4. Les étudiants réfugiés
politiques
5. Les étudiants étrangers résidents,
temporairement ou non
Dans ce travail de recherche, nous avons choisis de
s'intéresser aux étudiants étrangers en situation de
mobilité et qui viennent de l'Afrique subsaharienne.
2.2. Projet migratoire
Le projet migratoire est une notion dont l'usage est de plus
en plus courant dans la littérature sur les migrations. Cette notion
occupe une place centrale dans cette étude. Avant de procéder
à sa définition, il convient de s'attarder un peu sur le mot
« projet ».
Dans son ouvrage intitulé Anthropologie du
projet, Boutinet précise le caractère
prévisionnel du projet. Il le définissant comme « une
anticipation opératoire, individuelle ou collective d'un futur
désiré » (Boutinet, 1990, p.77). Cette définition
renvoie à un futur souhaité, le projet s'intègre dans
l'histoire de son auteur singulier ou collectif. Selon cet auteur, la notion de
projet se rapporte à plusieurs situations quotidiennes de la vie :
les situations existentielles à projet, les activités à
projet, les objets à projet, les organisations à projet et le
projet de société.
La dimension stratégique sera par la suite posée
par Lévy et Lussault pour qui le projet peut se définir comme une
procédure stratégique, pragmatique et contextuelle dont la
fabrication est intentionnelle (Lévy et Lussault, 2003) Cette
définition met en avant d'une part le rôle des
éléments contextuels dans l'élaboration du projet, d'autre
part, la conscientisation de sa construction et son caractère actif sur
la réalité.
Pour définir la notion de projet migratoire nous nous
sommes appuyés sur les travaux de plusieurs auteurs issus de
différentes disciplines tels qu'Emmanuel Ma Mung, Florence Boyer,
Paul-André Rosental ou encore Mihaela Nedelcu. En effet, ces derniers
ont tous mobilisé l'expression « projet migratoire »
dans leurs travaux et s'accordent tous sur le caractère dynamique du
projet migratoire. Ainsi ils s'accordent sur l'idée selon laquelle le
projet migratoire est révélateur de la capacité des
migrants à se projeter dans le temps d'une part, et du fait qu'il est en
constante évolution d'autre part.
Selon Emmanuel Ma Mung (2009) le projet migratoire est un
concept peu éclairci dont l'explication donné est l'intention de
quitter un lieu pour un autre et/ou l'accomplissement même de la
migration avant que celle-ci ait atteint son terme. En effet, pendant
longtemps, le modèle push and pull a servi d'explication à la
migration. Selon ses théories, il existe dans le pays d'accueil des
facteurs attractifs et positifs et des facteurs négatifs
répulsifs dans le pays d'origine favorisant le départ. Ces
derniers s'inscrivant donc dans une logique cause/conséquence de type
déterministe ou les réalités du milieu conduiraient les
migrants à quitter leur pays à la recherche d'une vie meilleur.
Aujourd'hui, de nombreux penseurs prônent l'idée selon laquelle il
faudrait dépasser ses théories. Ainsi comme le souligne Mihaela
Nedelcu:
« Si l'absence d'une infrastructure performante ou
d'opportunités de développement dans le pays d'origine participe
à pousser les spécialistes au départ, leurs trajectoires
et projets de vie sont souvent très complexes, fruits de la
capacité des individus à négocier avec des infrastructures
étatiques qui encadrent leurs migrations, à mobiliser des
ressources variées et à adapter leurs attentes dans un jeu
permanent des possibles ». (Nedelcu, 2005, p.5)
Dans une étude sur les migrants circulaires (2005),
Florence Boyer précise que pour expliquer les migrations, il ne faudrait
surtout pas qu'on se limite sur les facteurs répulsifs propres à
l'espace de départ ni des caractéristiques du pays d'accueil.
Dès lors l'introduction de la notion de projet migratoire permet de ne
plus considérer le migrant comme un agent social dont ses actions et
comportements sont guidés par des facteurs extérieurs. Mais il
conviendra de considérer le migrant comme un acteur indépendant,
capable de donner un sens à ses actions. Il s'agira alors de redonner
une place aux actions des hommes en partant du point de vue du migrant. Cette
notion devient alors suffisamment large pour rendre compte à la fois des
intentions de mobilité et des conditions de réalisation de cette
mobilité. F. Boyer inscrira également la notion de projet
migratoire dans une vision dynamique en l'associant à deux dimensions :
temporelle et contextuelle. Pour l'auteure :
« En tant que projection dans l'avenir, le projet se
caractérise par une dimension temporelle fondamentale; il s'inscrit dans
un continuum temporel qui participe de sa redéfinition constante. Le
présent n'étant qu'une actualité de l'avenir et l'avenir
n'étant qu'un futur prochain, le projet est sans cesse amené
à être redéfini au fil du continuum en fonction du contexte
et des stratégies sociales et/ou individuelles. Si nous ramenons cette
remarque à l'analyse du projet migratoire, cela revient à dire
qu'il se construit certes au départ, mais tout au long de l'histoire
migratoire, lors des séjours à l'étranger, comme lors des
retours. » (Boyer, 2005, p.52)
Parler de projet migratoire conduit alors à
privilégier une analyse dynamique qui se fonde sur le continuum
temporel. Si au départ le migrant dispose d'un certain nombre
d'informations et de connaissances sur la ou les possibilités du lieu de
destination, celles-ci ne sont que partielles et déformées ; il
éprouve par ailleurs des besoins qui le conduisent à partir et
suppose qu'il pourra satisfaire ces besoins en migration.
Emmanuel Ma Mung (2009) dans ses travaux, nous apprendra que
la notion de projet migratoire nous permet de comprendre les migrations non
plus comme les résultats de mécanismes agissant à l'insu
du migrant, comme par exemple la combinaison de forces économiques, mais
plutôt comme la réalisation d'une intention propre au migrant.
Cette notion nous a ainsi paru essentielle voir même centrale pour
construire la problématique de notre objet de recherche. Ainsi, en nous
appuyant sur la conception de ces deux auteurs, nous utiliserons cette notion
pour comprendre la dualité étude-travail chez les
étudiants. Toutefois, nous intégrerons dans cette recherche la
dimension sociale dans le projet migratoire. A notre avis, de même que
les migrations de travail, la mobilité étudiante est aussi
très complexe et que plusieurs raisons entrent en jeu dans la
décision partir. Loin d'être uniquement individuelle, le projet
est aussi social puisque l'individu s'insère dans un groupe plus ou
moins large et son départ implique l'ensemble de ce groupe. Cette
implication peut être le financement du voyage comme c'est le cas de
nombreux étudiants étrangers. D'où l'importance pour nous
de s'intéresser au condition de départ de ces étudiants
pour pouvoir avoir une lecture complète sur les facteurs explicatifs de
la dualité étude-travail. Ainsi pour répondre à
notre question, il est important d'identifier les éléments
contextuels et individuels qui interviennent dans le processus
décisionnel. Pour cela il est nécessaire de s'intéresser
aux motivations des étudiants à aller étudier à
l'étranger. Dans cette perspective, nous estimons que la
possibilité de travailler pendant les études constituerait un
élément majeur dans la prise de décision pour aller en
France. Dés lors pour expliquer le recours au travail, nous jugeons
nécessaire de porter notre regard depuis la constitution du projet
migratoire ainsi que des modifications dans le temps.
|