Les agences de renseignements face aux organes judiciaires en RDC. Analyse critique des compétences "ratione loci" et compétences "ratione materiae"( Télécharger le fichier original )par Stanislas WOANGA KAMENGELE Université officielle de Bukavu - Licence en droit 2009 |
Chapitre III. CONFRONTATION DES REALITES PRATIQUES AUX LOIS REGISSANT LES AGENCES ET LES ORGANES JUDICIAIRES.Depuis la déclaration française de 1789, plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme ont été mis en place par des Etats dont, le plus important, compte tenu de son caractère universel, est la déclaration universelle des droits de l'homme. Cela ne revient pas à dire que c'est seulement au 19e siècle que l'humanité s'intéresse aux droits de l'homme bien au contraire. Les efforts ou la lutte pour la protection des droits de la personne remontent dans le temps, on peut même reculer plus loin pour retrouver dans le coder d'Hammourabi et dans la lutte des esclaves, les premières manifestations de droit de l'homme. En RDC, toutes nos constitutions dont celle du 18 février 2006, proclament notre adhésion à la DUDH de 1948, à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et la nécessité de respecter le droit oblige d'assurer l'enseignement et la vulgarisation de ces instruments internationaux,28(*) au pacte international relatif aux droits civils et politique, etc. Cependant, autour des droits de l'homme plusieurs interrogations sont possibles dont celles qui portent sur les typologies et celles que notre curiosité a ciblé portant sur les mécanismes de protection des droits de l'homme. Avant d'aborder les réalités pratiques des mécanismes institués par la RDC pour la protection des droits de l'homme, il nous parait intéressant de faire un clin d'oeil sur la définition des droits de l'homme et ses caractéristiques. LE DROIT DE L'HOMME est par définition « un droit moral universel, quelque chose que tout homme, partout, à tout moment, devrait avoir, justice ; quelque chose qui appartient à tout être humain simplement parce qu'il est humain.29(*) Pour d'autres auteurs, les droits de l'homme sont un ensemble de droits qui conditionnent à la fois la liberté de l'homme, sa dignité et l'épanouissement de sa personnalité et tendant vers un idéal sans cesse inassouvi. De ces définitions, il y a lieu de retenir, comme le souligne BURDEAU, que les droits de l'homme trouvent leur fondement dans le droit naturel en ce qu'ils mettent l'homme au centre de toute activité dans la société et considèrent ce dernier comme la finalité de la société.30(*) Ainsi, les droits de l'homme ou de la personne sont définis comme des garanties de droits universels qui protègent les individus et les groupes de tous actes portant atteinte aux libertés fondamentales et à la dignité humaine. Le droit relatif aux droits de l'homme oblige les gouvernements à faire certaines choses et les empêche d'en faire d'autres. Certaines des principales caractéristiques des droits de l'homme sont les suivantes : Ø Ils sont garantis au plan international ; Ø Ils sont protégés par la Constitution et les lois organiques ; Ø Ils sont centrés sur la dignité de la personne humaine ; Ø Ils imposent des obligations aux Etats et acteurs étatiques ; Ø Ils sont égaux et interdépendants ; Ø Ils sont universels ; Ø On ne peut y déroger ou les retirer.31(*) Dans la philosophie du législateur congolais qui a reconnu et protégé les droits de l'homme soit par ses textes nationaux, soit en incorporant les textes internationaux aux textes locaux par la ratification de ces derniers. Les dérapages ne seront pas nombreux, car selon la beauté des textes qu'il a produits, la RDC est doté de plusieurs mécanismes de protection des droits de la personne humaine et de sa dignité. Mais le constat sur le terrain est que les agents des services de sécurité dans l'accomplissement de leur mission, se rendent souvent coupables de nombreuses exactions et violations des droits de l'homme comme abus de pouvoir, la pratique de prise d'otage, arrestations arbitraires, détentions illégales, tortures, extorsions, usage abusif d'armes à feu, les atteintes à l'intégrité physique et à la vie, le vol, les enlèvements et Kidnappings, etc. Ceci sera présenté à la section première qui traite de pratiques observées aux agences de renseignements. La section deuxième n'ira pas à l'encontre de la présentation et de l'interprétation des dispositions ou des textes des lois violés et qui protègent la personne humaine. Faisons la ligne en disant qu'il ressort des observations faites sur le terrain