La réduction de la fracture numérique en Afrique centrale: cas du Cameroun( Télécharger le fichier original )par LEO GAËL ATANGA ONDOA Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master 2015 |
SECTION II : AU NIVEAU DU CAMEROUNDans Dans l'optique de résorber les inégalités liées à la diffusion des TIC à l'échelle nationale, les pouvoirs publics ont élaborés un ensemble d'instruments juridiques. En outre, ils ont mis en place plusieurs organismes d'accompagnement aussi bien dans le secteur public 171 Commission Economique pour l'Afrique, Rapport annuel sur l'Etat d'avancement des nouvelles technologies de l'information... que dans le secteur privé. De même, l'accent a été mis sur le développement des compétences numériques, la modernisation du service public et sur l'équipement des campagnes en moyens de télécommunications modernes. Dans cette partie, il sera question pour nous d'évaluer ces différentes stratégies afin de déterminer leur efficacité. Pour y parvenir, nous commencerons par la législation. 2.1 La législation Au Cameroun, plusieurs lois, décrets et arrêtés encadrent les activités dans le secteur des télécommunications/TIC. Toutefois, malgré l'existence de toutes ces normes juridiques, il n'en demeure pas moins qu'il n'existe pas encore une loi ou un décret relatif à la défiscalisation des intrants informatiques. Un tel état de fait a des répercutions importantes sur les coûts de vente des appareils tels que l'ordinateur, l'imprimante, le scanner... En effet, le coût d'acquisition d'un ordinateur à l'état neuf nécessite le déboursement d'au moins 150.000 FCFA, une somme excessive pour le camerounais qui perçoit mensuellement un revenu minimum172. Une telle situation ne facilite pas l'accroissement rapide du parc informatique qui se situe actuellement autour 200.000 ordinateurs173. Par ailleurs, dans le code de procédure pénal camerounais, aucunes dispositions ne prévoient la répression des actes cybercriminels. Dès lors, le champ reste ouvert aux hackers qui se livrent à des pratiques malsaines174. Il convient également d'évaluer la contribution des institutions d'accompagnements. 2.2 Les organismes institutionnels Le processus de réduction de la fracture numérique au Cameroun est soutenu par les acteurs publics et privés. Parmi les acteurs publics, nous citons le CENADI, la CAMTEL l'ART, l'ANTIC et ENEO Cameroon. Au rang des organismes privés, on distingue les opérateurs de téléphonies mobiles et les ONG. Il importe d'évaluer la participation de ces différentes structures dans le processus de résorption du fossé numérique au Cameroun. Commençons par les institutions publiques. 172 A titre de rappel, le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance (SMIC) s'élève à 36250 173 http://emploi-jeunes-cameroun.net/IMG/pdf/Business_plan_demantelement_materiel_informatique.pdf site consulté le 30 juillet 2014. 174 A titre indicatif, des invitations fictives ont été adressées par le Président de la République du Cameroun à Madame MAXIMILIANO FABIANO, Consul Honoraire du Cameroun à Trieste en Italie, 15 Janvier 2012 et à Madame Mette SUNNERGEN, Ambassadrice du Royaume de SUEDE au Cameroun, 16 Mars 2012. a- Le CENADI 74 Le CENADI a été créée en 1988 pour assurer le développement, la promotion et la mise en oeuvre de la politique nationale de l'informatique au sein des administrations publiques et parapubliques. Cependant, on constate qu'aujourd'hui, cette structure se contente essentiellement de la gestion du personnel et de la solde de l'Etat. En conséquence, l'usage des TIC demeure limité dans les administrations publiques. En effet, comme le soulignait Jean Lucien Ewangué en 2003, « moins d'un dixième des agents de l'Etat utilisent l'outil informatique.175 ». En dépit de l'obsolescence de données quantitatives, cette situation qui tend petitement à s'améliorer se justifie par le défaut de compétences numériques de plusieurs agents publics. Par ailleurs, selon une enquête menée par l'UIT176 en 2007, 6,2 % d'institutions possédaient plus d'un ordinateur et 27,6 % en disposaient plus d'un seul. De