les secteurs de l'agriculture, du BTP et des services aux particuliers »

14

On peut lire ceci à la Page d'accueil du site web du FORIM : « Le Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations (FORIM) est une plateforme nationale qui réunit des réseaux, des fédérations et des regroupements d'Organisations de Solidarité Internationale issues de l'Immigration(OSIM), engagés dans des actions d'intégration ici et dans des actions de développement dans les pays d'origine. Le FORIM représente environ 700 associations intervenant en Afrique Subsaharienne, au Maghreb, en Asie du Sud Est, aux Caraïbes et dans l'Océan Indien. Créé en mars 2002 avec le soutien des pouvoirs publics français, il témoigne de la volonté de ses membres de s'associer à toutes les composantes de la société civile française, afin de favoriser l'intégration des populations issues des migrations internationales, de renforcer les échanges entre la France et les pays d'origine et de contribuer au développement de leur région d'origine. Il montre une image spécifique de la vie associative des personnes issues de l'immigration et met en évidence les aspects positifs de la double appartenance en faisant la promotion d'actions conduites en France autour de l'intégration, de l'échange culturel et d'actions de développement vers les pays d'origine » ; La FAFRAD ou Fédération des Associations Franco-Africaines de Développement est une ONG de solidarité internationale née en 2008 et basée à Bobigny en région Île-de-France, dont le but est de « Décloisonner l'espace et le domaine de la coopération Nord-Sud et en particulier, celle décentralisée et assurer une meilleure coordination des initiatives franco-africaine de

développement en tirant un meilleur parti de toutes » (statuts de l'organisation)

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murées dans un entre-soi qui à certains égards peut desservir.

Ce défaut de cadre commun d'action rend difficile certaines initiatives susceptibles de résoudre les problématiques d'insertion sensibles .Par exemple, construire un système cordonné de promotion des droits sociaux des migrants subsahariens les plus vulnérables qui, même s'ils sont différents par leurs origines ethno-géographiques, ont en partage les mêmes difficultés sociales. Nous pensons également à la mise en place par des structures d'insertion (par la formation) d'un système de certifications et des référentiels et normes professionnelles permettant la mise à contribution des compétences des migrants acquises sans diplôme reconnu (apprentissage non-formel et informel), utiles aux économies des pays source et d'arrivée . Ce système pouvant permettre par ailleurs d'harmoniser, en France en tout cas, les processus spécifiques de montage et valorisation des projets socio-économiques des migrants et les mécanismes de leur gestion. Quelques initiatives notables mais isolées existent, telles la mutuelle des Sénégalais de France15 ou des annuaires de compétences pour lesquels des modalités et cadres de mise en valeur sont définis et connus de l'ensemble des acteurs concernés. C'est le cas des communautés pakistanaise et subsaharienne dans les grandes provinces du Canada. Une telle plateforme opérationnelle pourrait servir de cadre de rapprochement et de coopération aux projets de développement ou d'intégration d'envergure entre fédérations d'associations professionnelles, techniques, scientifiques, financières, institutionnelles de migrants africains dans toute leur diversité. Nous songeons par exemple à la promotion de l'entrepreneuriat international entre autres opportunités.

Or, les interactions entre OSIM techniques, Diasporas africaines dites du savoir (en tant qu'initiatrices de réflexions, de débats et porteuses de propositions innovantes et pratiques) et les associations communautaires de migrants sont pour l'instant, nous le postulons, sinon inexistants, du moins très faiblement mises à contribution dans la démarche de mobilisation et valorisation des compétences des migrants africains. Ce déficit d'approche intégrative à large échelle, en tout cas de part et d'autre de ces 3 pôles d'acteurs diasporiques, pose un problème non-négligeable () d'accès à l'information des nouveaux arrivants au niveau de la France du moins. Cela concerne, par exemple, la connaissance du marché du travail local et national, les certifications requises pour intégrer certains segments du marché du travail, notamment ceux qui ne sont pas réglementés (85% du marché du travail au Canada), l'accès aux incubateurs pour l'entrepreneuriat, la formation professionnelle propre à un secteur d'activités particulier, au-delà bien sûr des dispositifs génériques existants dans le cadre des Plans régionaux d'Intégration redéfinis sous la mandature du Président Nicolas Sarkozy (Contrat d'accueil et d'Intégration, Programme de formations linguistiques, bilan de compétences, en partenariat avec l'Office Français de l'Intégration et de l'Immigration et Pôle emploi, etc.).

3. À l'échelle des instances gouvernementales, nous postulons que combler un tel manque aiderait les migrants organisés et structurés à peser de manière décisive sur l'appareil institutionnel, sur les politiques publiques de l'espace européen et de la France en matière de coopération, de développement, de conseils aux entreprises européennes souhaitant par exemple investir dans les pays africains ; ou plus encore, sur les politiques migratoires et d'intégration dans les pays d'accueil en l'occurrence.

En d'autres termes, il y a nécessité à construire des espaces de développement et de valorisation des capitaux humain et social des immigrés qualifiés et peu ou non-qualifiés ici pour mieux agir avec efficacité dans le long terme là-bas. Et c'est dans et à travers ce cadre opérationnel structuré, identifié, visible, qui se posera comme « lieu d'investissement de l'action diasporique et son inscription plus élargie dans le cadre national ou continental » ( Babacar Sall , 2003) que serait mise en exergue et apprécié à sa juste valeur l'expertise opérationnelle des diasporas scientifiques et techniques, des OSIM d'appui et gestion des projets économiques des migrants auprès des publics porteurs d'une demande sociale particulière dans les pays d'accueil et dans les pays d'origine : État, entreprises, société civile, particuliers.

15

MECSEF : La Mutuelle d'Épargne, de Crédit des Sénégalais en France (MECSEF) qui ambitionne de « Participer à l'amélioration des conditions de vie et d'insertion socio-économique des populations ici et là-bas. Permettre à tous Sénégalais vivant en France d'être Acteur Solidaire d'un Co développement économique durable et solidaire », entre autres missions. Voir sur son Portail web : http://www.mecsef.com/

12

Compte tenu du cheptel de constats qui précèdent, c'est l'exploration du volet insertion/intégration des migrants originaires de l'Afrique sub-saharienne (tous statuts) dans le circuit social et économique en France (mécanismes, dispositifs, acteurs, politiques) qui a mobilisé notre attention. De même que l'autonomie financière et les gains de nature technique qui, théoriquement du moins, leur sont corrélés.

La ligne directrice de cette étude consiste à porter un double regard à la fois sur la démarche individuelle et collective d'insertion des migrants au travers de la mobilisation et la valorisation des ressources ( sociales, culturelles, humaines et économiques) autant que sur la dimension sociale de l'entrepreneuriat immigré très peu exploré (maillage de réseaux de diasporas expertes avec des structures d'accompagnement et de formation et les associations d'insertion des migrants...).

Cette posture met en avant l'idée que les initiatives socio-économiques des migrants constituent une des étapes fondamentales d'accumulation des ressources et des compétences requises dans l'accomplissement des actions de développement. Ce n'est donc pas un hasard si les logiques de transferts et de circulation de fonds et des connaissances (savoirs et savoir-faire) vers les pays en développement ont fait l'objet de nombreux travaux scientifiques et qu'ils sont fortement encouragés par les acteurs politiques et de la solidarité internationale16. L'enjeu est en effet double : l'acquisition de la culture de l'investissement productif par les migrants, sans

l 18

distinction de qualification . Puis le renforcement des capacités de ceux des immigrés les plus concernés par les situations de précarité socioprofessionnelle en France : déqualification, sous-qualification et leurs corollaires.