aussi bien par les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme (ONGDH) nationales et internationales que la poursuite et le jugement devant les juridictions judiciaires (civiles et militaires) des auteurs de graves et massives violations des droits de l'homme sont à la limite des causes perdues au regard de maigres résultats obtenus à ce jour dans le domaine. Il apparait alors que l'impunité est quasi-totale à la magistrature qu'ils soient civils ou militaires aux agents et fonctionnaires de services publics ou paraétatiques. Dans le présent chapitre, nous essayerons de présenter les causes de ce problème et voir si nous pouvons faire quelques suggestions pour la redynamisation de la justice au Congo et enfin la conclusion viendra mettre un terme à notre travail. Section Ière : LES REALITES PRATIQUES OBSERVEES DANS LE CHEF DES AGENCES DE RENSEIGNEMENTS ET DE L'ORDRE.Les violations des droits de l'homme constituent ici les atteintes aux droits humains, des violences ou des exactions que les responsables de l'Etat ou les bandes armées commettent sur la population ; ce sont les actes de méchanceté ou de brutalité, de sauvagerie ou de barbarie, qui n'ont rien à faire à l'organisation d'un Etat moderne ou des nations civilisées.32(*) Les violations les plus graves des droits de l'homme entraînent la terreur de l'Etat, les émeutes populaires, les révoltes, les rebellions, les mutineries, les insurrections, les pillages, les destructions ou toute forme de troubles à l'intérieur d'un Etat ; bref, le désordre généralisé. C'est en respectant les droits de l'homme ou l'homme tout court que l'Etat arrive à créer des réelles conditions d'une paix véritable et durable au sein de la société, la prospérité économique et le développement. Il est à noter qu'en analysant les réalités observées dans les pratiques des agences de renseignements certaines infractions méritent d'être retenues dans le chef des agents de l'ordre et de renseignements en RD Congo dont : 1. Les arrestations arbitraires et les détentions illégales L'arrestation arbitraire est la privation de liberté sans motif légal ni jugement et cela tout simplement par malice, caprice, par corruption ou pour imposer son autorité. Exemple : arrestation pour dette, pour non paiement des loyers échus ou pour abandon de famille. 2. L'Existence des cachots clandestins et souterrains L'article 18 de la Constitution dispose que tout détenu doit bénéficier d'un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité. Les responsables de sécurité et renseignement ne peuvent garder en détention les personnes que dans les établissements de détention officiels 33(*) mais aussi les textes des lois ajoutent que les personnes gardés à vue sont enfermées dans un local prévu à cet effet34(*) ainsi donc constituent les violations des droits de l'homme et infraction de détention illégale le fait de garder à son domicile et dans un cachot privé une personne, le fait de garder à part un détenu en vue de le soustraire au contrôle des amigos de l'Officier du Ministère public, le fait de garder les détenus dans les centenaires ou dans des trous. 3. La Concussion et les extorsions L'extorsion est le fait de prendre par la force ou par intimidation les biens d'autrui. La concussion consiste à exiger des biens à une personne pour un service que l'Etat ne taxe pas. Les pratiques observées chez les organes de renseignements ne dévient pas les deux définitions. Et cette pratique viole les dispositions de l'article 34 de la Constitution qui dispose que nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utile publique et moyennant une juste et préalable indemnité octroyée dans les conditions fixées par la loi. Ainsi donc, nul ne peut être saisi en ses biens qu'en vertu d'une décision prise par une autorité judiciaire compétente. Les agents de la DGM, de la PNC et de l'ANR, au lieu de remettre aux propriétaires les biens qui faisaient objet de fouille, se livrent à le soustraire frauduleusement, une soustraction qui les expose au vol puni par la loi pénale de la république. 