même, l'utilisation des photocopieurs s'évaluait à 21,5 % et l'équipement des bureaux en téléviseurs se chiffrait à 10,7 %. b- La CAMTEL CAMTEL est un établissement parapublic dont la mission principale se résume à la mise en oeuvre de la politique de l'Etat dans le secteur des télécommunications. Dans le cadre de la réduction du fossé numérique, CAMTEL a introduit le wireless à partir de 2001 et l'ADSL en 2004. De même, par l'entremise de cette structure, le Cameroun s'est interconnecté aux câbles sous-marins à fibre optique SAT3/WASC/SAFE177 le 23 août 2002. Ces infrastructures ont été mises en exploitation en 2005178. En outre, CAMTEL a déjà déployé près de 6500 kilomètres de fibre optique sur l'ensemble du territoire. Ce qui a permis d'améliorer la connectivité nationale. Dans le même ordre d'idée, depuis 2000, l'entreprise parapublique oeuvre grandement pour le perfectionnement du réseau local. Le présent tableau montre l'évolution du débit de connexion par années. 175 Ewangue Lucien Jean, « Stratégies d'intégration du Cameroun à la société de l'information et de la communication », Netsud (En ligne), Les fractures numériques Nord/Sud en question, mis à jour le 17/06/2011, p 3. 176 https://www.itu.int/ITU-D/finance/work-cost-tariffs/events/tariff-seminars/bangui-07/cameroun.PDF site consulté le 21 août 2014. 177 South Atlantic 3/ Western Africa Submarine Cable/ South Africa-Far East. 178 Ewangue J.L, « La politique de développement des Technologies de l'Information et de la Communication au Cameroun : une dynamique d'accès inégalitaire à la société de l'information », Symposium Netsud, 2009, p 6. 75 Tableau 3 : Capacités d'accès Internet aux backbones internationaux exploitées par CAMTEL
Source : http://www.antic.cm/images/stories/data/donneesTICCameroun.pdf site consulté le 05 Août 2014 La lecture de ces données démontre qu'il y a une réelle évolution du débit de connexion depuis le début des années 2000. Un tel état de fait facilite la réalisation de certaines opérations autrefois difficiles telles que le téléenseignement, la télédiplomatie et la télémédecine. En outre, avec le raccordement en septembre 2014 au câble sous-marin à fibre optique WACS dans le cadre du projet CAB, le Cameroun a augmenté sa capacité de transmission des données à 5,12 térabits. Par ailleurs, bien que CAMTEL ait déployé la technologie CDMA en 2004 et lancé le CT-Phone sur le marché en 2005, le réseau de téléphonie fixe n'est pas assez répandu sur l'ensemble du territoire national. A titre illustratif en 2006, ce réseau ne couvrait que 107 localités du pays180. Il semble d'ailleurs plus perceptible dans les grandes métropoles comme Yaoundé et Douala où on retrouve près de 70% des abonnés au réseau CAMTEL181. Un tel état de fait justifie l'incapacité de l'opérateur historique à franchir la barre des 1.000.000 179 Mégabits par secondes 180 Ewangue J.L, « La politique de développement..., p 5. 181 Ibid. 76 d'abonnés182. En outre, la faible pénétration de la téléphonie fixe à des répercutions importantes sur la télédensité fixe. Le tableau ci-contre est un exemple évocateur. Tableau 4 : Evolution de la télédensité fixe au Cameroun de 1999-2013
Source : Tableau conçu par l'auteur à partir des données fournies par la Banque Mondiale sur le nombre de lignes téléphoniques pour 100 habitants. La lecture du présent tableau démontre que la télédensité fixe connait une faible évolution. Le nombre de lignes existant reste insuffisant pour combler les multiples attentes des usagers. Pourtant, les pouvoirs publics se sont fixés pour objectif dans le DSCE de porter la télédensité fixe à 45 % en 2020. Au regard de l'évolution de la télédensité fixe ces quinze dernières années, il semble convenable de dire que l'objectif poursuivi par les dirigeants sera difficilement atteint. c- L'ART La création de l'Agence de Régulation des Télécommunications remonte à 1998. Comme son nom l'indique, l'autorité est chargée de la régulation des activités dans le secteur des télécommunications. De ce fait, l'agence a beaucoup oeuvré pour la baisse des coûts des services de