Section 4 : L'environnement avant et après la
révolution tunisienne
Quatre ans après la révolution tunisienne,
l'économie tourne désormais au ralenti. La révolution a
aggravé la situation par l'instabilité politique, les conflits
sociaux et la crise économique. En effet, dans cette section, on va
mettre l'accent sur ces aspects ainsi que les principaux changements qu'a
vécu la Tunisie avant et après la révolution.
4.1) Déclenchement de la révolution
tunisienne
En 17 décembre 2010, la révolution tunisienne a
commencé à Sidi Bouzid, la région où un jeune
vendeur de légumes appelé Mouhamed Bouazizi s'est immolé
par le feu. Cet événement était le point de
déclenchement de la perturbation politique dans tous les gouvernorats de
la Tunisie puis, elle s'est propagée dans des pays voisins tels que la
Libye et l'Egypte et le Moyen Orient, Le Yémen et La Syrie.
En effet, la dictature des présidents arabes, le taux
de corruption élevé et l'augmentation du taux de chômage,
de l'injustice sociale, du non respect du droit de l'homme et de la
liberté d'expression, ont été les causes majeures des
révolutions arabes.
4.2) Analyse de l'environnement tunisien
Dans ce qui suit, on va mettre l'accent sur l'environnement
politique, économique et social avant et après la
révolution.
4.2.1) Analyse pré-révolution
L'analyse rétrospective a pour but de comprendre
l'évolution de la situation politique, économique et sociale de
la Tunisie durant les deux dernières décennies.
4-2-1-1) Situation politique
L'arrivé de Ben Ali au pouvoir en 1987 a
été imposée aux peuples tunisiens après, un coup
d'Etat contre son ex président Hbib Bourguiba. Il a promis les citoyens
tunisiens d'une vie démocratique et une ouverture à tous les
partis politiques sans exception. Cependant, le paysage politique s'est
caractérisé par un contrôle total par le régime.
Autrement dit, la traque des islamistes et l'offensive sur la ligue nationale
des droits de l'homme.
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En effet, le RCD a totalisé 80% des
députés à l'assemblée nationale et a compté
plus de deux millions d'adhérents dans un pays de 7 millions en
âge de vote. Le RCD a surveillé toutes les élections
possibles ; municipales, législatives, présidentielles... Durant
cette période, Ben Ali a maitrisé, a traqué et a
réprimé tous les parties d'opposition. Ainsi, les principaux
partis n'ont pas dépassé trois dans l'assemblée nationale
tel que; mouvement Ettajdid, (avec 3 députés), le forum
démocratique pour le travail et les libertés et le parti
démocrate progressive (aucun représentant à
l'assemblé). Dans ce cadre, plusieurs forces politiques ont
été exclues comme le mouvement Ennahda et le parti ouvrier
communiste tunisien (POCT).
4-2-1-2) Situation économique
La mauvaise scène politique n'implique pas une
situation économique catastrophique. Durant les dix dernières
années, la Tunisie a vécu des mutations économiques
favorables. Selon la banque mondiale en 2008, la Tunisie a
réalisé de bonnes performances sur le plan économique avec
un taux de croissance moyen de 5.1%. Elle a également comme une grande
résilience aux chocs endogènes, grâce à la mise en
oeuvre, de reformes structurelles et une gestion macro-économique
prudente. Au début des années 1990, la Tunisie a
accéléré les reformes structurelles dans le but de
l'ouverture du pays vers l'économie de marché par plusieurs
mécanismes tels que l'ajustement structurel en 1968 et la signature d'un
accord de libre échange avec l'union européenne.
Figure 2: Evolution du PIB tunisien
Source : la banque mondiale (2013)
La plupart des institutions économiques et
monétaires internationales ont mis l'accent sur la performance de
l'économie tunisienne. Ces institutions considèrent la Tunisie
comme un pays
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émergent. D'après le ministère de
l'industrie en Mai 2013, La Tunisie est le premier pays sud
méditerranéens en termes de compétitivité (WED
2010,2011)3. La Tunisie est également le plus grand
exportateur vers l'union européenne. Les exportations industrielles ont
augmenté de 4,5 milliard de dinars en 1995 à 18.7 milliards de
dinars en 2009. En outre, le nombre des entreprises équipées de
XAO4 a passé de 50 en 1995 à 2000 en 2009. Dans les
différents rapports du FMI concernant la Tunisie, on remarque une bonne
gestion de l'économieet une pertinence des réformes structurelles
et une résistance contre les chocs et les crises à
l'échelle internationale. En effet, la banque mondiale et le FMI ont
privilégié la Tunisie en matière de politique
économique efficace avec un PIB réel par habitant qui a
augmenté de 45 % entre 1997 et 2007, une forte croissance
économique passant de 5.5 % en 2006 à 6.3% en 2007 et 5.8 en
2008, un taux d'inflation autour de 3.1% en 2007 et un déficit
budgétaire maintenu dans la limite de 3% du PIB.
