Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal( Télécharger le fichier original )par Romaric TIOGO Université de Dschang - Master II 0000 |
2- L'implication de la diaspora africaine dans le processusSelon Molefi ASANTE, la diaspora africaine s'entend comme « une dispersion d'Africains hors de leurs foyers traditionnels et composée de millions de personnes et de nombreuses nations »290(*). C'est lors du sommet de Maputo en 2003 que le Sénégal émit l'idée d'une double diaspora africaine291(*). A cette occasion, le président WADE s'était offusqué de constater que l'Acte constitutif avait omis cette partie du peuple noir qui avait posé les fondements du mouvement panafricaniste. Faisant allusion au panafricanisme, Me WADE le définit comme « une aspiration des Noirs d'Afrique et de la diaspora qui s'identifient culturellement par leur appartenance à la civilisation négro-africaine, puisant sa force dans la résistance pluriséculaire des nègres à l'esclavage et à la colonisation, cette aspiration se projette dans une unité politique du continent sous la forme des Etats-Unis d'Afrique »292(*) . Cette définition complète celle de NKRUMAH qui considérait le panafricanisme comme « l'expression des descendants des peuples africains »293(*). Convaincu que la diaspora noire peut jouer un rôle dans la construction de l'Union et le développement de l'Afrique en général, le Sénégal a proposé et obtenu sa consécration comme 6ème région de l'UA294(*). Depuis lors, on a pu constater une certaine symbiose structurante entre ces deux peuples conjugués par l'histoire commune (esclavage, colonialisme et liens culturels forts avec certains pays comme le Brésil, Haïti et même jusqu'aux Etats-Unis). S'agissant de la diaspora africaine des Etats-Unis, en 2008, elle a contribué par un discours dénonciateur à défendre le continent africain alors que le Président américain Georges W. BUSH s'attelait à y imposer l'Africom (l'African command) ou (Centre de commande américain pour l'Afrique) après les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. Regroupés au sein de leur association, « la Conférence Nationale des Avocats Noirs », ils ont adopté une clause invalidant cette initiative du Président Bush qui avait décidé de créer unilatéralement une force militaire pour l'Afrique sans en informer les Africains295(*). Pour ces Africains-américains, l'Africom n'est rien d'autre qu' « une menace pour l'indépendance, la souveraineté et la stabilité du continent africain » 296(*). Ils trouvèrent par ailleurs que l'objectif inavoué de cette force était d'exploiter les ressources naturelles du continent au détriment de ses peuples297(*). Aucun pays de l'Union n'ayant accepté d'accueillir l'Africom, ses bases ont été établies à Stuttgart (Allemagne). Comme un retour d'ascenseur, l'Etat sénégalais a fait inscrire à l'ordre du jour de la Conférence des chefs d'Etat d'Addis-Abeba en 2010, une proposition en vue d'amener les chefs d'Etat africains à aider Haïti, suite au tremblement de terre qui a violemment secoué la première République noire. Aussi, par la voix de Me WADE, le pays de la « Teranga » avait par la même occasion demandé aux Haïtiens qui le désiraient de rentrer en Afrique, leur terre ancestrale. A la suite de cet appel, 163 étudiants d'Haïti ont été reçus au Sénégal où ils sont scolarisés. C'est donc dire qu'il existe une certaine « interconnexion »298(*) entre la diaspora africaine et le continent, les deux se constituant mutuellement. Toutefois, force est de relever que, si la relation entre l'UA et sa diaspora veut être réaliste, elle devra davantage intégrer d'autres faits concrets, notamment ceux concernant le développement. Quand on sait que l'Afrique est le continent le plus en retard au monde en matière d'acquisition des connaissances technologiques, il paraît impérieux que cette diaspora, et surtout celle des Etats-Unis d'Amérique, puisse lui être utile. Car, en se mettant à leur école, les Africains apprendraient à « lier le bois au bois » tel que le conseillait le Directeur d'école de Samba Diallo aux Diallobé dans L'aventure ambiguë de Cheikh HAMIDOU KANE. La contribution de haute facture intellectuelle dans la réflexion ainsi que dans les orientations sages et pertinentes déclinées dans ses différentes interventions qui permettent de structurer l'UA n'en restent pas uniquement aux actions ainsi examinées. Le temps passant, rien n'étant concrètement fait pour l'Union voulue, le Sénégal a adopté une stratégie médiane en vue de sa réalisation. * 290 Voir le RAPT/RPT/CAID (I), op. cit., p. 21. * 291 Le concept de « double diaspora africaine » désigne à la fois les peuples noirs qui vivent hors du continent africain depuis des siècles du fait de la traite négrière, et les Africains qui ont volontairement quitté le continent pour des raisons d'ordre socio-économiques et politique. * 292 WADE (A.), Un destin pour l'Afrique...op. cit., p. 75. * 293 KWAME Nkrumah, Revolutionary path, Ed. Panaf, 1973, p. 421. * 294La question de la reconnaissance de la diaspora comme étant la 6ème région de l'UA fit l'objet des débats pour la première fois lors de la première conférence des intellectuels africains et de la diaspora africaine à Dakar où le principe de sa consécration fut acquis, avant d'être confirmé par la suite par l'UA. A l'issue de la Réunion d'experts sur la définition de la diaspora africaine qui s'est tenue les 11 et 12 avril 2005 à Addis-Abeba, l'Union africaine définit la Diaspora Africaine comme suit :"La Diaspora Africaine se compose des peuples d'origine africaine vivant en dehors du continent, indépendamment de leur nationalité et de leur citoyenneté et qui sont disposés à contribuer au développement du continent et à la construction de l'Union africaine." * 295 Voir aussi SOUDAN François, « Au secours ! Les Américains débarquent... », dans Jeune Afrique N° 2438, du 30 septembre au 6 octobre 2007. * 296 Voir la clause en annexe: Africom threatens the sovereignty, independence and stability of the African continent. A position paper of the National Conference of Black Lawyers. * 297 Ibid. * 298 BARNES Andrew, «Africans and African Americans : Some historical connections», dans southern interdisciplinary roundtable on African studies (SIRAS) and conference proceedings, Kentucky state university , division of Behavioral and social sciences, Frankfort, April A2-14- 2007, p. 35. |
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