télécommunications. A titre indicatif, la tarification téléphonique est passée d'une facturation à la minute183 pour un appel local qui a évolué de 300 FCFA à 250 FCFA, de 250 FCFA à 200 FCFA, de 200 FCFA à 150 FCFA et de 150 FCFA à 100 FCFA à une taxation à la seconde. Grâce aux recommandations de l'ART, les opérateurs de téléphonie mobile ont commencé à facturer les appels à la seconde depuis 2008. C'est ainsi que la minute d'appel coûte aujourd'hui 60 FCFA. Avec l'entrée du vietnamien Nexttel sur le marché en septembre 2014, ce montant a encore légèrement baissé pour atteindre la somme de 54 FCFA. 182 Ce n'est pourtant pas le cas pour les opérateurs de téléphonie mobile tels qu'Orange et MIN qui ont chacun plus de 4 millions d'abonnés. 183 Au début des années 2000, une minute d'appel téléphonique quel que soit l'opérateur coûtait 300 FCFA. 77 Dans le même ordre d'idée, le coût de la connexion au réseau des réseaux184 diminue au fil du temps. Présentement, en dehors des seuls forfaits mensuels qui existaient en 2000185, chaque individu a la possibilité d'accéder au haut débit grâce à un modem de connexion à partir de 500 FCFA186 tout simplement en s'achetant un forfait journalier. Cependant, malgré la réduction du coût d'accès à l'outil internet, très peu de citoyens utilisent cette technologie au Cameroun (voir tableau ci-dessous). Tableau 5 : Evolution du nombre d'utilisateurs internet pour 100 personnes
Source : Tableau conçu par l'auteur à partir des données fournies par la banque mondiale sur le nombre d'utilisateurs internet pour 100 personnes Au vu de ce tableau, on dénombre juste 6,4 utilisateurs internet pour 100 personnes. Certes l'évolution est croissante, mais il n'en demeure pas moins que l'objectif visé par les pouvoirs publics de porter le nombre d'utilisateurs de l'outil internet à 40 % en 2015 ne sera pas atteint. Ces éléments démontrent à suffisance que le rôle de l'ART pour le développement du secteur des télécommunications reste limité. d- L'ANTIC La création de cet établissement parapublic remonte à 2002. De manière globale, la mission de l'ANTIC se résume à la promotion et au développement des TIC sur l'ensemble du territoire national. Dans le cadre de la résorption du fossé numérique, l'agence a organisé plusieurs séminaires de sensibilisation187 sur la cybersécurité et la cybercriminalité pour sensibiliser les populations sur les actes cybercriminels. De plus, cette institution effectue généralement des audits dans les administrations publiques pour s'assurer que les données informatisées sont suffisamment sécurisées. Seulement, malgré ces quelques actions 184 Cf. : Outil Internet 185 Au début des années 2000, il fallait débourser pas moins de 30.000 FCFA par mois pour avoir une connexion internet mensuelle. 186 C'est le cas précisément chez les opérateurs tels que CAMTEL, Orange et MTN. 187 C'est le cas notamment des séminaires tenus du 27 au 29 novembre 2013 à Yaoundé et de ceux organisés au mois de décembre de la même année à Garoua. 78 remarquables, on observe que l'usage des TIC demeure limité dans les ménages. Le nombre de foyers équipés d'un téléviseur l'illustre clairement. Tableau 6 : Evolution du pourcentage de ménages ayant un téléviseur au Cameroun de 2002- 2009
Source : Tableau conçu par l'auteur
à partir des données fournies par la Banque Mondiale sur le
pourcentage Ces chiffres démontrent qu'en 2009, tous les foyers n'étaient pas équipés d'un téléviseur. Ceci semble beaucoup plus perceptible dans les habitations des zones rurales qui pour la plupart ne possèdent pas de téléviseurs du fait de la cherté et dans une certaine mesure, du manque d'énergie électrique. Pourtant, les dirigeants se sont fixés pour objectif de généraliser l'usage de la télévision dans tous les ménages en 2015. Avec un taux d'évolution d'environ 2% par an, on se situerait actuellement à 43% de foyers disposant d'une télévision. De même, bien que l'ANTIC oeuvre pour la promotion et le développement des TIC au Cameroun, on constate que très peu de ménages disposent d'un accès au haut-débit internet (voir tableau ci-dessous). Tableau 7 : Evolution du pourcentage de ménages ayant une connexion internet haut-débit au Cameroun de 2002-2009 sur un échantillon de 100 personnes
