V.4 Appréciation du mode
de facturation des actes
Cette dernière section décrit
les résultats en rapport avec la perception qu'ont les pensionnaires du
CHB se font de la manière dont sont établies les factures.
Il est en effet reconnu que dans un contexte de
vulnérabilité économique, le type de financement du
système de santé par paiement direct des soins de santé
par les usagers peut contribuer à limiter l'accessibilité,
comme le reconnaissent les chercheurs du Centre de recherche de
l'Université de Montréal.
Les enquêtés soutiennent à 96,9%, comme
le montre le tableau n° 31, que les ordonnances qui leur sont prescrites
sont servies au sein même du CHB, pendant que 3,1% disent qu'elles le
sont aussi bien à l'hôpital qu'en dehors de ce dernier. Les
insatisfaits (34,4%) font partie de ceux dont les ordonnances sont servies au
sein de l'hôpital. La probabilité observée étant de
0,584>0,05, il n'y a aucune association entre le degré de
satisfaction des usagers et le fait que les ordonnances soient servies au sein
de l'hôpital. Il ne suffit donc pas que les médicaments soient
obtenus au sein de l'hôpital pour que les bénéficiaires
soient satisfaits des prestations. En effet, il faut, beaucoup plus encore,
qu'ils soient efficaces et facilitent le recouvrement de la santé.
Notons que l'étude faite dans l'aire de santé
Keshero avait montré que pour ce qui est de la relation probable entre
le lieu d'obtention des médicaments et la fréquentation des
structures de santé, 79,2% disent se procurer de médicaments au
poste de santé, au centre de santé et au sein de centres
hospitaliers. Il convient d'ajouter que les habitants de l'aire de santé
Keshero, comme l'avait trouvé Borive Malosi, optent pour une structure
de santé ou une autre en raison de leur revenu mensuel.
Pour ce qui est de l'étude faite au Burkina-Fasso par
l'Institut national de la statistique et de la démographie, les
utilisateurs s'approvisionnaient en produits pharmaceutiques de diverses
manières. Dans l'ensemble, 72,4% avaient eu leurs produits au
dépôt de la structure sanitaire et environ 25% les avaient eu en
pharmacie. D'autres s'approvisionnaient auprès des commerçants
ambulants. Ce qui n'est pas le cas pour les usagers du CH Bethesda.
Les participants à l'enquête apprécient
à 82,8% la facturation du CHB pas du tout abordable ; seuls 17,2%
l'estime abordable. Malgré cela, parmi ceux qui la trouvent non
abordable il y a 29,7% qui quand même sont un peu satisfaits des
prestations. La probabilité observée étant de
0,031<0,05, il résulte que le degré de satisfaction
dépend de l'appréciation qu'un usager a de la facturation telle
qu'établie (cfr tableau n° 32). Compte tenu non
seulement de la crise économique, mais aussi de la faiblesse du revenu
des ménages, il est normal que le coût des soins soit
estimé non abordable à bon nombre d'usagers du CHB.
A comparer ce qui précède avec les
résultats qui avaient été trouvés par Borive
à Keshero, les habitants de Keshero avaient à 55,4% un revenu
mensuel inférieur à 50$ ; 18,1% avaient un revenu mensuel de
50 à 100$, pendant que seuls 16,7% avaient 101 à 200$. Tout en
tenant compte d'autres devoirs auxquels répondre, il est bien clair
qu'avec un tel revenu, on ne saurait pas être en mesure de bien honorer
les factures des soins de santé. Ce qui, automatiquement, fait aussi que
les usagers du CH Bethesda ne soient en majorité pas satisfaits du mode
de facturation des actes.
Dans ce même ordre d'idée, de l'étude
faite à Rubavu par Fabien Nkinamubanzi avait résulté qu'au
sujet des facteurs socio-économiques, seul le coût de transport
avait été significatif pour expliquer l'utilisation tardif des
services curatifs intégré (p<0,05). Ce qui signifiait que le
transport influençait de façon significative le problème
d'accès aux services de santé. C'est certainement pour cette
même raison que les usagers du CHB trouvent aussi le coût des soins
non abordable.
Bien plus, dans le cadre des mutuelles de santé,
l'Université de Montréal avait prouvé que le faible
pouvoir d'achat des ménages serait un des principaux obstacles
à l'adhésion. Pratiquement, les familles pauvres ou de
grande taille, les handicapés, les aveugles et les gens
souffrant de maladies chroniques seraient particulièrement à
risque de faire face à cet obstacle. Il y a donc une association
positive entre l'adhésion et le statut socio-économique.