4. Les tracasseries administratives Au lieu de respecter l'homme, les agences de renseignements offrent au public un spectacle désolant de violation de la dignité humaine dans les ports, les aéroports et aux frontières de la République. En lieu et place de renseignements, ordre et sécurité, les bureaux 2 de la Police, les agents de l'ANR et ceux de la DGM se mettent plutôt à contrôler les documents des motos, des vélos, les contenus des colis valeurs, et raflent les cartes d'identité ou d'électeurs. Les documents ne sont remis à leur propriétaire que moyennant l'argent ; ces actes de rançonnement sont constitutifs de l'infraction d'extorsions, prévue et réprimée par le code pénal congolais livre II. 5. Les écoutes téléphoniques clandestines Sont interdites, l'interception, l'écoute, l'enregistrement, la transcription et la divination des correspondances émis par voie des télécommunications sans autorisation préalable du procureur général de la République.35(*) L'on remarquera que les preuves recueillies en violation de la loi, sont nulles et de nul effet. En outre, les élections étant libres, transparentes et démocratiques, la démocratie signifiant le respect d'autrui, constitue une fraude électorale les stratégies montées pour contrecarrer l'adversaire politique sur la base des écoutes téléphoniques illégales. Parmi, les raisons qui poussent certains responsables des agences de renseignements et de l'application de la loi à pratiquer la torture, nous pouvons citer notamment la recherche des aveux. L'aveu est un moyen de preuve défini comme étant une déclaration par laquelle une personne avoue un acte ou un fait qu'elle a commis ou vécu. Il doit être spontané ou volontaire pour servir de preuve c'est-à-dire volontaire et de bonne foi. L'accusé a le droit de s'abstenir de répondre. Il ne doit pas être torturé pour cela.36(*) 7. La déclaration ou le colportage En droit congolais, les oui dires ne peuvent pas former l'intime conviction du juge, ce sont des rumeurs qui posent le doute, et le doute profite à l'accusé. Les oui dires sont des simples renseignements qui doivent être corroborés par d'autres faits précis, vérifiables et objectifs avant d'en chercher les poursuites contre une personne. L'article 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ne dispose que toute personne a droit à un procès juste et équitable. 37(*) Les agences de renseignements qui poursuivent une personne sur base des oui dires violent les droits de l'homme. 8. La pratique de prise d'otage La prise d'otage est une pratique qui consiste à arrêter et à détenir un membre de famille du coupable en lieu et place de ce dernier pour le contraindre à comparaître.38(*) Cette pratique fait la monnaie courante et le cheval de batail pour les agences de renseignements et de l'ordre. Les femmes, qui de par leur nature, sont le groupe le plus vulnérable de la population, sont souvent les plus penchées par les exactions des agents des services de sécurité et de l'ordre. Elles sont victimes de viols et abus sexuels commis par des policiers, des membres de services de sécurité, les agents de la DGM. Le viol constitue une infraction grave du code pénal congolais et a même déjà été érigé en crime contre l'humanité par la cour pénale internationale. Il consiste en une pénétration directe ou indirecte de l'organe sexuel d'une personne sans son consentement. Alors que les agences de renseignements n'ont qu'un but et des attributions propres à elles, tels que définis par les lois organiques, elles exercent souvent un droit d'immixtion dans les matières ne relevant pas de leur compétence. Elles commettent assez souvent et de manière répétée les abus du pouvoir en s'occupant des infractions de droit commun, des affaires de dettes; activités ne relevant pas légalement de leur compétence matérielle. Cet excès volontaire du pouvoir est constitutif de l'infraction de l'usurpation des fonctions publiques, infraction prévue et réprimée par le code pénal congolais livre II. 11. La persécution des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme. La Constitution de la R.D.C garantit la liberté de la Presse (Art. 24 de la Constitution du 18 février 2006), et la jurisprudence congolaise définit la liberté de presse comme étant le droit d'annoncer, de critiquer et d'apprécier même sérieusement tous les faits de nature à intéresser l'opinion publique (Dist. Léo, 19 mars, RJCB, 1931, Elus 5 Mai 1994 RJCB, P131, Ici Code Piron, 1960, p.321).39(*) Les défenseurs de droits de l'homme sont consacrés par le Gouvernement congolais. Celui-ci leur donne d'une part les autorisations nécessaires de fonctionner et collaborer officiellement avec eux à travers le Ministère des droits humains. Alors que la liberté de la presse et les droits des défenseurs des droits de l'homme sont garantis par les textes légaux, la persécution des journalistes et défenseurs de droits de l'homme constituent une violation des droits de l'homme et est constitutive de l'infraction d'atteinte aux droits garantis aux particuliers, fait