Source : Tableau conçu par l'auteur
à partir des données fournies par la Banque Mondiale sur le
nombre Ce tableau laisse entrevoir que la technologie internet reste très peu utilisée dans les ménages. En effet, 0,08 personnes sur 100 possèdent un abonnement Internet haut débit. Le coût élevé de l'acquisition de l'abonnement mensuel au haut débit et la faible sensibilisation 79 de l'ANTIC en faveur de l'utilisation de cet outil sont autant de facteurs justifiant ces faibles chiffres. Avec une telle évolution, les pouvoirs publics n'atteindront pas l'objectif fixé en 2007 d'accroître le taux d'utilisation à 40% en 2015. Par ailleurs, malgré l'activisme de l'ANTIC en faveur du développement des TIC, l'indice de développement des TIC (IDI) du Cameroun évolue faiblement par rapport à d'autres pays de la sous-région. Le tableau ci-dessous est un exemple évocateur. Tableau 8 : Evolution de l'IDI de l'UIT au Cameroun et dans certains pays de la sous-région de 2007-2012
Source : Tableau conçu par l'auteur
à partir des indicateurs fournis par l'UIT sur l'indice de
développement La lecture de ce tableau démontre que sur 157 pays classés par l'UIT, les Etats d'Afrique Centrale occupent des positions pas enviables. En dehors du Gabon dont l'IDI se situe à 2,61, le Cameroun et les autres pays stagnent à la valeur inférieure. Un tel état de fait démontre que le fossé numérique demeure non seulement à l'intérieur du Cameroun, mais aussi entre ce pays et certains Etats de la sous-région. e- ENEO Cameroon La création de cette institution est récente. Energy of Cameroon oeuvre pour la fourniture et le développement du réseau électrique sur l'ensemble du territoire national. 80 Compte tenu du fait que l'énergie est une condition préalable pour l'utilisation permanente des TIC, cette organisation agit en faveur du triplement de la capacité énergétique nationale et pour l'électrification des campagnes. Toutefois, malgré cet activisme, la densité du réseau électrique demeure faible. Avec une puissance électrique évaluée à près de 1593 Mégawatts188, il est moins aisé de contenter toutes les localités urbaines et rurales en électricité. De même, bien que les dirigeants aient élaboré le PDSE, créé l'Agence d'Electrification des zones Rurales (AER) et mis en place le projet d'électrification des zones rurales, plusieurs villages et localités périurbaines demeurent non électrifiées. A titre indicatif, en 2008, sur 13.014 villages électrifiables, seulement 2.300 étaient électrifiés189. Un tel état de fait influence grandement la vulgarisation des TIC dans les milieux ruraux et la réduction du fossé numérique entre ces localités et les villes en conséquence. En dehors de l'évaluation du rôle des acteurs publics, il convient également d'apprécier l'action des acteurs privés. f- Les opérateurs de téléphonie mobile La libéralisation du secteur des télécommunications a permis l'entrée de trois opérateurs privés de télécommunications sur le marché camerounais. Consécutivement à l'arrivée de ces filiales étrangères, la téléphonie mobile connait une évolution fulgurante au Cameroun comme le démontre ce tableau. Tableau 9 : Evolution de la télédensité mobile au Cameroun de 1999-2013
Source : Tableau conçu par l'auteur à partir des données fournies par la Banque Mondiale sur les abonnés à la téléphonie mobile pour 100 personnes La lecture du tableau 9 démontre que la télédensité mobile évolue beaucoup au Cameroun. Actuellement, on dénombre 70 lignes téléphoniques pour 100 habitants. Ce chiffre 188 Situation énergétique du Cameroun, Rapport 2011, Ministère de l'eau et de l'énergie, Mai 2012, page 22. 189 Système d'Information Energétique du Cameroun (SIE-Cameroun), Etude sur la distribution de l'énergie électrique au Cameroun, 2008. 