SECTION II : REAJUSTEMENTS AU NIVEAU NATIONAL
Pour que la politique nationale de réduction de la
fracture numérique soit plus efficace, il est nécessaire que les
pouvoirs publics allègent la fiscalité. Ils doivent
également procéder au renforcement du rôle des organismes
institutionnels qui oeuvrent pour la cause à
217 Cf. Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz,
14e édition, 2003, p 497.
218 Cameroun, Gabon, RCA, RDC, Sao-Tomé-Et-Principe et le
Tchad.
219 Commission Bancaire d'Afrique Centrale. Cette structure
contentieuse spécialisée de la CEMAC détient un
véritable pouvoir de censure à l'égard des
établissements de crédit exerçant dans les Etats membre de
cette communauté.
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96
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l'échelle nationale. Les dirigeants doivent aussi
mettre un accent particulier sur la formation des citoyens aux TIC. De
même, l'accélération du développement des
infrastructures et la promotion de l'industrialisation dans le secteur des TIC
s'impose.
2.1 Allègement de la fiscalité,
renforcement du rôle des organismes institutionnels et renforcement
des capacités des populations dans le domaine des TIC
Il s'agira ici, de mettre en évidence la
nécessité de procéder à un allègement du
fisc. Nous analyserons également le rôle que devrait davantage
jouer les structures publiques et privées dans le processus de
démocratisation des technologies numériques au Cameroun. De
même, la formation continue des citoyens aux modes d'emplois et de
fabrication des TIC suscitera un intérêt particulier.
2.1.1 Allègement de la
fiscalité
La fiscalité selon le dictionnaire Larousse renvoie au
système de perception des impôts, à l'ensemble des lois qui
se rapportent aux impôts220. En d'autres termes, la
fiscalité fait référence aux pratiques utilisées
par un État ou une collectivité territoriale pour percevoir les
impôts et autres prélèvements obligatoires221.
Dès lors, la fiscalité joue un rôle déterminant dans
l'économie d'une nation. Dans le secteur des
télécommunications, l'Etat engrange d'énormes recettes
fiscales de par l'achat par les consommateurs des dispositifs tels que les
ordinateurs, les téléphones portables, les scanners... et l'usage
permanent des services dérivés. Par contre, on note que
l'accès aux TIC demeure limité pour le citoyen moyen qui du fait
des montants prohibitifs est toujours incapable de se procurer un ordinateur,
un téléviseur, un modem internet et en faire usage de
façon permanente. Il conviendrait alors d'instituer une loi sur la
défiscalisation des intrants informatiques. Ceci permettrait à
coup sûr de réduire les coûts de vente du dispositif
su-cités et partant, de faciliter l'acquisition et l'usage de ces outils
dans les ménages.
Par ailleurs, l'Etat prélève
généralement une part importante sur les recettes des
opérateurs privés de téléphonie mobile. Un tel
état de fait ne les permet pas de réinvestir une partie de leurs
bénéficies dans le développement des réseaux. En
allégeant leur régime fiscal, les pouvoirs publics
encourageraient ces filiales étrangères à étendre
leur taux de couverture
220
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/fiscalit%C3%A9/33867
site consulté le 05 janvier 2015.
221
http://www.journaldunet.com/business/pratique/dictionnaire-comptable-et-fiscal/17162/fiscalite-definition-traduction.html
site consulté le 05 janvier 2015.
réseau dans tout le pays. Dès lors, les
populations résidant dans les milieux ruraux accéderont à
la téléphonie mobile au même titre que les personnes vivant
en zones urbaines. En dehors de l'allègement de la fiscalité, il
importe également de renforcer le rôle des organismes
institutionnels.
2.1.2 Renforcement du rôle des acteurs
Les organisations publiques et privées sont les
principaux acteurs qui oeuvrent pour la réduction de la fracture
numérique au Cameroun. Ces derniers devraient désormais jouer un
rôle plus important. C'est dans ce sens qu'il importe de renforcer leur
action.
· Le CENADI
Créé le 12 août 1988 pour assurer le
développement, la promotion et la mise en oeuvre de la politique
nationale de l'informatique au sein des administrations publiques et
parapubliques, la mission du CENADI se résume aujourd'hui à la
gestion du patrimoine de l'Etat222. Cette structure qui
jusqu'à présent demeure logée dans l'enceinte du
ministère en charge des finances, devrait être
délogée de son ministère de tutelle et être
érigée en institution autonome223 comme c'est le cas
avec l'ART, ENEO, le CNC224 et l'ANTIC. Par ailleurs, étant
la structure en charge de l'informatique cette dernière devrait
s'assurer de la formation dans ce domaine. De plus, elle devrait donner
systématiquement son avis en matière d'acquisition du
matériel informatique sur toute l'étendue du territoire
national.