Cette réalité correspond bien à celle des pensionnaires du
CHB.
Du tableau n° 33 ressort que 82,8%
d'enquêtés se sont réservés de donner leur
point de vue quant à savoir si la facturation du CHB se fait de
façon proportionnelle, tandis que 17,2% soutiennent qu'elle l'est ;
29,7% de ceux qui ne se sont pas prononcés sont cependant un peu
satisfaits ; 21,9% d'entre-eux ne sont pas du tout satisfaits, et 20,3%
sont satisfaits. Comme le test statistique fait ressortir une
probabilité observée de 0,031<0,05, il y a lieu de dire que le
degré de satisfaction des usagers du CHB est significativement
influencé par l'estimation de la proportionnalité de la
facturation au sein de cette formation sanitaire. La réticence des
enquêtés à répondre à cette question se
justifierait non seulement par le problème financier
évoqué précédemment, mais aussi par le fait qu'ils
ont difficile à savoir combien vaudrait la santé, en principe,
étant donné sa valeur inestimable. De l'étude faite dans
la ZS de Karisimbi par Bauma Tulinabo ressortit que 59,2% de répondants
avaient estimé que le coût des soins était
élevé. Dans le même ordre d'idée, l'étude
faite à Kadutu par Mushagalusa Salongo avait prouvé que les
raisons financières constituaient le principal motif de renoncement aux
soins de santé.
Dans cette même perspective en effet, l'OMS souligne
que des millions de pauvres se voient obligés de payer tous les services
qu'ils reçoivent au moment où ils sont malades. Elle ajoute que
l'entrée en vigueur de la rémunération à l'acte
crée des tensions entre les achats de services conformes à la
politique et prépayés et ceux qu'effectuent les consommateurs
selon les lois du marché. Ce qui ne peut que les vulnérabiliser
davantage.
Les résultats que présente le tableau n°
34 prouvent que 51,6% d'enquêtés disent s'être
acquitté de la caution, alors que 48,4% affirment que cela ne leur avait
pas été exigé. Etant donné que du test statistique
résulte une probabilité égale à 0,388>0,05, nous
soutenons que le degré de satisfaction des usagers du CHB n'a aucun lien
avec le fait qu'une caution leur ait été exigée. Ce qui
reviendrait à dire qu'en réalité, le fait d'avoir
exigé la caution au patient n'entraîne aucune différence
dans le traitement. Il n'y a donc pas de différence significative entre
le traitement ou la satisfaction des patients à qui il a
été exigé la caution, et ceux pour qui ce n'est pas le
cas.
Les enquêtés à qui il a
été exigé de payer la caution, comme le montre le tableau
35, jugent à 66,7% cette pratique moins humaine, tandis que 33,3%
l'estiment normale. Etant donné que la probabilité
observée est de 0,004<0,05, nous déduisons que le degré
de satisfaction des usagers du CHB dépend significativement de
l'appréciation qu'ils ont de l'exigence de la caution. La
différence de satisfaction est donc très significative entre les
usagers selon qu'ils trouvent l'exigence de la caution moins humaine ou
normale. Les informateurs clés, reconnaissent que la plupart des
patients trouvent que la facturation n'est pas à leur hauteur.
Contrairement à nos résultats, au sujet du
coût des soins, les résultats de l'étude faite par Didier
Gobbers a révélé que près de 2 personnes sur 5
estimaient que le coût est élevé. Par contre, près
de 60 % pensaient qu'il restait acceptable. Pour ce qui concerne la
capacité à honorer le coût de la prestation, on remarqua
que la quasi-totalité des enquêtés avaient pu s'acquitter
du coût (99,4%). En effet, la différence de contextes
financières explique aussi cet écart.
Comme le stipulait la dernière hypothèse, la
plupart d'usagers du CHB estiment que la facturation n'est pas abordable ;
plus de la moitié jugent la pratique de la caution, moins humaine. Cette
hypothèse est acceptée, c'est-à-dire infirmée quant
à ce qui est de l'influence de l'approvisionnement en médicaments
et le payement de la caution. Elle est rejetée, c'est-à-dire
confirmée quant à ce qui est de l'association entre la
satisfaction des usagers avec la facturation et le payement de la caution.
|