81 se situe au dessus de l'objectif visé dans le DSCE. Cette évolution exponentielle s'explique par le coût d'achat relativement bas du téléphone mobile190. Cependant, malgré le bon développement de la téléphonie mobile, plusieurs localités rurales demeurent non couvertes par le réseau de télécommunications. D'après les chiffres fournis par l'ART, le taux de couverture réseau se situe entre 80 et 85 %, mais au regard des faits, il y a lieu de s'interroger sur ces chiffres. Certes, tous les départements sont déjà couverts par les différents opérateurs de téléphonie, mais ce n'est pas encore le cas pour les arrondissements particulièrement ceux situés dans les campagnes. Dans le même ordre d'idée, on dénombre seulement une soixantaine de fournisseurs d'accès/services internet et services à valeur ajoutée déclarés191 pour une population d'environ 22 millions d'habitants. Cet effectif limité de fournisseurs ne suffit pas pour répondre à une demande nationale sans cesse croissante. g- La société civile Plusieurs ONG accompagnent l'Etat dans son processus de réduction de la fracture numérique. A titre indicatif, l'association ANAIS-AC organise généralement des séminaires et des ateliers sur les TIC à l'intention des populations. Elle sensibilise aussi les décideurs sur la problématique, les enjeux et les opportunités offertes par les TIC et attire l'attention des jeunes sur les enjeux de la société de l'information à travers « les rencontres jeunes et TIC4D de Anaïs.AC192 ». Toutefois, malgré ces quelques faits remarquables, l'action de la société civile en faveur de la réduction de la fracture numérique au Cameroun reste faible. Car, on note toujours une faible utilisation des TIC aussi bien au niveau des ménages que dans les milieux éducatifs. Rendu au terme de l'appréciation du rôle des organismes institutionnels, nous pouvons dire que beaucoup reste à faire pour aboutir à une couverture universelle sur l'ensemble du territoire national. Actuellement, il semble nécessaire d'évaluer les autres dispositions prises par les pouvoirs publics pour résorber la fracture numérique. 190 En effet, il désormais possible de s'offrir un téléphone mobile à partir de 5000 FCFA et parfois même moins. 191 MINPOSTEL, Stratégie sectorielle du domaine des télécommunications/TIC..., p 6. 192 http://www.wagne.net/w3/ong/anais.html site consulté le 12 juin 2014 82 2.3 Evaluation des autres stratégies nationales de réduction du fossé numérique Pour parvenir à la couverture universelle sur toute l'étendue du territoire, les dirigeants ont également mis l'accent sur le développement des compétences numériques, la mise en place d'une administration électronique et l'équipement des campagnes en moyens de télécommunications modernes. L'opérationnalisation de ces différentes stratégies a favorisé l'accroissement des ressources humaines dans le secteur concerné, la modernisation progressive des services publics et le déploiement des infrastructures de télécommunications. 2.3.1 Accroissement continue des ressources humaines En accordant une place importante à la formation des populations aux TIC, les pouvoirs publics ont franchi un cap important vers la démocratisation desdits outils. Compte tenu du fait que l'usage effectif et permanent des dispositifs numériques requiert une bonne connaissance des modes d'utilisation, il semblait opportun de promouvoir leur étude afin qu'elles soient employées à bon escient par la majorité des citoyens. De nos jours, le nombre d'individus s'intéressant à l'utilisation des TIC augmente continuellement aussi bien au niveau primaire, secondaire et universitaire. Dans la première catégorie, le nombre d'apprenants des TIC s'accroit concomitamment avec la hausse du taux de scolarisation. Chaque année, le pourcentage d'enfants allant à l'école primaire progresse considérablement. De par l'insertion au programme de formation d'un enseignement sur l'initiation aux technologies de l'information et de la communication, ces écoliers peuvent déjà se faire une idée des technologies innovantes. A l'échelle secondaire, la principale évolution s'observe à travers le nombre de candidats qui ont présenté le Probatoire et le Baccalauréat TI (Technologies de l'Information) lors de la session d'examen 2014. Au Baccalauréat, l'OBC193 