CONCLUSION DU CHAPITRE 2
En définitive, pour réduire le fossé
numérique en Afrique Centrale en général et au Cameroun en
particulier, plusieurs stratégies ont été mises place. Au
niveau sous-régional, les dirigeants ce sont fixés des objectifs
à atteindre dans un horizon très proche (2013). Pour y parvenir,
des structures telles que la COPTAC, l'ARTAC et le centre sous-régional
de maintenance des télécommunications ont été
créées. A l'échelle national, la dynamique reste
sensiblement la même. Les pouvoirs publics ont également
défini des objectifs à réaliser d'ici 2020 pour le
développement du domaine des télécommunications/TIC et de
la résorption du fossé numérique en conséquence.
C'est dans cette logique qu'un cadre règlementaire et institutionnel a
été mis en place et un accent particulier a été
accordé au développement des compétences
numériques, à la modernisation du service public et au
déploiement des télécentres communautaires dans les
campagnes. Toutefois, malgré l'opérationnalisation de ces
multiples stratégies, on constate que la fracture numérique
demeure aussi bien en Afrique Centrale qu'au Cameroun. Il semble donc opportun
d'évaluer l'efficacité de ces stratégies.
65
DEUXIEME PARTIE :
EVALUATION DU PROCESSUS DE REDUCTION
DE LA FRACTURE NUMERIQUE EN AFRIQUE
CENTRALE
66
La première partie de ce travail s'est attardée
d'une part, sur la conceptualisation des termes en rapport avec notre
étude et sur les enjeux de la réduction du fossé
numérique en Afrique Centrale. D'autre part, elle nous a permis de
passer en revue les différentes stratégies mises en place pour
réduire les inégalités liées à la diffusion
des TIC en Afrique Centrale en général et au Cameroun en
particulier. Il sera question dans cette deuxième partie
d'évaluer ces stratégies (chapitre 3), et de proposer des
solutions pour une meilleure réduction de la fracture numérique
(chapitre 4).
67
CHAPITRE 3 : ANALYSE DU PROCESSUS DE
REDUCTION DE LA FRACTURE NUMERIQUE EN AFRIQUE CENTRALE
La politique de réduction du fossé
numérique en Afrique Centrale en général et au Cameroun en
particulier repose sur un ensemble de stratégies. Ces différentes
stratégies ont été passées en revue au chapitre
précédent. Dans ce chapitre, il sera question pour nous
d'évaluer le niveau d'opérationnalisation de toutes ces mesures
afin de déterminer leur efficacité. Pour mener à bien
à notre analyse, nous apprécierons l'évolution du
processus au niveau sous-régional (Section I) et à
l'échelle nationale (Section II).
SECTION I : AU NIVEAU DE L'AFRIQUE CENTRALE
Pour réduire la fracture numérique dans la
sous-région, les Etats ont créé la COPTAC, l'ARTAC, le
centre sous-régional de maintenance des télécommunications
et le projet CAB. Cette section tentera de faire une analyse critique de ces
différents instruments.
1.1 La COPTAC
Les missions de cette institution ont été
identifiées au chapitre précédent. A titre de rappel, la
COPTAC définit les politiques d'orientation et les stratégies
communes dans le domaine des télécommunications en Afrique
Centrale. Elle assure le développement et l'amélioration de la
qualité des services pour une meilleure intégration de celle-ci.
Cet organe définit également les conditions techniques,
économiques et tarifaires d'interconnexion des réseaux...
Toutefois, malgré toutes les prérogatives qui
lui sont dévolues, la COPTAC peine à agir efficacement. L'absence
d'harmonisation des législations nationales dans le domaine
concerné est un exemple évocateur. De plus, il n'existe pas
encore de tarification préférentielle favorisant la
réduction des coûts d'utilisation des services
dérivés tel, les communications électroniques. Ces
dernières demeurent encore très élevées entre les
Etats de la sous-région. Au Cameroun à titre indicatif, il faut
débourser 100 FCFA pour effectuer une minute d'appel vers un autre pays
de cette partie de l'Afrique. Alors que, la même minute de communication
à partir de n'importe quel pays de la sous-région vers un pays
occidental comme la France, l'Angleterre ou les Etats-Unis coûte quatre
fois moins chère (25 FCFA). Un tel état de fait ne saurait
favoriser l'intégration des peuples.