· L'ART
La création de l'ART remonte à juillet 1998
suite à la libéralisation du secteur des
télécommunications. Sa mission se résume à la
régulation, au suivi et au contrôle des opérateurs, des
exploitants des réseaux et des fournisseurs de services de
communications électroniques. Mais 17 ans après sa mise en place,
le rôle de l'agence tarde à se matérialiser de façon
concrète. Car, les prix des services dérivés de l'usage
des TIC tels que les communications électroniques et l'abonnement
à l'outil internet demeurent élevés pour le citoyen moyen.
Pour remédier à cette situation, l'ART devrait agir en
concertation avec les
222 Voir M.A Zintchem, « Problématique de
l'appropriation des Technologies de l'Information et de la Communication au
Cameroun »..., page 265.
223 Ibid.
224 Conseil National de la Communication
associations des consommateurs et en collaboration avec les
opérateurs de téléphonie mobile pour instaurer une
tarification relativement abordable pour la grande majorité des
populations. Ceci donnera la possibilité à chaque citoyen, quelle
que soit sa classe sociale de se connecter à la technologie internet et
partant, de contribuer à l'économie numérique.
· L'ANTIC
L'ANTIC oeuvre pour la promotion et le développement
des TIC sur l'ensemble du territoire. Chaque année, l'agence organise
des séminaires de sensibilisation sur l'usage des TIC, mais trop peu de
personnes y prennent part à cause du manque d'information. Par ailleurs,
la configuration des séminaires poussent parfois une bonne partie des
citoyens aux facultés de compréhension réduites à
ne pas participer aux ateliers qui sont pourtant ouverts au public. Le cas
échéant, ces conférences prennent alors l'allure des
débats entre individus aux aptitudes cognitives similaires. Dès
lors, l'Agence devrait davantage se rapprocher des usagers notamment les
couches vulnérables dans leurs campagnes de sensibilisation et de
vulgarisation des TIC.
· La CAMTEL
L'opérateur historique demeure la principale structure
chargée de la mise en oeuvre de la politique nationale des
télécommunications définie par le MINPOSTEL. Compte tenu
du fait que le réseau de téléphonie fixe
géré par CAMTEL depuis près de 17 ans évolue
lentement sur l'ensemble du territoire, il serait convenable que cet
établissement parapublic se dessaisisse de la fourniture des services
à valeur ajoutée. Aussi, la mission de l'organisation
devrait-elle se résumer au déploiement de la fibre optique dans
tout le triangle national et à l'élaboration des cadres
règlementaires pour la vente de cette technologie de pointe aux
opérateurs privés de téléphonie mobile.
· ENEO Cameroon
ENEO Cameroon gère le développement du
réseau électrique national et la fourniture de l'énergie
électrique sur l'ensemble du territoire. Seulement, à ce jour,
plusieurs localités rurales demeurent non électrifiées.
Pour remédier à cette situation, le nouvel établissement
parapublique pourrait déployer les énergies renouvelables telles
que l'énergie solaire ou l'énergie éolienne dans les
campagnes afin de permettre aux populations y
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résidantes d'utiliser les TIC de manière
permanente. Il importe aussi de renforcer l'action des organisations
privées.
· Les opérateurs privés de
téléphonie mobile
Les principales structures privées qui oeuvrent dans
le secteur des télécommunications au Cameroun sont entre autres,
les trois opérateurs privés de téléphonie mobile,
les FAI et certaines ONG. En ce qui concerne les opérateurs de
téléphonie, on note que malgré la réalisation de
gros chiffres d'affaires225, Orange et MTN ne couvrent pas encore
tout le territoire national. Ces entreprises étendent beaucoup plus leur
réseau dans les zones à forte activité économique
où le pouvoir d'achat des populations est assez significatif. Par
conséquent, les localités reculées se retrouvent
lésées en infrastructures de télécommunications.
Aussi, les sociétés de téléphonie mobile devraient
davantage soutenir les pouvoirs publics dans leurs stratégies de
démocratisation des TIC, en assurant la couverture minimale dans tous
les coins et recoins du triangle national. Ceci facilitera la diffusion et
l'usage du téléphone portable dans tout le pays.