en a enregistré 457 tandis qu'au Probatoire, on en dénombrait 830. En effet, après avoir reçu pendant neuf mois des enseignements profonds sur les TIC, plusieurs élèves de la série TI ont bravé avec succès leurs examens de fin d'année. Au niveau supérieur, la filière informatique et tous les autres parcours académiques qui ont trait aux Télécommunications/TIC font l'objet d'un intérêt de plus en plus grandissant de la part des apprenants. Le taux d'inscription dans ces différentes options s'agrandit chaque 193 Office du Baccalauréat du Cameroun 83 année. De même, les institutions universitaires telles que l'ENSP194, l'ENSPT195 et l'IAI196 Cameroun forment chaque année plus de 200 ingénieurs en télécommunication/TIC. Ces derniers font valoir leurs compétences dans les entreprises du secteur concerné. A titre indicatif, plusieurs jeunes diplômés de l'ENSPT et de l'ENSP ont été recrutés par l'opérateur asiatique de téléphonie mobile en 2013. Toujours dans le volet formation, l'IAI, dans le cadre de son opération cent mille (100.000) femmes horizon 2012 a édifié 103.350 femmes appartenant à diverses couches sociales et d'horizons variés à la maîtrise des TIC. Le tableau ci-dessous nous sert d'indicateur. Tableau 10 : Nombre de femmes formées
par catégorie dans le cadre de l'opération 100.000
Source : Livre d'or. Opération 100.000 femmes/ horizons 2012, page 25 Le présent tableau laisse entrevoir que cette opération a pris en considération toutes les catégories de femmes. Même celles issues des couches vulnérables ont été formées. Au cours de l'année 2014, l'institut panafricain s'est engagé, dans un horizon indéterminé, à initier près d'un million de citoyens à la maitrise des modes d'utilisation des TIC en vue de promouvoir le développement des compétences numériques des populations. Toutefois, malgré le fait qu'on observe une réelle hausse au niveau des ressources humaines dans le domaine des télécommunications/TIC, bon nombre de citoyens ne maîtrisent pas encore suffisamment les modes de fonctionnement des technologies 194 Ecole Nationale Supérieure Polytechnique 195 Ecole Nationale Supérieure des Postes et Télécommunications 196 Institut Africain d'Informatique 84 numériques. En effet, plusieurs individus appartenant aux couches défavorisées tels que les handicapés, les enfants, les femmes... ne savent pas se servir de l'outil internet. Très souvent, lorsque l'occasion leur est même donnée d'en faire usage, ils paraissent hébétés devant les images ne sachant que faire. De même, malgré l'opérationnalisation de l'opération 100.000 femmes horizons 2012 bon nombre de citoyens, en majorité les femmes, ne savent ni manipuler un ordinateur ni utiliser la technologie internet. C'est dans cette logique que Robertine Tankeu parle d'une fracture numérique de genre197. Par ailleurs, bien que l'Etat envisage multiplier par 50 le nombre d'emplois dans le domaine des télécommunications/TIC on remarque que la capacité d'accueil des instituts de formation dans le domaine concerné reste insuffisante par rapport à la demande. Plusieurs élèves et étudiants s'intéressent davantage à l'étude des TIC comme une spécialisation. Mais il existe peu d'institutions académiques offrant des formations adéquates. Celles présentes peuvent seulement accueillir une quantité réduite d'apprenants. Par conséquent, le nombre de spécialistes dans le secteur des TIC demeure limité pour combler le déficit en ressources humaines dans cette filière. En dehors du développement permanent des ressources humaines, les autres stratégies mises en place par les pouvoirs publics permettent une modernisation progressive des services publics. 