SECTION III LES MODES DE REPARATION DU DOMMAGE
La responsabilité civile, une fois les conditions
rappelées sont réunies, donne doit, au moyen d'une action en
justice, à la réparation du dommage. Ce sont les modalités
de la réparation qui forment l'objet des développements suivants,
ce qui revient à envisager successivement les procédés et
l'évaluation de la réparation.
Lorsqu'aucun lien contractuel n'unissait le responsable et la
victime, la préparation sera différente. Deux
procédés peuvent être utilisés par les juges pour
réparer le dommage. La réparation en nature et la
réparation par équivalent :
§1 LA REPARATION EN NATURE
Un auteur a montré avec pertinence qu'il est
souhaitable de distinguer la réparation en nature de la suppression de
la situation illicite55.
1. LA SUPPRESSION DE L'ILLICITE
La règle d'or de la responsabilité civile n'est
pas tant la réparation du préjudice passé ou du
préjudice futur virtuel mais, plus fondamentalement, de mettre un terme
aux actes contraires ou droit, ce qui consiste à supprimer la situation
illicite. Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'une réparation
puisque la mesure n'opère pas sur la matière de préjudice
mais sur sa cause. Elle tend à sauvegarder, pour l'avenir, du droit ou
de l'intérêt voilé en supprimant l'état de fait dont
la perpétuation conduirait à un préjudice. Elle
accompagnera, le plus souvent, une condamnation à dommages et
intérêts.
Ainsi, qui souffre d'un inconvénient anormal de
voisinage sollicitera la réparation de son préjudice et
l'exécution de mesure idoines destinées à mettre un terme
à la situation dommageable. De même, un tribunal ordonnera la
suppression d'un écrit injurieux, diffamatoire ou portant atteint
à la vie privée, d'une enseigne ou d'un nom commercial pris
déloyalement au préjudice d'un concurrent, la radiation d'une
marque nulle déposée avec le seul dessein de nuire à
autrui, la démolition d'un immeuble empiétant abusivement sur le
terrain d'autrui, ou construit en violation du code, suite de
l'urbanisme.56
Toutefois, les mesures connaissent des limites : d'abord,
l'activité dommageable doit être illicite. D'autre part, eu
égard à la séparation des pouvoirs, les tribunaux ne
peuvent pas ordonner une telle suspension si le responsable peut justifier
d'une autorisation administrative régulière. Ils ne peuvent non
plus prescrire de telles mesures à l'Etat.
54 Genevieve Viney, Traité de Droit Civil
les Obligations, la responsabilité : effets, «s.l.n.d».
PP. 195-197
55 Roujou, P. 198 et s., cité par Philippe
le Tourneau, La Responsabilité civile, 3éme Edition,
Dalloz 1982 P. 329 et s.
56 Ibidem
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Avec ces limites, la distinction entre la réparation en
nature et la suppression de la situation illicite n'est pas sans
conséquences. Alors que la réparation en nature est toujours
facultative et laissée à l'appréciation des juges, la
suppression de l'état de chose illicite est obligatoire pour les deux
parties et pour le tribunal. La victime ne peut refuser l'offre de l'auteur du
dommage de mettre fin à la situation illicite, en
préfèrent recevoir une indemnité. « Nul ne peut
être contraint de demeurer dans l'illicite ». C'est du reste une
règle générale de notre droit, qui explique aussi qu'en
nullité d'une convention illicite ou immorale soit toujours recevable,
quelle que soit la personnalité du demandeur (le tournau, la
règle nemo auditur...) la réparation apparait alors comme
subsidiaire par rapport à la suppression : elle n'a de sens que si cette
dernière laisse subsister le préjudice
réalisé.57
En pratique les plaideurs et la jurisprudence ne distinguent
pas nettement la suppression de l'illicite et la réparation en nature.
La suppression de l'illicite est perçu comme une réparation en
nature. Cette confusion permet aux juges de s'octroyer un pouvoir
d'appréciation : alors qu'il devait ordonner la cessation de l'illicite
lorsqu'elle est constatée, ils examinent l'opportunité de la
mesure. Cette attitude est nette en ce qui concerne les inconvénients de
voisinage, « dans le cadre de constructeur de bonne ou de mauvaise foi, en
outre dans le cadre de l'empiétement (confère la loi du 20
juillet 1973 relative, au droit foncier, immobilier...). Pour la notion de la
réparation en nature, nous y revendrons ».