Figure 3: Stades d'évolution
économique
Source : Forum économique mondial (WEF), (2010)
4-2-1-3) Situation sociale
Selon la banque mondiale et la banque islamique de
développement en 2005 ont montré que l'évolution des
différents indicateurs sociaux indique que la Tunisie a
réalisé de nombreux
3Forum Economique de Davos (WEF) , Etude de La
Compétitivité du Monde Arabe (2010)
4XAO est un sigle désignant l'ensemble des tâches
assistées par ordinateur (d'où le sigle XAO), en particulier dans
les processus de conception et de fabrication industriels.
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progrès en matière de développement humain
durant les 20 dernières années. Les indicateurs sociaux sont
positifs par rapport à la moyenne du pays du Moyen Orient et de
l'Afrique du nord. En effet, les acquis sociaux ont continué à
s'améliorer. les indicateurs sous-jacents à l'éducation,
l'enseignement supérieur, la formation professionnelle et la
santé et les conditions de vie d'une manière
générale, ont contribué à afficher un indice de
développement humain de 0.78 en 2009, à augmenter
l'espérance de vie à la naissance à 74.4 ans et à
enregistrer un taux de scolarisation de la tranche d'âge 6-14 ans
à 95%, également à 95 % le taux de couverture social.
Figure 4: Produit intérieur brut par habitant (en
dollars internationaux) 1980-2009
Source : Forum économique mondial
(2010)
Ces caractéristiques ont donné à la
Tunisie une position avantageuse auprès des institutions
économique, monétaire et financières internationales et
ont permis d'améliorer son classement par les organisations
internationales en matière de compétitivité. Ainsi, la
Tunisie a occupé la première place en Afrique et le
quatrième rang à l'échelle arabe selon le rapport sur la
compétitivité global du forum "Davos"en 2010. La Tunisie a
devancé les pays arabes sur le plan du niveau de vie selon le classement
annuel de l'observatoire de la qualité de vie dans le monde en 2010 qui
englobe 194 pays.
En revanche, le chômage s'est propagé et a
augmenté au fil temps. En effet, ce phénomène
nécessite une politique optimale puisqu'il est classé parmi les
causes majeures de la révolution. En effet, La Tunisie n'a pas mis une
stratégie efficace afin de le réduire. Selon Le rapport de la
Banque Mondiale (2008), les causes majeures évoquées par le
gouvernement tunisien pour expliquer ce phénomène sont la
pression démographique et la rigidité du marché de
travail.
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Figure 5: Evolution du taux de chômage en Tunisie
sur la période 2006-2013
Source :Institut national des statistiques
(2013)
D'après ce graphique, on constate que le taux de
chômage depuis 2005 reste régulièrement constant autour de
13% et 14% avec une faible augmentation jusqu'à la fin de 2010. Ceci,
reflète les stratégies inefficaces de l'Etat tunisien pour la
création des postes d'emplois. Durant 5 ans (de 2005 à 2010), le
taux de chômage n'a enregistré aucune diminution. Au contraire, il
a augmenté. Depuis la révolution, le chômage a
augmenté d'une façon exponentielle et il a atteint presque le
taux de 20%.
4.2.2) Analyse post- révolution
L'analyse post-révolution a pour but de
déterminer les changements environnementaux en décrivant les
trois situations politique, économique et sociale du pays pendant cette
période.