Aussi, tenterons-nous dans le cadre de ce travail d'esquisser des éléments de réponse à la problématique suivante :

2. PROBLEMATIQUE GENERALE

Si le constat de l'accès de plus en plus restreint au marché du travail en France aux migrants originaires de l'Afrique sub-saharienne est aujourd'hui globalement partagé, il importe d'identifier les mécanismes et les instruments pouvant permettre de reconnaître, développer, mobiliser et valoriser les compétences individuelles et collectives (associatives) des migrants subsahariens qualifiés et faiblement qualifiés en France ; afin d'améliorer leur employabilité, la prise d'initiatives socio-économiques efficientes, favorisant une intégration réussie en France, l'accumulation et la transférabilité de ces ressources financières et immatérielles dans les pays de départ.

Quels cadres organisés et quelles structurations efficaces des associations subsahariennes (tous champs d'actions confondus) pour opérationnaliser la mise en valeur des ressources humaines immigrées africaines, à l'instar de ce que font les diasporas marocaine, indienne et chinoise en France, Europe et Amérique ? Comment atteindre cet objectif et le reproduire à large échelle ?

16 Le programme TOTKEN (Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals) ou Transfert de connaissances par l'intermédiaire de nationaux expatriés), développé et conduit depuis 1977 par Le Pnud (Programme des Nations unies pour le développement) offre ainsi des voies alternatives aux pays ne disposant pas d'infrastructures locales viables pour accueillir leurs ressources humaines exilées les plus qualifiées (chercheurs, ingénieurs). Aussi, ce programme permet-il de soutenir des missions temporaires de consultance scientifique ou technique réalisées par des chercheurs expatriés dans leur pays d'origine. Voir par exemple le portail internet du Totken Sénégal adossé au Programme National pour la Mobilisation de l'Expertise de la Diaspora (PNMED) : http://www.tokten.sn/

18

En tout cas ceux qui sont les moins enclins à cette démarche en France, au-delà du financement des micro-réalisations dans les localités d'origine.

13

2.1. Questions de recherche

2.1.1. Question centrale

Quels sont les discours, les positionnements et les pratiques des organisations associatives subsahariennes du Grand Lyon en matière de mobilisation des compétences (cognitives, techniques et culturelles), de ressources économiques, de construction des réseaux diasporiques et des alliances stratégiques en regard des champs de l'insertion socio-économique et professionnelle des migrants et du développement solidaire dans les pays source ?

2.1.2. Questions secondaires

- Quelles sont les pratiques des associations sub-sahariennes de l'agglomération lyonnaise en matière

d'accueil, d'intégration et d'insertion des migrants (en vue de l'amélioration de leurs conditions de vie) ?

- Comment les organisations associatives appréhendent-elles les dispositifs institutionnels de la politique

d'intégration des populations immigrées et des politiques de la ville à Lyon et ses alentours ? Quel est leur niveau d'investissement global dans la mise en oeuvre de ces politiques publiques au niveau local ?

- Quel rôle les associations de migrants peuvent-elles jouer, au-delà des instruments génériques existants

en France, dans le développement des compétences des travailleurs migrants dans un contexte économique tendu où l'employabilité exige de plus en plus des qualifications fortes, plus de flexibilité et de mobilité ?

- Quels facteurs expliquent que les associations africaines soient d'ordinaire moins bien structurées,

moins inter-reliées et moins visibles institutionnellement que les organisations françaises d'insertion ou encore des diasporas maghrébines ? Quels sont du point de vue des acteurs eux-mêmes les facteurs de réussite et d'échecs des groupes diasporiques africains dans le Grand Lyon ?

- Quels solutions et modèles relationnels féconds les acteurs subsahariens esquissent-ils au travers de

leurs discours afin de : surmonter les tensions politico-ethniques et luttes internes de pouvoir qui fragilisent d'ordinaire les associations, renforcer les synergies entre groupes associatifs de toutes origines, accentuer les échanges de bonnes pratiques et les expériences porteuses en matière d'insertion ici et de développement là-bas ? Comment formaliser l'influence d'une diaspora peu organisée au niveau institutionnel ici?

- Dans quelle mesure est-il possible d'inclure l'interculturalité dans les mesures spécifiques d'insertion et

d'accompagnement à l'accès à l'emploi ou à la création d'entreprise ? les stratégies identitaires des organisations diasporiques africaines peuvent-elles constituer une réponse au processus d'intégration professionnelle et socio-économique des migrants en France ?

- Quelles pratiques développent les associations des migrants en matière de promotion de l'entrepreneuriat

immigré ?

2.2. Corpus des réponses provisoires au moment du démarrage de l'enquête

2.2.1. Proposition provisoire de base

L'efficacité individuelle et collective des actions d'intégration sociale, professionnelle et économique des migrants africains regroupés en associations dans le Rhône ainsi que la mobilisation et la valorisation de leurs

14

compétences sont fortement déterminées et conditionnées par le niveau de structuration et de management de leurs organisations, l'intensité de leurs interactions, le niveau d'accès à l'information pertinente et leur niveau d'expertises respectives.

2.2.2. Propositions de travail

- En dépit des objectifs clairement stipulés dans leurs statuts, nombre d'OSIM et les fédérations auxquelles

elles se rattachent n'investissent que très marginalement le champ de l'intégration et appréhendent faiblement les instruments institutionnels existants (Plan départemental d'intégration). Il en ressort que les migrants peu qualifiés par exemple sont les laissés-pour-compte des politiques de développement des compétences (avec ou au-delà des dispositifs génériques existants) et d'accompagnement à l'intégration socio-professionnelle aussi bien par les associations que par les pouvoirs publics.

- L'accompagnement à l'insertion des migrants primo-arrivants ou des migrants anciens se pratique par les

associations communautaires de manière informelle et ponctuelle au travers de la mobilisation des ressources et réseaux de sociabilité traditionnels endogènes : hébergement, entraide matérielle et morale entre ressortissants de la même localité ou du même pays d'origine...

- Les lacunes stratégiques et organisationnelles des groupes diasporiques sub-sahariens du Rhône et les

défections à l'égard des projets collectifs d'intégration des migrants par les associations qui les représentent résident pour beaucoup dans l'affaiblissement croissant du ferment unitaire national et du sentiment patriotique, la prépondérance des intérêts individuels contradictoires, des conflits de leadership, des irréductibilités ethno-régionalistes, des tensions politiques locales importées en France et des rapports politiques problématiques qu'entretiennent une frange importante des ressortissants africains avec les régimes politiques locaux. Il s'en suit des velléités de mise en réseaux sans consistance réelle et la dispersion accrue des membres de la diaspora et de leurs multiples capitaux (social, cognitif, économique, etc.) qui circulent certes mais sans cadre spécifique de mise à contribution et de valorisation.

- La situation socio-politique du pays d'origine et la réalité du « mieux vivre ensemble » au sein des

associations dans le Rhône sont fortement imbriqués.

- Le succès d'une mobilisation et valorisation des compétences aux fins d'une intégration socio-

professionnelle et économique forte passe surtout et avant tout par la structuration des groupes associatifs en réseaux alliant, selon les compétences et les apports potentiels, les diasporas de la connaissance, les OSIM d'appui et les associations culturelles, militantes et communautaires, autrement dit, un point de rencontre entre qualifiés, moyennement qualifiés et les sans qualifications.

2.3. Objectifs de l'étude

2.3.1. Objectif principal

Déterminer les pratiques actuelles des groupes diasporiques subsahariens dans le Grand Lyon (OSIM généralistes ou spécialisées) en matière de mobilisation et de valorisation des compétences des migrants qualifiés et faiblement qualifiés, de l'insertion économique et professionnelle et identifier ensuite les conditions et les modalités de mise en place d'un cadre opérationnel organisé permettant :

- de tirer le meilleur parti des savoirs et savoir-faire souvent épars, dévalorisés ou sous-employés des

migrants ;

- d'encourager, accompagner et optimiser les initiatives socio-économiques immigrées en France et en

Afrique.