· Les ONG
Dans le chapitre précédent, nous avons
noté que l'action des ONG dans le cadre de la réduction du
fossé numérique n'est pas très perceptible. Ces
dernières amplifieraient leur participation au processus à
travers la sensibilisation et la formation d'un nombre plus élevé
de personnes appartenant aux couches défavorisées à
l'usage des dispositifs technologiques. De même, ces acteurs devraient
même assurer le rôle d'intermédiaire entre les gouvernants
et la population en ce qui concerne l'élaboration des programmes de
développement et la prise de certaines décisions importantes dans
le domaine visé. Notons également que de par leur
proximité avec les couches vulnérables, les membres de la
société civile peuvent facilement susciter un grand
intérêt auprès des couches défavorisées par
rapport à l'usage des TIC et de leurs effets positifs. Car, en
dépit des initiatives publiques mises en oeuvre dans ce cadre, ces
catégories de personnes se montrent encore réfractaires aux TIC
à cause de leur ignorance des modes d'emplois. Une vulgarisation rapide
des TIC exige aussi la promotion de la formation des populations à
l'usage de ces technologies.
225 Pour le compte de l'année 2012, Orange Cameroun
réalisa un chiffre d'affaires d'environ deux cent millions de FCFA.
99
2.1.3 Promotion de la formation des citoyens dans le
domaine des TIC
Grâce aux stratégies mises en oeuvre par les
dirigeants, beaucoup d'élèves et étudiants
s'intéressent de plus en plus à l'étude des technologies
numériques et plusieurs citoyens connaissent même
déjà comment utiliser un ordinateur et l'outil internet. Mais, au
vu du manque d'enseignants en TIC, de la faible couverture du réseau
électrique, du déficit d'équipements en ordinateurs et en
connexion internet dans plusieurs lycées et collèges des zones
rurales, il devient très difficile pour les élèves
d'acquérir les notions dans cette discipline. L'Etat gagnerait alors
à augmenter le nombre de places ouvertes pour la formation des
professeurs de cette discipline dans les écoles normales
supérieures.
De plus la mise en oeuvre d'un partenariat avec les ONG
oeuvrant dans le domaine des TIC permettrait de doter bon nombre
d'établissements, en particulier ceux situés dans les campagnes
en matériels informatiques. Il conviendrait aussi de multiplier les
initiatives similaires à l'opération cent mille femmes horizons
2012 de l'IAI en englobant cette fois-ci tous les groupes vulnérables
souvent marginalisées au rang desquels on distingue les orphelins, les
jeunes illettrés et les handicapés.
Par ailleurs, l'Etat devra envisager la création d'une
école supérieure essentiellement spécialisée dans
la formation des ingénieurs informaticiens. Cela favoriserait le
développement de l'entreprenariat et surtout l'innovation dans ce
secteur. Le cas échéant, le Cameroun ne figurera plus comme une
simple nation consommatrice des technologies numériques mais aussi comme
un Etat producteur de celles-ci.
Bien que l'allègement de la fiscalité, le
renforcement du rôle des organismes institutionnels et la promotion de la
formation semblent opportuns, il convient également d'instaurer un
partenariat intelligent propice au développement infrastructurel et de
promouvoir l'industrialisation dans le domaine concerné.
2.2 Mise en place du partenariat pour le
développement infrastructurel et promotion
de l'industrialisation
Il s'agira de mettre en exergue le partenariat pour le
développement infrastructurel et l'industrialisation dans le domaine des
TIC.
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2.2.1 Le partenariat public-privé socle : du
développement infrastructurel
Le déficit infrastructurel relevé dans le
chapitre précédent impose la mise en place d'un partenariat
favorable à l'essor des équipements de
télécommunications et d'énergie électrique.
a- Dans le secteur des
télécommunications
Le réseau de télécommunications actuel
semble encore faible pour satisfaire les multiples attentes des usagers et plus
précisément ceux situés dans les zones reculées. Ce
déficit ne favorise nullement l'accélération du processus
de résorption de la fracture numérique. Malgré le
déploiement de 6500 kilomètres de fibre optique par CAMTEL et le
lancement du projet des télécentres communautaires polyvalents
par le MINPOSTEL, beaucoup de camerounais résidant en milieux ruraux
pâtissent encore du défaut d'infrastructures de
télécommunications. Cependant, comme le souligne Emmanuel KOUAKAM
dans le trimestriel Le défi numérique226, le
développement d'un partenariat intelligent entre le gouvernement, les
ONG, les organismes de développement, le secteur privé et les
communautés locales permettrait de remédier efficacement à
ce problème. L'instauration du partenariat s'impose aussi dans le
domaine énergétique.
b- Dans le secteur énergétique
L'usage permanent des TIC requiert l'existence de
l'énergie électrique. Mais compte tenu du fait que plusieurs
campagnes ne disposent pas d'électricité, le
téléviseur, le téléphone portable, l'ordinateur...
restent des appareils moins utilisés. Avec le PDSE227, les
dirigeants envisagent le triplement de la puissance énergétique
et l'extension du réseau électrique. En conséquence,
chaque citoyen, quel que soit son lieu de résidence pourra en principe,
avoir accès à l'énergie et partant, se servir des
dispositifs numériques en permanence. Néanmoins, ce programme ne
suffirait point pour fournir toutes les localités
particulièrement celles éloignées en
électricité. Aussi la constitution d'un partenariat
public-privé faciliterait-elle la desserte de ces zones. Toutefois,
faudrait-il d'abord libéraliser ce secteur afin d'y établir un
environnement concurrentiel. Il convient également de promouvoir
l'industrialisation dans le domaine des TIC.
