5.4.2 Organisations
villageoises
Un autre facteur d'intégration sociale des
blanchisseurs ce sont les différentes associations villageoises. C'est
une forme d'organisation regroupant des blanchisseurs ressortissant du
même village. L'étude a montré que 92,5% des personnes
interrogées sont membres de ces structures. Elles se réunissent
chaque vendredi pour 20,8 % des répondants et chaque mois pour 79,2%
des personnes interrogées. Ces organisations ont plusieurs objectifs.
Elles servent à maintenir la cohésion sociale, la
solidarité et l'intégration professionnelle des membres du
groupe.
5.4.2.1 L'intégration sociale et professionnelle
Le rôle le plus important des structures de
blanchisseurs maliens à Niamey est l'intégration sociale et
professionnelle de ses membres. En effet, elles constituent des cadres
privilégiés à travers lesquels les blanchisseurs discutent
de leur quotidien. Ainsi, si un blanchisseur projette de rentrer au pays c'est
lors des rencontres de la structure qu'il exprime son besoin d'une personne qui
va travailler dans son local pendant son absence. C'est alors au cadre de voir
parmi les membres du groupe lequel est au chômage pour occuper la
chambre. Il arrive aussi qu'un blanchisseur devant l'importance
numérique de sa clientèle se trouve dans l'incapacité de
faire le travail seul. Dans ce cas, c'est au cadre qu'il s'adresse pour avoir
une personne de son village qui est sur place à Niamey pour l'assister.
Mais, il arrive des cas où ces assistants sont des Nigériens en
majorité des ressortissants du Kourfay ou du Zarmaganda Les jeunes
migrants à leur première arrivée à Niamey passent
par les structures de leur village pour trouver du travail. Les structures des
blanchisseurs sont des cadres idéales d' entraide pour la recherche d'
un logement pour un nouveau local de blanchisseur et le placement des jeunes
venus du village auprès des anciens afin de pouvoir apprendre le
métier.
Photo 5.10 : structure de blanchisseurs
Photo 5.11: structure de blanchisseurs
Source: Ayouba Tinni Bachirou, 2015 Source:
Ayouba Tinni Bachirou, 2015
5.4.2.2 Les associations de blanchisseurs : cadres de
solidarité entre deux espaces géographiques
Les structures villageoises de blanchisseurs sont aussi
à travers des initiatives qu'elles développent des cadres de
solidarité entre les membres du groupe et le village d'origine. A
l'image des associations des Mexicains aux Etats Unies(LE TEXIER, 2008)
« Les associations, Clubs ou comités de village au nombre de
200 à 220 en Californie se sont formés afin de soutenir les
communautés d'origine par des projets de développement local. A
Los Angeles, ces clubs seraient au nombre de 170 pour 12
fédérations. Les réseaux établis ont tendance
à générer de la solidarité dans le pays d'accueil
entre immigrés confrontés à la même situation, et
envers les proches restés au pays ».En effet, 81% des
répondants affirment qu'ils font des cotisations chaque rencontre. Les
montants des cotisations varient de 500 à 2000 francs CFA mensuels en
fonction de la périodicité des rencontres. L'argent
cotisé sert à l'achat du déjeuner, du thé, de la
glace lors de la rencontre. En un mot, l'argent cotisé sert à
assurer la restauration des membres du groupe.
Le reste de la somme cotisée est versé dans ce
que nous appelons la mutuelle de solidarité ou l'assurance
blanchisseur. Ces deux qualifications résument le rôle que
joue cette caisse. En effet, le premier rôle de la
« mutuelle » est de prendre en charge les dommages
éventuels qu'un blanchisseur peut causer à un client. En effet,
lors des repassages un blanchisseur peut endommager l'habit d'un client ou
perdre l'habit. Si le client exige d'être remboursé le
blanchisseur saisi la structure de son village pour l'assister à payer
le dommage. Après vérification de la véracité des
faits la structure prélève dans la mutuelle la moitié de
l'argent nécessaire pour dédommager le client et le remet au
blanchisseur concerné. L'assurance de la mutuelle ne couvre que 50% des
dommages et c'est un don non remboursable.
`'La mutuelle'' constitue également
« l'assurance maladie » des blanchisseurs. En effet, en
fonction de la maladie et de sa gravité les blanchisseurs d'une
structure villageoise peuvent bénéficier de l'assistance
financière de la mutuelle pour se soigner. En cas de
décès c'est la `'mutuelle'' qui prend en charge les
funérailles.
`'La mutuelle'' prête de l'argent aux blanchisseurs
venus du pays pour démarrer leurs activités. Ce type de
prêt est remboursable et le bénéficiaire est tenu de se
conformer au délai.
Les blanchisseurs prélèvent aussi de l'argent
dans la mutuelle pour envoyer au village « Ces formes
organisées de solidarité vont de l'envoi du matériel
scolaire ou de maillots pour l'équipe local de football, au financement
d'infrastructures ou de rénovations de monuments religieux et
administratifs » (LE TEXIER, 2008). En effet, chaque
année les blanchisseurs envoient de l'argent pour contribuer à la
réfection des mosquées, au renouvellement des nattes de la
mosquée de vendredi ou appuyer les tournois de football dans leurs
villages. Cette pratique a été observée auprès des
migrants burkinabé en France comme l'atteste ces propos
« «Ici nous avons fait une association villageoise. Elle
s'appelle `Solidarité Psila'. On récolte de l'argent en faisant
des pique-niques. On n'a pas de subventions. Chacun paye des cotisations. Sans
les enfants, on n'aurait pas pu faire cette association. Ce sont eux qui nous
ont expliqué comment faire. On a réussi à faire construire
une case maternité au village. On voudrait faire des forages.»
(Homme Burkinabé, 60 ans, 5 enfants) cité par Jacques Barou,
2010.
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