En fait si les transferts de richesse n'ont rien de
systématique dans un LBO, ce qui est systématique c'est la
réduction des coûts d'agence (créatrice de richesse pour
l'actionnaire ).
D'après la théorie du cash-flow libre, les
coûts d'agence sont exacerbés dans les entreprises qui
génèrent beaucoup de cash-flow et qui n'ont pas de réelles
opportunités d'investissement. Dans ces entreprises les managers vont
préférer réaliser des investissements à VAN
négative au lieu de verser des dividendes.
Cela est en partie lié à l'imperfection du
système de rémunération (dans les années
80 , les dirigeants des entreprises américaines détenaient
en moyenne 0.25% du capital de leur entreprise ce qui est trop peu).
Dans le LBO, le fort taux d'endettement va avoir plusieurs
conséquences à l'origine de la réduction des coûts
d'agence :
- Il va déclencher, tout de suite après le
rachat, des restructurations (cessions d'actifs, licenciements).
- Il permet de réduire, voir d'annuler le pouvoir
discrétionnaire des managers.
- Dans le LBO le manager est aussi un investisseur, s'il
atteint les objectifs qui lui ont été fixés, il aura sa
part dans la plus value réalisée par les investisseurs lors de la
revente de la société, une fois la dette remboursée.
- Les investisseurs, peu nombreux, exercent un contrôle
minutieux sur le manager.
A) Les restructurations
Le surendettement peut être désirable et efficace
lorsqu'il donne un sens économique au démantèlement d'une
entreprise, à la vente de divisions, et au recentrage sur le
métier de base (Jensen 1989).
Les investisseurs qui se sont endettés lourdement pour
racheter une entreprise commencent par se séparer des divisions ou
filiales pas ou peu rentables. Les montages financiers étaient
faits en fonction des restructurations prévues. D'une part ces cessions
d'actifs ont immédiatement permis de réduire le taux
d'endettement qui dans les années 80 a bien souvent
dépassé les limites du raisonnable à cause de
l'utilisation des junk bonds et des guerres entre offreurs ; d'autre part
les impératifs liés au remboursement de la dette font qu'il est
urgent et indispensable de se séparer des actifs dont la
rentabilité n'est pas supérieure aux taux
d'intérêts. En effet ce sont les cash-flow de la cible qui doivent
servir à rembourser l'emprunt . Berger et Ofek (1996) trouvent que
lorsque le rachat est financé par l'emprunt la probabilité de
démantèlement de la cible est plus élevée.
Les restructurations sont liées au fort taux
d'endettement qui lui même explique en partie la réduction des
coûts d'agence. Certains auteurs considèrent les restructurations
comme une conséquence de la réduction des coûts
d'agence.
D'après Phan et Hill (1995) cités par
Bruton, Keels et Scifres (2002) lorsqu'une firme devient privée
après un rachat, il n'est pas étonnant que les managers
propriétaires aient tendance à lancer des programmes de
restructuration, c'est à dire des changements opérationnels et
stratégiques ayant pour but d'augmenter l'efficience de la firme.
Pour Holthausen et Larcker (1996) cités par Bruton
,Keels et Scifres (2002) plus les managers détiennent une part
importante du capital, plus ils sont incités à faire des choix
qui vont augmenter la valeur pour l'actionnaire .
Liebeskind ,Wierseman et Hansen (1992) cités par
Cherif (2004) proposent une théorie qui trouve l'origine des gains
réalisés au travers des LBO dans la réorganisation
industrielle. Celle ci permet une plus grande efficacité dans
l'organisation et de ce fait vise à l'élimination de tout goulot
d'étranglement dans l'entreprise par une réduction de la taille ,
un recentrage de l'entreprise sur son métier d'origine ou une
réorganisation du portefeuille d'activités.
Cependant, s'il est incontestable que les restructurations
sont à l'origine d'une partie importante des gains de
productivité observés dans les LBO, elles ne sont pas seules
à l'origine des très bonnes performances réalisées
par les LBO .
B) La minimisation du pouvoir
discrétionnaire du manager
Dans un LBO le montage est fait de manière à ce
que tout le cash-flow libre de la cible soit affecté au remboursement de
la dette. Ainsi le manager n'a plus ou quasiment plus de pouvoir
discrétionnaire. Le cash-flow libre n'est plus disponible pour
« la construction d'empires », le paiement de salaires
superflus ou l'octroi d'avantages privés.
Les échéances de remboursement de la dette
contractée mettent le management sous pression afin qu'il dégage
le cash-flow nécessaire au remboursement.
La dette joue un rôle disciplinaire (Chérif
2004) :
- d'une part elle limite la dilution du contrôle des
investisseurs (ils sont généralement deux ou trois), ils sont au
contact des décisions importantes
- d'autre part elle crée une obligation de
résultat bien plus forte qu'un simple engagement à verser des
dividendes.
Les créanciers détiennent un pouvoir bien plus
grand que les actionnaires, en cas de non remboursement ils peuvent provoquer
la faillite de l'entreprise et c'est cette menace qui permet de discipliner les
managers au quotidien (gestion plus rigoureuse, gaspillages
réduits...).
D'après Jensen (1989) le recours à un
endettement élevé peut réduire les coûts issus de la
relation d'agence ; Jensen emploi le terme d' « effet de
contrôle de la dette », ce contrôle est double :
- d'une part les dirigeants sont obligés d'affecter le
cash-flow libre au remboursement de la dette, c'est pour cela qu'il
considère que la dette est un substitut aux dividendes
- d'autre part, le fort taux d'endettement incite les
dirigeants à gérer de façon plus efficiente. Ayant investi
leur capital dans l'entreprise, ils ne désirent pas qu'elle fasse
faillite à la suite d'une incapacité à honorer la
dette.