15

2.3.2. Objectifs spécifiques

- Examiner un aspect particulier du processus d'intégration : l'accès des migrants qualifiés et sans

qualifications au marché du travail en France et dans le Rhône et l'analyse des remèdes préconisées par le gouvernement français en ce sens et les résultats des mesures ayant eu pour but de favoriser l'intégration.

- Dresser un état des lieux du lien entre associations sub-sahariennes et l'intégration économique des

migrants dans l'environnement local, l'importance de cette préoccupation dans leurs agendas d'activités, leur relation à la question du renforcement des compétences et des capacités des migrants au travers des cadres, politiques, intervenants spécialisés et des dispositifs génériques et/ou spécifiques publics : Validation et valorisation des acquis des antécédents professionnels, formation continue d'adultes (professionnelle, remise à niveau).

- identifier les organisations diasporiques africaines (intellectuelles, d'appui et communautaires) de la

région lyonnaise et la nature des liens possibles qu'elles entretiennent, puis les pratiques des structures d'appui et accompagnement issues des migrants pour les migrants dans l'optique d'une implication forte et visible de ceux-ci dans les dynamiques économiques des bassins de vie.

- analyser ensuite les préalables nécessaires et les ressources à mobiliser afin qu'émerge un cadre

opérationnel efficient, facilitant la collaboration entre groupes de migrants experts et non-experts ; ce cadre visant à développer l'employabilité des migrants africains ( tous statuts , niveau d'études et origines confondus) en tirant le meilleur parti de leurs aptitudes souvent éparses, inadéquates , dévalorisées et/ou sous-employées.

- Identifier les pistes pour associer les groupes diasporiques (OSIM communautaires et diasporas

professionnelles et savantes) à la politique régionale de coopération décentralisée, de solidarité internationale et d'intégration socioculturelle, professionnelle et économique des immigrés.

- Identifier ce qui se fait avec réussite sur les plans opérationnel et organisationnel au sein des associations

sub-sahariennes du Grand Lyon et les opportunités de leur réplication en d'autres endroits dans un cadre formel d'échanges de bonnes pratiques et capitalisation d'expériences.

3. FONDEMENTS METHODOLOGIQUES DE L'ETUDE

3.1. Cadre théorique opérationnel

Pour déterminer ses appuis méthodologiques, la présente étude a eu recours à : ? La Théorie de l'acteur stratégique (acteur et le système)

Centrale dans la sociologie des organisations, développée par Michel Crozier et Erhard Friedberg, elle nous a permis de saisir, à travers les discours et l'observation participative, les rationalités d'acteurs qui président aux choix d'adhésion ou non aux réseaux des pairs, les jeux et intérêts qui s'affirment , interagissent ou s'opposent, leurs impacts sur les actions collectives et l'efficacité ou non de celles-ci sur les objectifs de développement, solidarité ou d'intégration en France. Dit autrement, la démarche a consisté à analyser le fonctionnement et la structuration des organisations de migrants en partant des caractéristiques et des stratégies individuelles ou collectives propres aux membres qui les composent.

16

Cette théorie s'appuie d'ailleurs sur trois principes majeurs relatifs au concept de stratégie que nous avons repris à notre compte dans le cadre de cette étude :

- Renforcer la capacité d'action en aménageant dans le même temps des marges de manoeuvre est le sens majeur des actions des acteurs dans une organisation ;

- Le comportement des acteurs a toujours un sens intrinsèque même si les projets peuvent parfois manquer de cohérence ou de clarté ;

- Tout comportement humain est actif dans la mesure où il résulte d'un choix et s'ajuste de façon opportune en fonction du comportement possible d'autrui.

À la lumière de ces principes, nous avons émis l'hypothèse que les stratégies du migrant membre de groupes associatifs s'élaborent au fur et à mesure eu égard à la situation dans laquelle il est impliqué, son statut, les actions engagées, les objectifs de l'organisation qui peuvent converger ou non avec ses intérêts propres, les ressources dont il dispose et tirent parti, les relations entretenues avec les uns et les autres, ici et là-bas, les rapports de pouvoir qui ne manquent pas dans une telle configuration sociale, les représentations individuelles. Ce qui revient aussi à analyser les « effets de composition » ( Raymond Boudon), ou la façon dont un processus social naît de l'agrégation des actions individuelles, l'issue du jeu, le décalage significatif entre le rôle et les actions et comportements de l'acteur. Ainsi, lorsque le sentiment d'appartenance au groupe, à une culture nationale sédimentée dans les objectifs et missions de l'organisation apparait faible, il s'en suit une difficulté pour les migrants pourtant issus du même pays et de sensibilités ethno-régionalistes et politiques semblables ou différentes à se fédérer en constituant une diaspora intégrée propre à ce pays, au sens où on parle de la diaspora russe ou indienne. Il restera néanmoins à comprendre comment en dépit de cette hétérogénéité qui traverse et affecte les groupes diasporiques africains, ceux-ci parviennent néanmoins à maintenir leur identité propre et à se pérenniser.

La grille d'analyse par la stratégie permet également d'éclairer les initiatives entreprises par les migrants, les logiques de leurs actions (approche compréhensive), en vue d'accroître leurs possibilités de s'insérer dans le tissu socio-économique en France ou d'intégrer durablement le marché de l'emploi, de s'y maintenir en sécurisant les parcours professionnels ou en optant pour la mobilité professionnelle qui peut s'accompagner de la mobilité résidentielle. Ce qui implique une lecture analytique de la situation (contexte historique et institutionnel, symboles, dispositifs...) qui participe à la formation des logiques d'action.

L'enquête de terrain est à cet égard un outil de collecte de données particulièrement indiqué. Par cette analyse empirique, nous rejoignons :

Le paradigme de l'individualisme méthodologique

Il est en usage dans les sciences économiques et sociales et explique par une approche ascendante les phénomènes collectifs à partir des attributs des individus (volonté, motivations, possibilité d'agir en acteur libre, dispositions, croyances, ressources, relations) et leurs actions.

Ainsi, pour comprendre les groupes diasporiques, ses forces et ses faiblesses, et leur capacité d'action, il faut analyser les buts, intérêts et actions des individus. En ce sens, ce paradigme s'oppose au holisme qui part du global pour expliquer le particulier (approche descendante).

Nous allons d'ailleurs introduire un fléchissement à la lecture individualiste des processus sociaux en indiquant l'importance des structures sociales comme lieux de socialisation et de construction de l'identité, de promotion des mécanismes identitaires, comme c'est le cas pour les associations de migrants constituées sur une base ethnique, professionnelle, institutionnelle, financière, technique ou scientifique. La sociologie bourdieusienne ne dit pas autre chose qui postule que les intentions et les individus sont globalement déductibles de la place qu'ils occupent

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dans la société, bien au-delà de leurs motivations et intérêts propres. Ainsi Jean-Pierre Dupuy parle-t-il d'Individualisme méthodologique complexe (ou IMC) qui réconcilie les deux paradigmes sus-cités. En clair, les actions individuelles s'agrègent et modifient les structures sociales qui à leur tour « produisent des effets cognitifs sur les individus et déterminent en partie leurs actions. » (J-P Dupuy).En somme, une interdépendance entre action et structure.