2.3.2 La modernisation progressive du service public Pour moderniser le service public, les pouvoirs publics ont mis en place le projet e-government. De par l'opérationnalisation de ce projet, certains services administratifs des grandes métropoles ont déjà été équipés d'un ensemble de dispositifs techniques. Selon un rapport de la CEA/BSR-AC de 2013 sur l'état d'avancement des TIC en Afrique Centrale, 45 administrations publiques camerounaises situées dans la ville de Yaoundé sont déjà interconnectées par le réseau national à fibre optique. Dans le même ordre d'idée, les services en lignes commencent à devenir une réalité dans plusieurs administrations publiques. C'est le cas notamment au MINFOPRA198, au MINFI199, au MINSANTE200, au MINESUP201, à l'ARMP202 et au MINESEC203... Au 197 Tankeu Robertine, Fracture numérique de genre au Cameroun : Quelle ampleur ?, Yaoundé, ANAI-AC, 2005. 198 Ministère de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative 199 Ministère des Finances 200 Ministère de la Santé 85 MINESEC par exemple, les affectations se gèrent maintenant en ligne. L'enseignant nouvellement diplômé de l'ENS204 ou de l'ENSET205 suit toute la procédure relative à son affectation à travers l'interface internet206 de ce département ministériel. Une telle innovation minore les déplacements et diminue les dépenses à ces jeunes futurs fonctionnaires dont les moyens sont souvent modestes au début de leur carrière. Il importe également de noter que presque tous les départements ministériels et la majorité des établissements publics possèdent des sites web à partir desquels les usagers peuvent obtenir des informations importantes. Cependant, malgré ces avancées remarquables la plupart des services administratifs camerounais s'illustrent par un manque de célérité qui paralyse leur efficacité. Présentement, la majorité des services centraux de l'Etat sont équipés en ordinateurs, connexion internet haut débit, photocopieuses, scanners... Mais, certains services déconcentrés ne disposent même pas d'un ordinateur ou d'une photocopieuse. Dans ce cas, il est souvent assez difficile de rapidement acheminer les dossiers d'un service central vers un service déconcentré. De plus, en 2007, seulement 10,8 %207 d'organisations publiques et privées possédaient un site internet et 9,2 %208 d'entre elles disposaient en leur sein d'une connexion internet haut débit. En créant des sites internet, les structures administratives voulaient faciliter l'accès à l'information publique aux usagers. Cependant, la consultation de ces interfaces numériques montre que les données y mentionnées sont rarement mises à jour. Un tel état de fait démontre que l'usage des TIC dans les administrations aussi bien publiques que privées reste limité. Toujours dans une logique évaluative, les autres stratégies mises en place pour réduire la fracture numérique ont permis le déploiement des infrastructures de télécommunications dans plusieurs localités rurales. 201 Ministère de l'Enseignement Supérieur 202 Agence de Régulation des Marchés Publics 203 Ministère des Enseignements Secondaires 204 Ecole Normale Supérieure 205 Ecole Normale Supérieure d'Enseignement Technique 206 www.tchaytchay.com/drhminesec/ 207 https://www.itu.int/ITU-D/finance/work-cost-tariffs/events/tariff-seminars/bangui-07/cameroun.PDF site consulté le 21 août 2014. 208 Ibid. 86 2.3.3 Le déploiement des infrastructures de télécommunications dans les campagnes Dans l'optique de réduire le fossé numérique entre les villes et les campagnes, les pouvoirs publics ont décidé en 2007, de doter 40.000 villages de TCP ou de PAN d'ici 2020. A ce jour, 116 TCP et PAN ont été mis en place et fonctionnent effectivement (Voir annexe numéro 1 sur les TCP). Cependant, certains d'entre eux se retrouvent dans des zones non couvertes par le réseau électrique où on se sert du groupe électrogène ou des plaques solaires comme palliatifs. Toutefois, ces mesures ne sont pas pérennes puisqu'une panne peut subvenir à tout moment. Considérant ces paramètres, l'accès aux TIC pour les populations résidant dans les zones enclavées reste fortement réduit. Ceci démontre à suffisance que la fracture numérique demeure entre les villes et les campagnes. Parvenu au terme de cette section, nous pouvons dire que le processus de réduction de la fracture numérique au Cameroun est en cours d'évolution. Seulement, au vu des différentes données statistiques, l'évolution de ce processus n'est pas satisfaisante. |
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