Mesure conservatoire. Il est toujours possible d'obtenir en
réfèrent les mesures conservatoires ou de remise en état
qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire
cesser un trouble manifestement illicite les articles 136, 137, 138 du code de
procédure civil congolais, explicite la notion du mesures conservatoire
en droit congolais. »
§2 LA REPARATION PAR EQUIVALENT
Selon une formule devenu classique en jurisprudence,
l'objectif de la responsabilité civile est « de replacer la victime
dans sa situation où elle serait trouvée si l'acte dommageable ne
s'était pas produit ». Il est évident que la nature des
choses rend le plus souvent illusoire cette « remise en l'était
» à la fois parce que certains dommages sont irréversibles
(qu'on songe au dommage corporel ou au dommage moral) et parce qu'il est
souvent conjectural de savoir avec précision quelle serait la situation
de la victime « si l'acte dommageable ne s'était pas produit
».
C'est un délicat équilibre que doit rechercher
le juge entre deux excès : il doit éviter une réparation
insuffisante qui n'indemniserait pas totalement la victime, mais aussi une
réparation excessive qui lui procurerait un bénéfice.
Selon une autre formule couramment employée « si la
réparation d'un dommage doit être intégrale, elle ne
saurait en tout cas
57 Philippe le Tourneau, op, cit,. P.330
33
excéder le montant du préjudice
»58, la réparation équivalente qui est plus
fréquente, consiste dans le paiement d'une somme d'argent : les
dommages-intérêts ou indemnité
délictuelle59
L'expression « dommages-intérêts »n'est
pas employée dans les articles 258 à 262 ; mais elle se trouve
dans les articles 44 à 53 sous la rubrique « des dommages
intérêts résultant de l'inexécution de l'obligation
»60. Il ne faudrait pas en déduire que la matière
des dommages-intérêts est spéciale au dommage
résultant de la violation d'un contrat et étrangère au
dommage causé en dehors d'un contrat. « Pour le souci de se faire,
nous examinerons tour à tour le dommages-intérêts
compensatoire et moratoire (1), la destination des
dommages-intérêts (2).
1. Dommages-intérêts compensatoires et moratoire
a. Distinction
Une distinction traditionnelle oppose, en matière
contractuelle, les dommages-intérêts compensatoires aux
dommages-intérêts moratoires.
Compensatoire, il indemnise le créancier du
préjudice né de l'inexécution définitive de
l'obligation ; ils répareront le montant du remplacement auquel un
propriétaire de marchandises est obligé de procéder
à un cours plus élevé.
Moratoires, ils sont dus en cas de retard dans
l'exécution du contrat et peuvent se cumuler avec l'exécution du
contrat lui-même ou/et avec les dommages-intérêts
compensatoires. Ils supposent en principe une mise en demeure préalable
si retard affecte l'exécution d'une obligation en nature,
créancier doit prouver le préjudice consécutif à la
demeure (retard imputable): il n'ya pas de présomption de
préjudice du seul fait du retard dans ce domaine ...
La réparation du dommage sera intégrale.
2. Intérêts des dommages-intérêts
Nous ferons la différence, sur ce point de la
créance délictuelle d'une part et créance contractuelle et
légales de l'autre part.
a. Distinction
Créance délictuelle. Dans la mesure où le
jugement de condamnation est constitutif en matière délictuelle,
une créance délictuelle ne produit d'intérêt que du
jour où elle est
58 Alain BENABENT, Droit civil Les
obligations, 4e édition Montchrestien, E.J.A., Paris,
1994. P. 343
59 Idem
60 Décret du 30juillet1888 portant code
civil congolais livre 3, de contrat et les obligations conventionnelles,
n° spécial, J.O., n°spécial 1888 art 44 et
53
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judiciairement constatée : ce n'est qu'à partir
de ce moment que le créancier, titulaire d'une simple dette de valeur
devient titulaire d'une obligation de somme d'argent « mais il sied de
noté que » pour les juridictions pénales les règles
sont différentes puisque, pour la chambre criminelle, la créance
n'est productrice d'intérêts qu'à dater de la fixation
définitive de l'indemnité. Mais la rigueur de cette règle
est atténuée par le fait que les intérêts
alloués par le juge du fond pour la période intermédiaire,
entre le prononcé du jugement et le moment où il devient
définitif, sont nécessairement (et implicitement)
compensatoires.