Ce qui nous amènera ensuite à aborder la question de la conduite du changement en organisation, chère à la sociologie des logiques d'action, avec l'idée centrale que la réussite du changement dépend de la structuration d'une organisation en réseau. Autrement dit, une meilleure intégration socio-économique et professionnelle des migrants en France dépend pour beaucoup de l'organisation en réseaux intégrés des groupes diasporiques de même origine dispersés dans différentes régions du même pays d'accueil ou dans d'autres pays de destination. La multiplication des réseaux secondaires forts en clair (Natalie Buga, 2011).

Au final, la présente recherche pour l'action accorde une place centrale à : ? La sociologie des organisations

Elle agrège l'ensemble des paradigmes explicatifs évoqués plus haut. C'est une branche de la sociologie qui prend pour étude la manière dont les acteurs construisent et cordonnent des activités organisées, les modes de gouvernance des organisations et les interactions de celles-ci avec l'environnement socio-politique, technique, économique et culturel direct ou distant. Hiérarchie et relations de pouvoir, lien social et identitaire, phénomènes culturels, étude de la circulation de l'information et outils de communication, les situations conflictuelles sont autant d'angles d'étude abordés par la sociologie des organisations et que nous ferons nôtres dans l'analyse empirique des individus et des groupes diasporiques sub-sahariens dans le périmètre géographique du Grand Lyon en Région Rhône-Alpes.

Pour renforcer notre armature théorique, nous évoquons de façon marginale :

? Les théories générales des migrations (positives et normatives) : Elles font un focus sur les apports globaux des mouvements migratoires au développement des pays des départs ;

? Les approches socioculturelle, économique et processuelle permettant de saisir au mieux des pans de l'entreprenariat immigré dans notre zone d'investigation ;

? Les théories des réseaux sociaux et de l'acteur-réseau pour nous guider dans l'analyse des logiques et dynamiques de mise en réseaux des OSIM africaines dans le Grand Lyon spécifiquement.

3.2. Méthode et outils de collecte de données

Le présent travail est principalement axé sur une analyse qualitative et s'appuie sur un parti pris méthodologique qui est la démarche de recherche pour l'action. Qu'est-ce que cela implique pour notre travail d'investigation ?

3.2.1. La recherche-action

L'expression recherche-action est apparue dans les années 40 sous la plume de Kurt Lewin et repris au cours des années 50 par des psychosociologues américains et britanniques. En France, son usage est devenu fréquent à partir de 1977, devenant même une mode (Rémi HESS, 1983). Mais que recouvre pour chaque auteur le mot recherche et le mot action si l'on considère que la spécificité de toute démarche de recherche-action tient à la combinaison à de la dimension recherche et la dimension action ?

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D'après Robert Rapoport, la recherche-action vise à « apporter une contribution à la fois aux préoccupations pratiques des personnes se trouvant en situation problématique et au développement des sciences sociales par une collaboration qui les relie selon un schéma éthique mutuellement acceptable. »19

Pour Guy Le BOTERF, « La recherche-action est un processus dans lequel les acteurs sociaux ne sont plus considérés comme de simples objets passifs d'investigation, deviennent de plus en plus des sujets conduisant une recherche avec la collaboration de chercheurs professionnels. Ce sont donc les groupes sociaux concernés qui vont identifier les problèmes qu'ils veulent étudier, en réaliser une analyse critique et rechercher les solutions correspondantes. »

Ces deux assertions font écho en gros à l'idée que les connaissances dérivent de l'action et connaître un objet, c'est agir sur lui et le transformer, en saisissant « les mécanismes de cette transformation en liaison avec les actions transformatrices elles-mêmes » (Jean PIAGET, 1969). En clair assimiler le réel en vue d'une coordination nécessaire et générale de l'action, une recherche pour l'action en somme.

Nous définirons la recherche-action comme une méthode de recherche qui permet l'interpénétration dans la même démarche de compréhension de la théorie et la pratique. C'est donc une rencontre entre chercheurs et praticiens. Elle a pour vocation d' une part d'associer les acteurs sociaux à la démarche de la recherche et d'autre part de co-construire avec ces acteurs les connaissances qui irrigueront ou à tout le moins orienteront leurs actions. La recherche-action part généralement du constat d'une situation, de pratiques, de résultats vécus comme insuffisants ou insatisfaisants. Aussi porte-t-elle une volonté d'intervention aux fins d'une transformation, d'un changement dans le monde réel mais sur une échelle restreinte quoique tendant vers un projet plus général. Cette volonté est adossée à la compréhension du problème à résoudre, pour ce qui est des acteurs. Pour le chercheur en revanche, elle a une visée de connaissance qui, sur la base des informations collectées sur le terrain, peut esquisser une théorie.

Nous pouvons avec Jean Dubost20 dégager 4 caractéristiques de la démarche de recherche-action :

? C'est d'abord une recherche fondamentale ; ? Ensuite une recherche sur l'action ;

? Puis une recherche pour l'action, en raison de l'intérêt portée à son efficacité ;

? Enfin une recherche en action du fait de la participation des sujets de la recherche à la réflexion.

Signe particulier de cette démarche, les réponses particulières à un ensemble de problèmes particuliers n'ont pas nécessairement vocation à être reproduites autre part, sinon à certaines conditions. En clair, si la recherche-action apporte des réponses tout à la fois complexes et singulières à une problématique contextualisée, localisée, elle n'exclut pas non plus radicalement une reproduction en d'autres contextes.

À tout prendre , la recherche-action telle que la conçoit Lewin « a pour objectif de produire des connaissances en cherchant à comprendre ce qui se passe tout en impliquant les groupes concernés par la recherche dans une visée de changement voire de développement organisationnel », précise la sociologue Catherine TOURILHES21

À l'échelle de notre enquête, nous nous situons entre recherche et action. En raison du temps extrêmement court dont nous disposions pour ce travail et la difficulté à joindre et rassembler pour une réflexion commune les différents interlocuteurs, nous nous sommes bornés à mener un certain nombre d'entretiens approfondis, à recueillir des données auprès des acteurs ayant tout ou partie liée avec la relation immigration et intégration. Toutefois, la visée transformatrice a constitué notre ligne fondatrice car ayant noté dans le cadre de nos entretiens

19 Robert N. RAPOPORT in « Les trois dilemmes de la recherche-action. » Connexions n°7, 1973, p. 115.

20

« Les critères de la recherche-action. » Pour n° 90, 1983, p. 17

21 Catherine Tourilhes in « La recherche-action comme démarche de coopération sur un territoire. Expérimentation d'une formation-recherche intégrant étudiants, formateurs, chercheurs, professionnels, IRTS Champagne Ardenne, Laboratoire de recherche CIREL-PROFEOR, Lille 3.

19

exploratoires un certain nombre de problématiques formulées par les acteurs eux-mêmes et pour lesquelles il fallait esquisser des solutions, collectivement de préférence.

Il s'est donc agi de mener une enquête dans la Communauté urbaine de Lyon afin de comprendre le positionnement des migrants organisés en associations et réseaux d'associations sur la question de la mobilisation et la mise en valeur des compétences dans l'optique d'actions d'insertion socio-économique efficientes ici et là-bas. Au-delà de la place qu'occupe cet impératif dans l'agenda des diasporas en France, cette enquête visait également à identifier les actions menées collectivement pour atteindre cet objectif dans le périmètre rhodanien et les collaborations possibles entre groupes associatifs sub-sahariens. Ce qui nous a permis de recouper les informations en vue d'une rapide comparaison avec les diasporas asiatiques et afin d'en isoler les points de convergence et de divergence, les potentialités de succès ou d'échec, les constantes et les spécificités en la matière.