1.2 L'ARTAC
68
Cette association a pour mission principale d'élaborer
et d'harmoniser les réglementations en matière de fourniture et
de tarification des services de télécommunications dans les pays
de la sous-région. De même, elle promeut la création et
l'exploitation dans les Etats d'Afrique centrale des réseaux et des
services de télécommunications efficaces, adéquats et
rentables, susceptibles de répondre aux besoins multiples des clients
tout en étant économiquement durables. Seulement, bien qu'il
existe déjà des organes indépendants de régulation
des télécommunications dans 06 pays159, il n'en
demeure pas moins que les législations des Etas membres dans le secteur
concerné ne sont toujours pas harmonisées.
Cependant, on peut tout de même relever que grâce
à la libéralisation du marché des
télécommunications dans la plupart des Etats de la
sous-région, les coûts d'acquisition des téléphones
mobiles ont considérablement baissé, ramenant ainsi la
télédensité mobile à une évolution
fulgurante dans cette partie du monde comme le démontre le graphique
ci-contre.
Graphique 4 : Evolution de la
télédensité mobile en Afrique Centrale de 2001 à
2011
Source : Commission Economique pour
l'Afrique, Bureau Sous-Régional de l'Afrique Centrale
(CEA/BSR-AC)
160
A la lecture de ce graphique, on peut voir que la
télédensité mobile est en hausse en Afrique Centrale
depuis 2001. Hormis les pays comme le Burundi, la RDC et la RCA dont le taux
oscille entre 20 et 50 lignes téléphoniques mobiles pour 100
habitants, les pays tels que le Gabon et le Congo se distinguent des autres
Etats avec plus de 100 lignes de téléphone par
159 Il s'agit précisément du Cameroun, du Gabon, de
la RCA, du Congo, du Tchad et la RDC.
160 Commission Economique pour l'Afrique, Rapport annuel sur
l'Etat d'avancement des nouvelles technologies de l'information et de la
communication destinées à soutenir le développement en
Afrique Centrale : Etat de la mise en oeuvre des recommandations du Sommet
Mondial sur la Société de l'Information, Libreville, Mars
2013.
69
habitants. Toutefois, malgré cette évolution, les
services de télécommunications en Afrique Centrale restent
inefficaces et manquent de fiabilité.
S'agissant de la téléphonie fixe, son taux de
pénétration demeure très faible. Comme le démontre
le graphique ci-dessous.
Graphique 5 : Evolution de la
télédensité fixe en Afrique Centrale de 2001 à
2003
Source : Commission Economique pour
l'Afrique, Bureau Sous-régional de l'Afrique Centrale (CEA/BSR-
AC)161
Au vu de ce graphique, nous voyons que l'évolution de
la téléphonie fixe en Afrique Centrale demeure très
faible. En dehors de Sao Tomé et Principe qui disposait entre 4 et 5
lignes téléphoniques fixes en 2011, les autres pays de la
sous-région disposaient moins de 3 lignes. Dans l'ensemble, l'Afrique
Centrale possède seulement 1,46 ligne téléphonique pour
100 habitants. Ce faible chiffre démontre à quel point les Etats
de la sous-région accusent encore un grand retard en matière
développement des infrastructures. Un tel état de fait ne
favorise pas la réduction du fossé numérique. Tous ces
arguments démontrent que l'ARTAC ne joue pas encore pleinement son
rôle de régulateur.
1.3 Le centre sous-régional de maintenance des
télécommunications d'Afrique Centrale
A la lecture des prérogatives qui lui sont
dévolues, ce centre devra assurer la réparation des cartes
électroniques complexes des équipements de
télécommunications actuellement envoyés aux fabricants. De
plus, il devra s'occuper du dépannage et de l'étalonnage des
appareils de mesure des entreprises publiques et privées des
161 Commission Economique pour l'Afrique, Rapport annuel sur
l'Etat d'avancement des nouvelles technologies, op.cit.
70
télécommunications, de la radiodiffusion, de la
télévision et éventuellement d'autres utilisateurs
présentement transférés aux fabricants ou aux services
spécialisés.
Cependant, 14 ans après sa création en juillet
2000, l'institution sous-régionale n'est pas fonctionnelle.
L'exiguïté des budgets nationaux des Etats d'Afrique Centrale, le
souverainisme exacerbé des dirigeants, l'instabilité politique
qui règne dans certains pays162 de cette partie de l'Afrique
et le chevauchement institutionnel163 sont autant de facteurs qui
peuvent justifier la grande difficulté pour les Etats à mobiliser
les ressources financières nécessaires pour l'édification
de cet organe supranational.