226 Le défi numérique, ANAIS-AC,
Yaoundé, N°1, Janvier-Mars 2002.
227 Plan du Développement du Secteur de
l'Electricité
101
2.2.2 Promotion de l'industrialisation du secteur des
télécommunication/TIC
Cette activité passe par l'appui des initiatives
locales et l'attrait des investissements directs étrangers.
a- Le soutien des initiatives locales
Grâce à l'intérêt de certains
citoyens à l'étude des procédés de fabrication des
outils de télécommunications et des TIC, on observe peu à
peu de la créativité et de l'innovation dans ce domaine. Le 19
mars 2014, Théophile Abéga Moussa lançait avec l'aide de
MGSOFT, la première boutique camerounaise en ligne d'applications
mobiles baptisée Mboa-Store et répondant aux besoins locaux. Au
cours de la même année, le jeune ingénieur informaticien,
diplômé de l'Ecole Nationale Supérieure Polytechnique
(ENSP) Arthur Zang, a mis sur pied le Cardiopad228. Cette
création lui a valu la victoire en juin 2014 du concours Rolex
awards for enterprises organisé tous les deux ans. Pour mener son
projet à terme, le jeune créateur a reçu le soutien
financier du chef de l'Etat à hauteur de vingt million de FCFA. Un tel
appui est très encourageant, seulement les pouvoirs publics
soutiendraient davantage les chercheurs qui s'exercent dans l'innovation
technologique en attribuant une somme plus importante au meilleur
innovateur229 et surtout, en leur donnant les moyens
nécessaires pour accroître les performances de leurs appareils
afin de les commercialiser partout dans le monde. L'attrait des investissements
extérieurs apparaît aussi comme un facteur d'industrialisation.
b- L'attrait des Investissements Directs Etrangers
(IDE)
L'IDE, selon l'OCDE230, fait
référence à « un investissement
réalisé par une entité résidente d'une
économie dans le but d'acquérir un intérêt durable
dans une entreprise résidente d'une autre économie
»231. Les IDE favorisent la production et la
création des richesses qui se présentent comme d'importants
facteurs de développement économique.
228 Considéré comme la première tablette
tactile africaine à usage médical, cet appareil permet aux
infirmiers des zones rurales d'envoyer les résultats des examens
cardiaques aux cardiologues par le biais d'une connexion de la
téléphonie mobile.
229 Il convient de préciser qu'actuellement, la somme
attribuée au meilleur innovateur s'évalue à 300.000 FCFA.
Pourtant au Gabon, le vainqueur du prix de l'innovation technologique
perçoit la coquette somme de cent millions de FCFA.
230 Organisation pour la Coopération et le
Développement Economique
231 NGUEGUANG Fabrice, « Climat des affaires et
Investissements Directs Etrangers en zone CEMAC », Mémoire de
Master en Relations Internationales, IRIC, 2012, p 20.
Malgré la profusion de nombreuses PMI232, le
tissu industriel camerounais demeure faible, pis dans le secteur des
télécommunications/TIC. Il devient alors difficile pour cette
filière de générer un maximum d'emplois afin de
réduire le taux de chômage largement à la hausse. De par
l'attrait des IDE dans ce domaine, les gouvernants résoudraient en
partie ce problème qui affecte lourdement l'économie nationale.
La diaspora jouerait alors un très grand rôle pour l'atteinte de
cet objectif.
En effet, les citoyens de renommée internationale tels
que Jacques Bonjawo, ancien Senior Manager à Microsoft et Alain
Anyouzoa Njimoluh, travaillant également dans la même structure
peuvent facilement convaincre les hauts responsables de cette entreprise
d'implanter une usine de fabrication de matériels informatiques à
moindre coût au Cameroun. Ce d'autant plus que la stabilité
politique et les législations en la matière semblent très
favorables. L'aboutissement d'une telle idée abaisserait
inéluctablement les prix de vente de ces dispositifs et partant
faciliterait la démocratisation des TIC.
Au vu de tout ce qui précède, on constate que
beaucoup reste à faire pour accélérer le processus de
réduction de la fracture numérique.
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232 Petites et Moyennes Industries
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