Pour ce faire, nous avons privilégié des outils permettant une collecte efficiente de données dites qualitatives, à savoir :

3.2.2. L'analyse documentaire et de contenus

À partir d'une revue de la littérature la plus pertinente possible sur ce thème, nous avons dressé un état des lieux sur les groupes diasporiques, leurs organisations, l'impact de leurs activités sur les économies du pays d'accueil et des pays d'origine, de même que les démarches entreprises visant l'intégration socio-économique de leurs membres dans la région lyonnaise et leurs pratiques en termes de mobilisation, développement et valorisation des compétences des membres de la communauté africaine de France et du périmètre d'enquête. À cet égard, nous avons exploité quantité de données statistiques officielles du type INSEE, et celles issues des travaux de recherche divers (articles de revues, mémoires, thèses de doctorat... ou encore des OSIM elles-mêmes). Ce sont entre autres données celles portant sur les associations identifiées de migrants de part et d'autre de la région Rhône-Alpes, le volume des transferts des ressources, la création d'entreprise par les immigrés en France (taux, résultats, post-suivi), les renseignements sociodémographiques de la population immigrée rhônalpine en général et rhodanienne en particulier.

3.2.3. Les Entretiens qualitatifs

Ils nous sont apparus comme la voie royale d'appréhension et de compréhension des représentations, croyances, attitudes et comportements, dits et non-dits, les pratiques ou non-pratiques au travers des discours des migrants engagés dans la situation ici concernée. Les entretiens menés selon le cas et les possibilités étaient principalement semi-directifs, directifs ou de groupe (focus group), le but étant de recueillir les points de vue des acteurs associatifs et non associatifs dans toute leur complexité et diversité, sur eux-mêmes, sur le sens qu'ils donnent à leurs actions, sur leurs relations aux autres et sur leurs environnements multiples. Nous nous sommes dotés pour cela d'un guide d'entretien, que nous avons adapté en fonction des catégories d'interlocuteurs (statut, fonction, origine, etc.) cibles de l'enquête. Ce sont pas moins de 20 responsables d'associations et réseaux d'associations de migrants du département du Rhône que nous avons rencontrés, de même que quelques institutionnels en mairie notamment (Bron, Villeurbanne). Nous y reviendrons dans le détail dans les prochains chapitres.

3.2.4. L'Observation participante

Au cours de notre enquête, il nous est arrivé de participer personnellement aux réunions, assemblées générales de certaines associations et manifestations d'OSIM de solidarité et du développement actives dans l'agglomération lyonnaise. L'objectif était de nous immerger et de nous imprégner de l'exercice démocratique ou des pratiques spécifiques en termes de prise de décisions, puis comprendre l'appréhension qu'ont ces dernières de la question de la mobilisation des savoir-faire et valorisation des compétences, du niveau de structuration des organisations de migrants, du niveau d'intégration de ceux-ci, des actions à envisager pour améliorer les capacités d'action et accentuer les marges de manoeuvre. Nous avons ainsi pu assister à des séances de brainstorming en préparation de la Journée de solidarité (du 16 au 18 novembre 2012) co-organisée par un réseau d'associations de

20

solidarité et développement : le CADR ; ou encore à une réunion de préparation de cet évènement par le collectif des associations béninoises de Rhône-Alpes.

4. METHODES D'ECHANTILLONNAGE

4.1. L'échantillon

Si on ne dispose pas de chiffres précis du nombre d'associations issues des migrations sub-sahariennes dans le Rhône, il est possible de se faire une idée de celles qui en sont les plus représentatives en consultant les bases de données d'associations disponibles sur les sites internet des quelques rares réseaux associatifs de migrants de notre zone d'enquête. Aussi nous sommes nous procurés une liste non-exhaustive des OSIM membres du COSIM Rhône-Alpes, du Collectif Africa 50 et du CADR mais aussi en consultant les annuaires des associations édités par les collectivités territoriales : Mairie de Bron, Mairie de Villeurbanne, Hôtel de ville de Lyon et Mairie de Vénissieux pour ne citer que ces pôles d'informations. En les croisant, nous avons pu obtenir les coordonnées des responsables administratifs desdites OSIM.

La définition de la taille de notre échantillon d'enquêtés a été fonction de plusieurs facteurs, des impondérables avec lesquels il a fallu composer : tout d'abord la disponibilité des acteurs (coordonnées, temps) et du consentement à se laisser interviewer. Nous nous étions engagés au départ à assurer selon la méthode des quotas une représentativité parfaite de toutes les nationalités sub-sahariennes présentes sur le territoire rhodanien dans notre échantillon d'associations. Nous avions alors établi une liste précise de groupes associatifs de toutes origines à contacter, en nous appuyant sur notre base de données extraite du site du COSIM Rhône-Alpes. Nombre de ces associations sont restées injoignables. Après avoir défini une stratégie de prise de contact tout d'abord par la constitution d'une base de données des associations rhodaniennes de migrants identifiées par les réseaux et les mairies du périmètre de l'enquête, nous avons opéré en deux temps : e-mailing selon les adresses électroniques disponibles et les appels téléphoniques. Même si au final nous avons arraché quelques rendez-vous extrêmement intéressants par la qualité des échanges qui en ont suivi, le taux de retour de nos contacts a été plutôt faible : manque de temps de nombre de membres d'associations, peu de coordonnées à jour ( e-mails et numéros de téléphone erronés ), méfiance de certains acteurs vis-à-vis de notre démarche d'enquête, malgré toutes les précisions et précautions prises et les garanties données au travers de nos courriels et contacts téléphoniques. Au-delà de ces impondérables, l'enquête s'est déroulée essentiellement auprès des acteurs associatifs (responsables, membres actifs ou démissionnaires), des acteurs sociaux et institutionnels en relation avec les associations de migrants (ONG de solidarité internationale et de développement, réseaux des collectivités territoriales en charge de la coopération décentralisée...). Ce sont, dans le détail :

- Associations communautaires de solidarité (associations villageoises-rurales, régionales)

- Associations culturelles

- Association militante (santé)

- Associations féminines (transnationales, communautaires ou culturelles)

- Associations techniques d'appui aux projets et demande de financement des migrants

- Associations nationales (généralement des collectifs d'associations régionales ou culturelles)

- Fédérations régionales et nationales d'OSIM (du type COSIM, FORIM, FAFRAD, CADR, RESACOOP...)

21

4.2. Indicateurs d'analyse de l'enquête

Nous en avons défini quelques-uns en fonction des thématiques principales de l'enquête. Aussi, se mêlent variables explicatives et dépendantes, en fonction des catégories d'enquêtés : au niveau individuel, associatif et institutionnel. Elles portent tour à tour sur des données empiriques de diagnostic du phénomène associatif sub-saharien du département du Rhône, l'analyse objective d'un problème ou d'une situation singulière par les acteurs, puis les opinions personnelles émises en termes d'explication des logiques et causes des questions soulevées et leurs justifications, puis en termes de préconisation de solutions et moyens de mise en oeuvre. Entre autres indicateurs de notre investigation déterminés au travers des opinions des acteurs associatifs :

- La taille de l'association, les champs et périmètre des actions et l'échelle des priorités des associations

- L'ancienneté des enquêtés sur le territoire national du pays d'accueil

- Le niveau de satisfaction du fonctionnement des Osim, de l'engagement associatif et de ses retombées

concrètes au niveau individuel et collectif

- Les actions des associations en faveur de l'intégration et leur niveau d'investissement dans ce champ

- L'appartenance aux réseaux et les alliances stratégiques conclues avec différents acteurs, le degré

d'ouverture, de connaissance mutuelle et d'interactions entre associations (migrants, français de naissance) et entre réseaux (capital social).