Créance contractuelle. Au contraire, en présence
d'une obligation contractuelle inexécutée et compensée par
une indemnité, les intérêts courent du jour de la mise en
demeure ou de l'assignation, même si l'existence ou le montant de la
dette était litigieux.
Créances légales. Aux créances
contractuelles, on assimilera les créances légales, telles celles
des caisses de sécurité sociale qui agissent en remboursement
contre le tiers responsable. La créance de la sécurité
sociale est une créance déterminée (par application du
c. du sec. Soc) : le jugement est déclaratif.
D'où cette créance est productrice d'intérêts du
jour de la demande ;
b. Critiques et propositions
Un auteur à relever que l'opposition entre les deux
ordres de responsabilité n'était ni rationnelle, ni conforme aux
textes, ni cohérente. Deux critères permettent de décider
si les intérêts moratoires courent :
1. La dette ne doit pas être susceptible de
réévaluation judiciaire, ce qui est le cas d'une dette ayant pour
objet une somme d'argent.
2. Le juge ne doit pas avoir à intervenir pour en
constater l'existence ou le montant.
Lorsque le juge liquide la créance en se
plaçant à la date du jugement, les intérêts
moratoires n'ont pas lieu de remonter. Lorsqu'au contraire, la créance
est liquidée par référence à une date
antérieure (ex : date fixée par le contrat), ils remontent
à la mise en demeure qui a suivi cette date. Sur le moment de
l'évaluation du préjudice. En cas de condamnation, le taux de
l'intérêt légal est majoré de cinq points à
l'expiration d'un délai de deux mois, à compter du jour où
la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par
provision. Cette majoration s'applique aussi bien en matière
délictuelle que contractuelle.
3. Rente ou capitale
Les dommages-intérêts peuvent consister en un
capital tant en matière contractuelle que délictuelle. C'est le
mode normal de réparation lors de dommages causés aux biens.
Pendant longtemps, le versement d'un capital à la victime était
aussi la réparation habituelle pour les dommages causés aux
personnes, surtout lorsque « la situation » était «
consolidée » et même lorsque la situation n'était pas
telle. Aujourd'hui, « sans rien affirmer » cette méthode tend
à être supplantée, à raison de la
dépréciation monétaire et de la difficulté pour
la
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victime de gérer sa « fortune », par
l'attribution d'une rente, c'est-à-dire des prestations
périodiques. Ce mode de réparation est particulièrement
approprié aux préjudices continus.
2. Destination des dommages-intérêts 1° libre
disposition par la victime
L'indemnisation entre dans le patrimoine de la victime qui
peut en faire ce que bon lui semble, la conserver dans un bas de laine ou un
coffre fort, la « placer », la donner à une oeuvre ou la
dilapider en folles fêtes selon son bon plaisir.
La victime a droit à l'indemnisation intégrale,
y compris la T.V.A., même si elle décide de ne pas procéder
aux travaux de restauration ou de reconstruction du bien endommagé.
Mieux, elle peut détruire le bien endommagé après avoir
reçu une indemnité destinée à la restaurer, ou le
vente en l'état. Ce qui compte, en définitive, c'est que la
victime ait la possibilité de réparer si elle en a envie. Par
exception, si la victime est mineure, le tribunal peut préciser, proprio
mutu, comment la somme allouée sera employée jusqu'à la
majorité de son bénéficiaire.
Sauf circonstances particulières (inaptitude
caractérisée), il est préférable et
«naturel» de confier à l'Administration légale des
parents sous contrôle du juge des tutelles, la gestion d'une
indemnité allouée à un incapable majeur plutôt que
d'en charger un organisme impersonnel qui n'apporterait aucune chaleur humaine
à cette tâche.
2° droits des tiers Les créanciers
Les indemnités de responsabilité tombent-elles
dans le patrimoine de la victime sans restriction pour devenir, suivant la
formule générale de l'art 245, le gage commun des ses
créanciers cela revient à se demander d'une part s'ils peuvent
les saisir, et d'autre part, quels sont leurs droits lorsque le débiteur
fait l'objet d'une « procédure collective » ? Cette question
est donc très différente de celle qui consiste à savoir si
les créanciers de la victime, agissant par l'action oblique, peuvent
exercer l'action en responsabilité.61
61 Philippe le Tourneau, op, cit,. P. 332-337
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CHAPITRE II QUID DE LA REPARATION DU DOMMAGE MORAL
(DANS LA LOI ET DANS LA JURISPRUDENCE)
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