Jensen (1989) estime qu'une augmentation du taux
d'endettement doit entraîner une augmentation de la valeur des actions,
car la dette exerce un double contrôle sur les dirigeants. Dans le cadre
d'un LBO, cette théorie prédit une augmentation anticipée
de la valeur des actions du fait de la diminution attendue des conflits
d'intérêt entre actionnaires et dirigeants. En d'autres termes
pour Jensen il y a une véritable création de richesse dans le
LBO, ce qui explique en partie les primes payées aux actionnaires
sortants.
De leur coté Harris et Raviv (1990) parviennent
à la même conclusion que Jensen mais en mettant l'accent sur
d'autres qualités de la dette. Ils sont d'accord avec Jensen pour dire
que l'endettement joue un rôle disciplinaire qui permet de diminuer les
coûts issus de la relation d'agence .
Selon eux le contrôle exercé par la dette
provient de deux éléments : les créanciers ont la
possibilité de provoquer la liquidation, or selon Harris et Raviv les
dirigeants désirent continuer les activités courantes de
l'entreprise quelles que soient les circonstances. De plus la dette
génère des informations utiles aux investisseurs selon les
difficultés rencontrées pour honorer son remboursement.
Leur article propose une théorie de la structure du
capital basée sur l'idée que la dette permet aux investisseurs de
discipliner les managers et fournit une information utile pour cela. Dans le
modèle, les investisseurs vont utiliser les informations concernant les
perspectives de la firme pour décider si ils vont la liquider ou pas.
Les auteurs supposent que les managers veulent éviter la liquidation de
la firme et sont peu disposés à livrer des informations au
investisseur qui pourraient les conduire à liquider la firme. En
conséquence, les investisseurs utilisent la dette pour
générer de l'information et contrôler le management. Le
fait que les managers parviennent à rembourser la dette fournit des
informations et lorsqu'ils n'y parviennent pas les investisseurs obtiennent des
informations grâce à un audit coûteux.
Les créanciers utilisent leurs droits pour forcer les
managers à fournir des informations et pour liquider la firme si il y a
lieu de le faire.
Modèle statique
Les actionnaires utilisent la dette pour se procurer des
informations concernant la qualité de l'entreprise. La dette
génère deux types d'informations :
Premièrement, comme on suppose que le revenu est inobservable par les
investisseurs, le remboursement de la dette indique que le revenu est
supérieur au montant nécessaire au remboursement (ce qui conduit
les actionnaires à réviser leur opinion concernant la
qualité de l'entreprise).
Deuxièmement, l'incapacité à rembourser
la dette déclenche un audit coûteux qui révèle le
revenu courant et des informations supplémentaires concernant la
qualité de l'entreprise. L'information véhiculée par la
dette permet aux investisseurs de prendre de meilleures décisions
opérationnelles. Dans le modèle la décision
opérationnelle consiste à choisir entre la liquidation et la
poursuite des activités courantes. Ainsi, le taux d'endettement optimal
est déterminé en mettant en balance, la meilleure gestion de
l'entreprise imposée par la dette avec la probabilité pour que
les actionnaires aient à subir les coûts d'audit.
Les managers veulent éviter la liquidation afin de
continuer à percevoir leurs salaires. Ils évitent la
défaillance tant que possible, mais ne paient jamais plus que
nécessaire.
Compte tenu de ces hypothèses les investisseurs ne
peuvent se baser que sur les paiements effectués par l'entreprise pour
prendre des décisions.
Le modèle est représenté par une firme et
de nombreux investisseurs neutres au risque, tous les investisseurs escomptent
les futurs paiements sur le marché des facteurs d'escompte .
La firme génère un revenu aléatoire xt
à la fin de chacune des deux périodes t
t = 1 ; 2 . On suppose que le revenu n'est pas
observable par les investisseurs.
A la fin de la première période la firme peut
être liquidée.
La répartition du revenu dépend de la
qualité de la firme notée q . La qualité de la firme peut
dépendre de la compétence des managers, de la position de la
firme sur le marché, etc.
H (x q ) = répartition du revenu étant
donnée la qualité.
On suppose que la qualité de la firme n'est pas
observable.
P( q ) = croyance antérieure à propos de la
qualité de la firme .
H(x ;p) = répartition marginale du revenu quand
les croyances antérieures sont données par p .
s = échelle de la firme
P(q s) = P (q /s 1)
(1)
La probabilité pour que la qualité de la firme
soit inférieure à 10 quand l'échelle est deux est la
même que la probabilité pour que la qualité soit
inférieure à 5 quand l'échelle est un .
Le rôle de la dette c'est de donner des informations
concernant la qualité de la firme. La valeur nominale de la dette est D
payable à la fin de la période 1 .
Si la firme parvient à rembourser la dette, les
investisseurs révisent leur opinion concernant la qualité de la
firme.
K ( x, p ) = coûts d'une défaillance de la firme
(audit, interruption des opérations
...)
En cas de défaillance, le paiement anticipé pour
les créanciers est le même que la firme soit liquidée ou
réorganisée.
B = D[ 1 H ( D ;p)] + E[b(x,a,D ,p) h(x ;p) dx
(2)
Avec
B: valeur des obligations lorsqu'elles ont été
émises
Le premier terme de l'équation correspond au paiement
promis multiplié par la probabilité pour qu'il soit
réellement versé .
Le second terme correspond au paiement anticipé en cas
de défaillance .
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