- Les actions déployées en matière d'accompagnement à l'insertion socio-économique, l'incitation et le
soutien à la création d'activités génératrices de revenus ou l'entreprenariat (capital économique).

- Le niveau de connaissance des droits spécifiques aux migrants et droit commun, instruments et dispositifs
existants en matière de soutien aux associations (subventions, formation, encadrement, fiscalité) et l'intégration des populations immigrées (PRIPI, PDI, Politique de la ville dans son volet insertion et lutte contre les discriminations). Nous le résumons au capital culturel.

- Les pratiques en termes de mobilisation, développement et gestion des compétences en vue des actions
(capital humain)

- La nature des solutions préconisées pour faire face aux difficultés quotidiennes face aux problèmes
identifiés comme constituant un obstacle à l'atteinte des objectifs visés.

5. DELIMITATION DU CHAMP CONCEPTUEL

La présente étude fait appel à un ensemble de concepts qui relèvent de plusieurs champs disciplinaires (socio-anthropologie, psychologie sociale, sciences de l'éducation, économie du développement...) et s'interpénètrent eu égard à nos thématiques de recherche.

Compétences

C'est un ensemble de connaissances théoriques et techniques acquises par la formation ou par l'expérience, mobilisables et surtout utiles à l'exercice d'une activité. À la lecture de diverses définitions proposées par les théoriciens français de la notion de compétence, dans le cadre notamment de l'économie des savoirs, des caractéristiques et dimensions multiples du concept peuvent être isolées. Ainsi, la compétence à la fois:

- Opératoire : En clair, elle permet d'agir, elle est « compétence à agir » d'après la délicieuse formule de

Michel Parlier22, en ce sens qu'elle se repère et se rapporte toujours à une activité et à une situation professionnelle donnée. On la dit alors contextuelle (Sandra Bellier).

- Apprise : car elle s'acquiert par construction personnelle et sociale ;

22 Michel Parlier, « La compétence, nouveau modèle de gestion des ressources humaines », revue Personnel, N° 366, 1996.

22

- Structurée dans la mesure où elle regroupe un ensemble de « savoirs d'actions » (Philippe Zarifian) : le

savoir proprement dit comme somme des connaissances théoriques et techniques, le savoir-faire qui renvoie aux habiletés de l'individu et le savoir-être qui en constitue les qualités personnelles.

La compétence combine d'autres attributs dont le savoir-agir qui est l'art d'assembler les ressources adéquates , le vouloir-agir et le pouvoir-agir qui allient un contexte (conditions sociales, organisations, etc.) qui rend possible ou non la prise de risques ou de responsabilité d'une part, et d'autre part la motivation de l'individu à agir.

En conséquence, le concept de compétence revêt les atours d'une attitude face aux situations qui commandent d'agir en visant la réussite, au besoin en mobilisant des réseaux d'acteurs qui, pour atteindre cet objectif, vont contribuer directement à la prise en charge de ces situations en y apportant en tout cas leur soutien (P. Zarifian).

Cette observation valide l'idée d'une participation des réseaux des migrants à la construction et au renforcement des savoir, vouloir et pouvoir agir ( les compétences donc) dans l'optique d'augmenter la valeur de la main d'oeuvre du migrant, la compatibilité de ses aptitudes, traits de personnalité et connaissances acquises avec les attentes du marché du travail en mutation, lequel exige dans un contexte économique tendu une flexibilité, une adaptabilité à toute épreuve, une disponibilité immédiate et des compétences spécifiques. Ces compétences peuvent aussi être recherchées par les associations elles-mêmes qui font face à une crise sans précédent, ce qui tend à démobiliser les ressources humaines bénévoles.

Dans ce contexte, comme déjà évoqué plus haut, les communautés africaines de France peinent à identifier, inventorier, mobiliser et mettre en oeuvre des cadres opérationnels de valorisation des compétences de ses ressources humaines de haute facture. Si quelques États des pays d'émigration ont mis en place des politiques visant à mobiliser les compétences de leurs expatriés pour les besoins du développement national, d'autres en revanche ne s'en sont guère préoccupés : « Il existe(...) un handicap de poids : c'est la méconnaissance des ressources humaines qualifiées dans les pays d'accueil. Les consulats africains en Europe ignorent jusqu'au nombre de leurs ressortissants et ne savent rien de leurs compétences. Dans ce cas, comment envisager, de manière efficace, la mobilisation des ressources disponibles à des fins de développement s'il n'y a pas au préalable d'identification, d'organisation et de rationalisation du potentiel diasporique ?» (Babacar Sall, 2003).

Les compétences sub-sahariennes de la diaspora se recrutent donc assurément dans divers secteurs d'activités et du savoir (sciences et techniques, management, enseignement, arts, finances, institutionnel, etc.). Et si la presse africaine célèbre régulièrement les plus emblématiques de ses représentants à l'étranger, ceux qui s'illustrent dans un domaine particulier23, des exemples d'organisations africaines défrayant positivement la chronique des médias africains et occidentaux se font en revanche plus rares. Au-delà des réseaux diasporiques émergents, forts bien structurés et devenus modèles d'organisations des migrants hautement qualifiés tels les réseaux SANSA24 et SADN sud-africains, peu nombreux sont des mouvements diasporiques africains parvenus à un tel niveau d'organisation transnationale et de mobilisation de ses ressortissants les plus qualifiés. En dépit de quelques velléités d'agrégation des ressources compétentes çà et là (l'annuaire des compétences du FORIM par exemple), la dispersion des « sachant », des « exécutants » et des « performants »25 reste la règle.

Au-delà, la question des compétences pose aussi l'épineux problème des niveaux de qualification des migrants qui entrent ou aspirent à intégrer le marché du travail français. Or, il ressort des enquêtes de l'INSEE, et nous y reviendrons, qu'en considérant la population active immigrée dans son ensemble, la proportion des travailleurs

23 Voir le trimestriel Africa 24 Magazine, N° 7 d'août-Octobre 2012, sur les parcours élogieux de certains Africains de la diaspora à l'étranger.

24 SANSA : South African Network of Skills Abroad , SADN : South African Diaspora Network

25

Ces attributs résument les types de compétences qui résultent de l'interférence des trois sphères de savoir : le savoir, le savoir-faire et le savoir-être. Ainsi par exemple, le « sachant » combine savoir et savoir-être, l' « exécutant » résulte de la combinaison entre savoir-faire et savoir-être, le « performant » est celui qui maîtrise à la fois le savoir et le savoir-faire.

23

peu ou non qualifiés est conséquente. Cela pose la question de la formation de ces personnes, l'acquisition des compétences en lien avec la demande du marché, le développement de celles-ci ou leur remise à niveau, pour assurer aux demandeurs d'emploi par exemple un minimum de qualification requis pour prétendre à un emploi rémunéré dans une entreprise publique ou privée. En d'autres termes, par la formation continue les compétences des personnes semi qualifiées pourrait s'accroître et s'agréger aux aptitudes et habiletés acquises dans d'autres sphères du savoir. La présente étude sera aussi l'occasion d'évoquer l'utile réadaptation du dispositif de reconnaissance des titres de compétences acquises par exemple sans diplôme reconnu, parce que issu d'un apprentissage informel ou non formel, par l'expérience, comme c'est le cas chez bien des migrants non diplômés résidents en France.