1.4 Le projet CAB
La création du projet CAB remonte à mai 2007
lors de la rencontre des Chefs d'Etat et de gouvernement de la
CEMAC164. Ce projet vise entre autre, l'augmentation effective de la
connectivité, l'accroissement de l'utilisation des services
régionaux à large bande et la réduction des prix des
services de télécommunications/TIC en Afrique Centrale.
Le projet CAB en cours de réalisation depuis 2009 a
déjà permis de déployer le large bande à fibre
optique dans la plupart des Etats d'Afrique Centrale (voir figure 2). Ce qui
favorise l'amélioration progressive de la
connectivité165 sous-régionale.
162 Il s'agit ici de la RCA et de la RDC
163 Appartenance d'un Etat à plusieurs
Communautés Economiques Régionales. C'est le cas par exemple du
Cameroun qui est à la fois membre de la CEMAC, de la CEEAC, de la
Conférence du Golf de Guinée (CGG), de la Commission du Bassin du
Lac Tchad (CBLT) et de l'UA.
164 Unité de Coordination du projet CAB, Brochure
de présentation du projet CAB, Composante République du
Cameroun, p 3.
165 Selon Isabelle Compiègne dans son ouvrage Les mots
de la société numérique publié à Paris
aux éditions Belin en 2010, la connectivité renvoie à
« la capacité que possède un système de se relier
à d'autres165 ». Elle désigne
également le débit de connexion des appareils tels que
l'ordinateur et le téléphone portable à la technologie
Internet pour des services divers.
71
72
73
Figure 2 : Accès de l'Afrique aux
autoroutes mondiales de l'information par câble sous- marin à
fibre optique
Source : Unité de Coordination du
Projet CAB, Composante Cameroun
En effet, cette figure démontre que les pays d'Afrique
Centrale ont déjà été raccordés à
plusieurs câbles sous-marins à fibre optique au rang desquels nous
citons le SAT3166, SAFE167, WACS168 et le
ACE169. Le WACS et le ACE restent les principaux câbles en
cours de déploiement dans la sous-région. Le câble
WACS170 remplace le SAT3 qui en plus de son coût
onéreux et de ses capacités insuffisantes, est presque
arrivé au terme de sa durée de vie. Cependant, malgré le
déploiement progressif du backbone large bande à fibre optique,
l'objectif fixé par les Etats de la sous-région d'interconnecter
les différentes capitales en 2013 n'est toujours pas atteint. De
même, à cause des coûts élevés de connexion au
haut-débit, le niveau d'utilisation de la technologie internet reste
faible. Le graphique ci-dessous l'illustre clairement.
166 South Atlantic 3
167 South African Far East cable
168 West Africa Cable System
169 Africa Coast to Europe
170 Le projet WACS vise le déploiement d'un câble
sous-marin à fibre optique dans l'océan Atlantique qui va relier
l'Afrique à la Grande Bretagne en passant par certains pays de la
côte ouest africaine. Cette infrastructure dispose d'une capacité
de transmission de 5,2 térabits avec une longueur de 14.000
kilomètres. Le WACS a des points d'atterrissements en Afrique du Sud, en
Namibie, au Togo, au Cameroun, au Congo, au Cap Vert, en Angola, en RDC et en
Côte d'ivoire.
Graphique 6 : Evolution du nombre d'utilisateurs
Internet pour 100 habitants en Afrique Centrale de 2001 à 2011
Source : Commission Economique pour
l'Afrique, Bureau Sous-Régional de l'Afrique Centrale (CEA/BSR-
AC)171
A la lecture, ce graphique démontre qu'il existe
très peu d'utilisateurs internet pour 100 habitants en Afrique Centrale.
En effet, hormis Sao Tome et Principe, l'Angola et le Gabon, tous les autres
pays de cette partie du continent avaient moins de 10 utilisateurs internet
pour 100 habitants en 2011. De plus, le taux de pénétration
sous-régional de la technologie internet pour 100 habitants environnait
seulement 6,38% à la même période.
Au vu de ces différents éléments, nous
pouvons dire que le projet CAB commence à produire des résultats
significatifs. Néanmoins, beaucoup reste à faire afin d'aboutir
à un maillage total de la sous-région en fibre optique et pour
accroître le niveau d'utilisation de l'outil internet.
Rendu au terme de cette section, nous pouvons dire que la
réduction de la fracture numérique est un processus en cours
d'évolution en Afrique Centrale. Toutefois, les Etats de la
sous-région doivent encore relever plusieurs défis afin de
parvenir à une couverture universelle sur l'ensemble de leur territoire.
Il convient également d'évaluer les stratégies mise en
place à l'échelle nationale.
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