4-2-2-1) Situation politique
La révolution du 14 janvier 2011 a provoqué un
vrai "tsunami" dans le pays qui a généré notamment
l'ouverture de la scène politique aux différents acteurs
longtemps écarté d'exercer une activité en toute
liberté. Durant quatre ans de la révolution, la Tunisie a
vécu beaucoup d'événements politiques tels que les
élections du 23 octobre 2011 qui a pour principale tâche la
réalisation d'une nouvelle constituante. On a eu cinq chefs de
gouvernements en quatre ans et on a assisté aux assassinats de Chokri
belaid, Mouhamed Lebrahmi et de plusieurs agents de police. On peut qualifier
le climat politique d'instable et la vision de floue. Mais, cette situation est
globalement compréhensible pour un pays qui vient de sortir de plusieurs
décennies de dictature. En effet, on a assisté aux
élections législatives au 26/10/2014 et
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présidentielle au 21/12/2014. Par ailleurs beaucoup de
défis restent à affronter comme le terrorisme, la création
des postes d'emplois...
4-2-2-2) Situation économique
L'économie tunisienne s'est fortement affectée
par les différentes mutations à l'échelle internationale
telles que la crise financière 2008 et la récession de la zone
euro. Selon l'INS (2012), ces épreuves ont démontré la
limite du modèle économique installé par la Tunisie
malgré quelque performance réalisées qui ont permis de
maitriser le déficit budgétaire à moins de 3% du PIB.
Figure 6: Croissance du PIB en rythme annuel
Source : Institut national de la statistique
Selon la figure (6), l'impact immédiat sur
l'économie nationale a été sévère et
douloureux. Les dégâts et les dommages ont été
estimés à 4% du PIB. En plus, l'augmentation de
l'insécurité, les tensions sociales, les chutes de recettes
générées par le secteur touristique et la guerre en Libye,
ont entrainé implicitement des effets sur les entreprises tunisiennes
opérantes sur le marché libyen d'une côtéet des
effets sur les travailleurs tunisiens en Libye qui ont choisi de retourner en
Tunisie d'une autre côté. Selon observatoire tunisien de la
transition démocratique (2012), Tous ces éléments ont
affecté négativement l'activité économique du pays
et les sanctions étaient immédiates et sévères
durant l'année 2011-2012. D'où, les effets négatifs se
concrétisentpar la baisse de la croissance du PIB, la baisse de la
production industrielle de 6%, et la diminution de la création des
entreprises et de l'investissement direct étranger respectivement
à 8.42% et 26.3%.
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4-2-2-3) Situation sociale
La révolution a entrainé un écroulement
de l'image de l'autorité et la fragilisation de l'Etat et des
institutions. Socialement, on remarque une explosion des revendications
sociales et salariales qui résultent de plusieurs décennies de
sentiment d'injustice et de marginalisation. Ce phénomène a
perturbé tous les secteurs l'industrie, la santé, les services...
En effet, ces revendications ont aggravé la situation économique
et financière.
Selon l'UTICA (2013), 515 entreprises ont été
victimes d'émeutes, de pillage et d'actes de vandalisme dans tous les
secteurs d'activité suite aux événements sous-jacents
à la révolution. Dans le même contexte, Selon le
ministère de l'industrie (2013), les entreprises industrielles
endommagées sont égale à 256 unités, la valeur des
dégâts est de 173 MD, ce qui a engendré une perte de 10500
postes d'emplois.
En outre, Ce climat de tension a produit la dégradation
de l'environnement d'affaire en Tunisie et par la suite, la perturbation de
l'activité économique (approvisionnement en matière
première, production, livraison...). Par conséquent, il y a eu la
fermeture définitive de plusieurs entreprises ainsi que la
délocalisation de leurs unités en dehors de la Tunisie.
Dans ce sens, la FIPA5a estimé le nombre des
entreprises à participation étrangère qui ont
quitté la Tunisie à 82 unités dans le secteur industriel
et également la perte de 5900 emplois directs.
Par ailleurs, l'inégalité entre les
régions et l'injustice sociale sont au centre des revendications des
tunisiens lors de la révolution (Banque d'Afrique de
développement, 2011). L'ancien régime a adopté une
politique discriminatoire. En effet, il a divisé la Tunisie en deux
catégories. Géographiquement, les zones côtières
sont mieux loties en matière d'infrastructure et de service (les
régions côtières ont bénéficié de 65%
des investissements publics durant la dernière décennie). Tandis
que, l'intérieur du pays se caractérise par une mauvaise
qualité de l'infrastructure, l'insuffisance des services publics et
également d'une moins bonne qualité de vie.
5Agence de Promotion de l'Investissement
Extérieur
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