Migrant ou immigré

Dans son rapport de 1991, le Haut Conseil à l'Intégration, s'appuyant sur les travaux de Michèle Tribalat (1989), a proposé d'appeler « immigrés » les personnes nées à l'étranger, entrées sur le territoire avec une nationalité étrangère et résidant en France depuis un an au moins. Un immigré en France, à différencier de l'étranger26, est donc une personne résidant en France mais née étrangère à l'étranger. Après son entrée en France, il peut soit quitter sa nationalité d'origine et devenir Français par acquisition, soit rester étranger. Le lieu de naissance et la nationalité d'origine sont les principaux critères officiels de définition de l'immigré. La notion telle que définie par l'INSEE inclut donc à la fois les immigrés non-Français(ou immigrés étrangers) et les immigrés naturalisés français.

Les descendants d'immigrés pour la plupart nés en France ne rentrent pas dans la catégorie d'immigrés, par convention27.

Cependant pour les besoins de la présente étude, nous avons ajusté notre définition au travers d'une démarche inductive, autrement dit à partir des données recueillies sur le terrain. Pour l'essentiel, nous avons collé à la définition du migrant qu'en donne l'INSEE, ce qui a permis d'intégrer dans notre échantillon une population d'immigrés aux statuts juridiques et caractéristiques socio-culturelles diverses. Étant entendu que la question de l'intégration et des opinions émises à ce propos nous apparaissent pertinentes pour autant qu'elles sont portées par les acteurs concernés à différents niveaux du processus d'intégration. Ce qui logiquement nous a obligé à élargir notre champ d'investigation. Il s'est par conséquent agi des immigrés d'Afrique sub-saharienne appartenant à l'une des catégories suivantes :

? Immigrés naturalisés français avec ou sans double nationalité et résidant dans l'agglomération lyonnaise

? Des immigrés étrangers (d'ancienne ou de fraîche installation) munis d'un titre de séjour et donc ayant

conservé leurs nationalités d'origine respectives.

Au total, ce sont donc à la fois des migrants à la retraite, des immigrés bénéficiant de la double nationalité, des migrants ayant conservé leurs nationalités d'origine, des travailleurs migrants très qualifiés, peu qualifiés ou sans qualifications, installés pour une longue durée, munis d'une autorisation de travail en bonne et due forme ; des migrants entrés en France suite au regroupement familial, des réfugiés politiques28, les déplacés, migrants forcés

26 La notion d'étranger est fondée sur le critère de la nationalité. Un étranger est une personne qui n'a pas la nationalité française. Les personnes nées en France de parents étrangers sont étrangères; à leur majorité la plupart d'entre elles acquièrent la nationalité française (INSEE, 1999).

27 Conséquence de cette définition, les enfants d'immigrés, s'ils sont nés en France, ne sont pas eux-mêmes immigrés. Des non-immigrés donc

dont un au moins des deux parents est né étranger à l'étranger. Notons que le terme d'immigrés est lui-même sujet à caution, puisque d'un point de vue purement juridique seule prévaut la notion d'étrangers. Il s'agit essentiellement d'une convention à des fins d'études (Héran,

2002).

28

Un réfugié est une personne dont la demande d'asile a été accordée par un pays tiers et qui obtient donc la protection de ce pays. La qualité

de réfugié est prévue par la Convention de Genève de 1951. Cependant, dans le cadre de cette étude, nous n'avons pas abordé la question des

24

et demandeurs d'asile, des étudiants régulièrement inscrits dans une école, institut universitaire, et dans une moindre mesure, pour les besoins d'illustration ou de comparaison avec leurs ascendants, des descendants d'immigrés souvent déjà Français.

À la notion de migrant, nous associons le concept de diaspora, qui évoque l'idée de dispersion des ressortissants d'un pays, d'une région dans diverses parties du monde, entretenant peu ou prou des liens avec le pays d'origine, par la conservation de la nationalité du pays en question, ou par des actions de nature variée : culturelle, économique , socio-politique ... quand bien même les individus auraient renoncé à cette nationalité ou alors en auraient acquis une seconde.

Natalia Buga29, à la lecture des définitions différentes du concept, distingue les diasporas par l'étape de leur processus de structuration ou encore par leur niveau de structuration. Aussi, identifie-t-elle :

- les diasporas à maturité (diasporas chinoise et indienne) et - les diasporas émergentes (la diaspora russe).

- Il existe toutefois une troisième catégorie aux contours flous, les diasporas en construction telle la
diaspora sud-africaine.

Selon leur niveau de structuration, les diasporas sont structurées en :

- réseaux primaires : expatriés exclusivement et directement en lien avec le pays d'origine ;

- réseaux secondaires : expatriés en lien avec les ressortissants du même pays d'origine dans d'autres
localités du pays d'accueil (type 1) et dans d'autres pays de destination (type 2).

Les diasporas à maturité se situent clairement dans cette seconde catégorie et ont souvent gardé un lien culturel fort avec le pays d'origine dans lequel ils engagent d'importants investissements productifs et effectuent de gros volumes de transferts de fonds et de technologies mais aussi de ressources non-financières (RNF) : cognitives, organisationnelles, institutionnelles, relationnelles.

Au regard de ces éléments, où peut-on placer le curseur sur l'échelle de construction des groupes diasporiques subsahariens dans le monde en général et en France en particulier ? Quelles logiques président aux rapports entre groupes issus d'un même pays ou de pays tiers ? Comment se structurent-ils et quels rapports et pratiques liées à l'intégration socio-économique, à la mobilisation des compétences et au développement des pays de départ ? Nous allons tenter au travers de la démarche empirique d'apporter des éléments de réponse à ces questions.

Intégration

On y entend généralement un processus qui implique d'une part, la personne qui entreprend de s'intégrer et d'autre part, la société qui s'efforce de contribuer à la réalisation de cet objectif, parce qu'il y va de son intérêt (W.R. Böhning, R. Zegers de Beijl : 2008). Cette notion renvoie aussi à un résultat final. En clair, un état généralement qualifié de réussi, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Et cette situation, comme tout processus social peut être potentiellement réversible, aboutissant à une situation de désintégration comme nous le verrons en ce qui concerne une frange importante de migrants à l'égard du marché du travail en France.

Vue sous l'angle des migrants, l'intégration se rapporte à la jouissance pleine et entière d'opportunités de droit et de fait que l'on peut comparer à celles des Français de naissance, présentant des caractéristiques similaires

réfugiés et de leurs organisations qui, même s'ils sont autant concernés par les politiques d'intégration et d'insertion, représentent out de même une histoire à part, qui a des caractéristiques spécifiques qui ne permettent pas une généralisation.

29 Natalie Buga, Les diasporas comme ressources d'intégration à l'économie mondiale, thèse de doctorat soutenue en juillet 2011, université de Grenoble, faculté d'économie, 517 p.

25

d'âge, de sexe, d'éducation, etc. Autrement dit, leur participation réussie aux mêmes produits de la vie de la société dont les deux groupes font partie. Notons toutefois que l'intégration implique un certain laps de temps et n'est pas applicable, a priori, à certains types de migrants, notamment les travailleurs temporaires. D'où le critère de la durée ou la continuité de résidence du migrant en France pour juger de la pertinence d'un processus d'intégration de part et d'autre de l'immigré et de la société d'accueil.

Une précision s'impose tout de même concernant la dimension d'autonomie culturelle que comporte la notion d'intégration.

Si elle diffère de l'assimilation, l'intégration doit néanmoins autoriser les dissemblances sur le plan des perceptions culturelles et des pratiques de la famille ou de la société par exemple. Aussi, se pose la question de savoir si ces perceptions et pratiques culturelles doivent être prises en compte et fonder des mesures spécifiques dans la démarche d'accompagnement à l'intégration sociale, professionnelle ou économique, la création d'entreprise par exemple. En d'autres termes, favoriser l'inclusion professionnelle et sociale n'implique-t-il pas de développer des outils adaptés aux besoins des migrants et à leurs spécificités culturelles de même qu'à leurs pratiques en matière d'activités économiques, y compris dans une République française aux aveugles aux particularismes ethniques ? C'est sous ces atours que se posent la question et l'intérêt de la démarche interculturelle comme facteur ou facilitateur dans le processus d'intégration des immigrés.