prévu et punis par l'article 180, Code pénal congolais livre II. Du 08 mars 2010 au 8 septembre 2010, cela fait quatre mois exactement jour pour jour depuis que le Ministre des Finances Son Excellence MATATA PONYO avait écrit au Vice-premier Ministre et Ministre en charge de l'Intérieur et Sécurité pour rappel sur la lettre n°3451/CAB/MIN/FINANCES/2009 du 13 Octobre 2009, dans laquelle il dénonça le détournement de fonds par les agents de la DGM en sollicitant son implication en vue d'instruire la DGM de canaliser le paiement des droits de visas d'établissement de travail, catégorie spécifique (VETS) au compte du trésor public. Cette perception et surtout la consommation de ces recettes générées par les VETS avaient été dénoncées par un cadre administrateur de service de l'Etat, les qualifiant de violation flagrante des instructions contenues dans la lettre précitée de MATATA PONYO, en les considérant en sus comme un détournement à grande échelle. Pour illustrer son propos, M. Lombo, l'administrateur dénonciateur avait cité le cas du Directeur Provincial de la DGM/Katanga qui avait été arrêté et condamné suite au détournement des milliers des dollars générés par le paiement des VETS de la Société Tenke Fungurume Mining pour une valeur estimée à USD 22 millions.40(*) Tous ces actes observés dans le chef des agents de renseignements vont à l'encontre des lois sous examen dans le présent travail portant création, organisation et fonctionnement des agences et services de renseignements. Signalons que les cas de violations des droits humains et des lois nationales par les agents de service de sécurité sont nombreux de sorte que l'on ne saurait illustrer tous les cas dans le présent travail mais ceux que nous venons de citer suffisent nous le pensons pour donner couleur aux résultats de nos recherches. * 28 Professeur Docteur Mpongo BOKAKO, « Introduction générale aux droits de l'homme, application du séminaire de formations sur les droits de l'homme et les services de sécurité ». In Actes de Séminaire de formation sur les droits de l'homme et les services de sécurité ; Le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme, Bukavu, du 28 janvier au 02 Mars 2006 à l'intention des agents de service de sécurité. * 29 Me. BISIMWA NTAKOBAJIRA, Les Droits de l'homme de la femme et de l'enfant, des textes venant au séminaire de formation sur les droits de l'homme, In acte du séminaire de formation sur les droits de l'homme et application des lois organisé par le Bureau du HCNUDH à Bukavu, du 19 au 23 octobre à l'intention des GPJ et JPV des Provinces de l'Est de la RDC, p.25. * 30 RGCBE et Ali, Les libertés publiques, « 12 », Paris, éd. Dalloz, 1997, p.4. BURDEAU G., Les libertés publiques, 4e éd. LGDJ, Paris, 1977, p.12. * 31 Me. BISIMWA NTAKOBAJIRA, op.cit., p25. * 32 J. MELI MELI, Avocat général près la Cour d'Appel de Bukavu, « Les violations des droits de l'homme commises par les agents de sécurité et les mécanismes de sanction » in Actes du séminaire de formation sur les droits de l'homme et les services de sécurité organisé par le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme à Bukavu, du 26/02 au 02 mars 2006 à l'intention des agents de services de sécurité de quatre provinces de l'Etat de la R.D.C, p.96 * 33 Arrêté Ministériel N°05/02 du 22 Avril 1961, à son article 4. * 34 Arrêté 80 de l'OU sur la Police Judiciaire * 35 Article 54 de la loi Cadre N°013, 2002 du 16 Octobre 2002 sur les télécommunications en R.D.C. * 36 www.jed.org..google.france consulté le 25 octobre 2010. * 37 Pacte international relatif aux Droits Civils et Politiques adoptés et ouverts à la signature, ratification et adhésion par la résolution 2200A(XXI) de l'Assemblée générale du 16 décembre 1966, entrée en vigueur, le 23 mars 1976. * 38 NGONO SOLANGE, Droit pénal spécial, notes de cours donné à l'U.O.B en G2 DROIT, année académique 2004-2005, inédit. * 39 J. MELI MELI, Avocat général près la Cour d'Appel de Bukavu, « Les violations des droits de l'homme commises par les agents de sécurité et les mécanismes de sanction » in Actes du séminaire de formation sur les droits de l'homme et les services de sécurité organisé par le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme à Bukavu, du 26/02 au 02 mars 2006 à l'intention des agents de services de sécurité de quatre provinces de l'Etat de la R.D.C, p.96 * 40 Plusieurs abus d'hommes en uniforme signalés à Luozi, dans le Bas-Congo, in Google France, civile, cd. Consulté le 25 octobre 2010 |
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