Co-développement

Concept polémique à différents égards, il a pour cadre de naissance la sphère politique et non pas académique. Le concept est forgé sur « le constat d'une action positive des migrants sur le développement de leur pays d'origine » (Institut Panos Paris, 2009).

Il est cependant utile de distinguer dans une étude de 2009 sur le co-développement30 trois dimensions différentes que résume ce concept :

- Le co-développement par les migrants qui recouvre l'ensemble des pratiques spontanées des migrants en faveur des régions de départ: tels les transferts individuels en termes d'envoi d'argent et de biens aux proches ou à des causes solidaires, les transferts collectifs qui prennent la forme des projets de développement et enfin les investissements productifs (création d'entreprises, les coopératives, les groupements d'intérêt économique, etc..).

? Le co-développement pour les migrants. Il faut y voir « les politiques liant développement et contrôle des flux(...)

conçues et mises en oeuvre dans une optique de gestion globale des migrations, au niveau national ou international (politiques d'aide au retour volontaire, abaissement des coûts des transferts, aide à l'investissement et au transfert de compétences) » (Institut Panos Paris, 2009). Signe particulier de cette autre réalité du co-développement, les migrants sont absents de ces dispositifs, tout au plus y figurent - ils en tant que cibles.

? Le co-développement avec les migrants renvoie au regroupement des politiques destinées à soutenir les

initiatives de développement au nombre desquelles : les dispositifs de cofinancement des projets, de programme de formation et de renforcement des capacités des organisations de migrants, la création de plateformes associatives et internet. « Ces dispositifs sont le plus souvent le fait d'autorités locales et incorporent des impératifs de bidirectionnalité (intégration). Les migrants sont souvent associés à leur mise en oeuvre, notamment par le biais de consultation en amont.»(Institut Panos Paris, 2009).

30

Institut Panos Paris, « Migrations, Développement et Co-développement : quels discours pour quels acteurs ? », Paris, 2009, 25p.

26

Ces trois dimensions recouvrent pour notre étude une égale importance. Elles posent automatiquement la triple question de l'impact réel et mesurable de ces approches sur le développement et l'intégration, l'amélioration des résultats au travers des évolutions organisationnelles et structurelles, puis les relations avec l'environnement institutionnel direct. Disons le autrement : comment le co-développement par, pour et avec les migrants peut-il favoriser une meilleure intégration de ceux-ci dans les dynamiques socio-économiques en France et une transformation efficiente des sociétés d'origine vers un mieux-être et un mieux-avoir ?

La mobilisation, le développement, la valorisation par la mise à contribution des compétences des migrants est une piste entre autres , surtout dans une contexte international où l'économie de la connaissance occupe une place de plus en plus centrale dans les politiques et stratégies nationales de développement économique et social des pays du Sud, par la captation des ressources cognitives et techniques des expatriés très qualifiés.

Création d'entreprise

C'est tout d'abord un processus de création d'une organisation, d'une valeur, le fait d'innover, la détection et l'exploitation d'une opportunité31.

D'après l'INSEE, depuis le 1er janvier 2007, « la notion de création d'entreprise s'appuie sur un concept harmonisé au niveau européen pour faciliter les comparaisons ». Aussi, le concept recouvre-t-il 3 idées :

- La création proprement dite : créer une entreprise revenant à créer ou à mettre en oeuvre de nouveaux moyens de production, tout statut juridique confondu.

- Créer une entreprise consiste également en « la reprise par une entreprise nouvelle de tout ou partie des

activités et moyens de production d'une autre entreprise lorsqu'il n'y a pas continuité de l'entreprise reprise ».

- Le concept se réfère enfin au cas où après une interruption de plus d'un an, un entrepreneur (en général

individuel), reprend une activité32.

Le migrant entrepreneur qui intéresse cette étude rentrera donc dans tout ou partie de ces 3 cas de figure.

Le Grand Lyon

C'est l'appellation populaire de l `agglomération lyonnaise ou Communauté urbaine de Lyon (son nom officiel). Identifié comme le plus important établissement public de coopération intercommunale français, le Grand Lyon désigne un regroupement de 58 communes de l'agglomération de Lyon , toutes localisées dans le département du Rhône. Intercommunalité créée par la loi 66-1069 du 31 décembre 1966 et devenue effective le 1er janvier 1969, cet ensemble de communes totalisait en 2009 selon l'INSSE 1.281.971 habitants, soit 80% de la population du département du Rhône qui se concentre sur 15 % du territoire et une densité de population de 2484,6 habitants /km2. Une population globalement jeune puisque les 15-29 ans, les 30-44 ans et les 0-14 ans représentent respectivement 23,7%, 19,5% et 17,1 % ; soit près de 60% de la population totale33.

31

Justin KAMAVUAKO-DIWAKOVA (2009), « Problématique de l'entrepreneuriat immigré en République Démocratique du Congo. Essai de validation d'un modèle », Thèse de doctorat présentée et soutenue en juin 2009, École doctorale Sciences de l'Homme et de la Société, université de Reims Champagne-Ardenne.

32 On considère qu'il n'y a pas continuité de l'entreprise si parmi les trois éléments suivants concernant le siège de l'entreprise, au moins deux sont modifiés lors de la reprise : l'unité légale contrôlant l'entreprise, l'activité économique et la localisation.

33 Source : Insee, Recensement de la population, 2009.

27

En plus de la ville de Lyon34 et ses 9 arrondissements, y figurent au nombre des communes de la très proche banlieue lyonnaise que cible la présente étude : Bron, Villeurbanne, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Caluire et Cuire, Saint-Fons, Saint-Priest, Rillieux-la-Pape, etc.

En matière de coopération décentralisée, le Grand Lyon a élaboré un protocole de coopération qui le lie à la ville de Ouagadougou au Burkina Faso. D'où d'ailleurs le dynamisme remarqué de la coopération entre l'Association des Burkinabé de la région lyonnaise (ABL) et la communauté urbaine du Grand Lyon.

19 communes de cette agglomération comptent plus de 10.000 habitants et, signe particulier, 14 de ces communes souvent situées à l'est du territoire lyonnais concentrent l'essentiel des zones de précarité selon une étude de l'INSEE datant de 201035. Nous pouvons d'ores et déjà postuler à ce niveau de notre étude qu'en plus de leur forte présence dans Lyon intra-muros, les immigrés africains et maghrébins se concentrent principalement dans les frontières correspondant globalement à ces zones identifiées comme abritant les phénomènes les plus accentués de la précarité (monétaire, emploi, familles en difficulté...) et éligibles aux actions de la Politique de la Ville (Insertion, Aménagement urbain, etc.).

Figure 1 : Carte du Grand Lyon et communes environnantes

Source : Wikipédia

34

Le quartier de la Part-Dieu à Lyon abrite les services de l'hôtel de la communauté. Le développement et l'aménagement économique, social et culturel est de la compétence de la Communauté du Grand Lyon, de même que les services d'intérêt collectif, l'aménagement de l'espace communautaire, la gestion de l'habitat social, les transports urbains ou encore la politique de la ville dans le cadre duquel s'insèrent quelques-unes des politiques et dispositifs d'accompagnement des immigrés à l'intégration.

35

« Grand Lyon : la précarité reste concentrée à l'est de l'agglomération », étude réalisée par INSEE Rhône-Alpes, en partenariat avec la Préfecture de Rhône-Alpes, septembre 2010.

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