2- Pendant et après la mise en
oeuvre des projets
L'intervention des fonctionnaires dans le monde rural, dans
le cadre du PADC se fait de façon rapide, en des saisons où
l'accès est aisé (saison sèche). En outre, depuis la mise
en place du projet des puits à pompe, les populations déplorent
le manque de suivi et d'évaluation. En quatre ans, le puits à
pompe de Mebomo n'a été vidangé qu'une seule fois, celui
de Bikogo n'a plus vue d'agents du PADC depuis son inauguration. Beaucoup de
paysans estiment, de ce fait, que leur faible implication lors des phases
préparatoires du projet vient de la forte bureaucratisation
de ce projet. Proche des populations, le délégué
d'arrondissement du MINADER d'Elig-Mfomo reconnaît qu'il a
été exclu de toutes les phases du projet. Or, ce dernier doit
être très utile dans le dispositif de suivi du projet par exemple.
Ces pratiques qui déforment la réalité
de terrain et qui influencent la décision des développeurs,
découlent d'une analyse que Chambers (1983) qualifie de
« rapide et brouillon » qui sont utilisés
dans le cadre du « tourisme de
développement » par opposition aux méthodes
qualifiées de « longue et obscure »
utilisées pour les recherches intensives qui donnent d'importants
résultats et permettent une planification à partir du bas
(planning from below), selon N. Uphoff (1991 : 467-511).
Chambers, s'appuie sur cette pratique répandue qui se vérifie
encore aujourd'hui et qui consiste à prendre des décisions sur la
base des informations limitées, obtenues au cours des visites
impromptues et biaisées par l'optique particulière des experts de
coopération, des fonctionnaires administratifs ou des autorités
locales qui se comportent comme filtre par rapport aux
bénéficiaires finaux d'un projet qu'ils ne prennent pas la peine
de consulter avant, ou même de faire participer à leurs prises de
décisions. D'où son appel sous forme de slogan
« putting the last first ».
Pour y remédier, il faut encourager une culture de
l'évaluation. Car l'évaluation, ça se cultive. Sa pratique
usuelle permet de démystifier l'évaluation externe. Pour cela, il
est nécessaire de promouvoir l'auto-évaluation. En pratiquant de
temps en temps l'auto-évaluation, on facilite l'acquisition des rouages
utiles pour un bon usage de l'évaluation.
Cette culture doit être faite même au niveau des
bailleurs de fonds, qui doivent tenir compte des « aspects
spécifiques de chaque société et
région» et avoir des termes de référence qui varient
en fonction des réalités locales de chaque projet.
En outre, il est de plus en plus recommander que les outils
méthodologiques de la socio-anthropologie sous-tendent leurs
différentes interventions lors des évaluations. L'enquête
socio-anthropologique cherche les différences les plus fines entre
savoir et mode d'interprétation logique, et insiste sur la
difficulté pour tout intervenant extérieur d'appréhender
de telles réalités. Les tentatives d'adaptation de
l'enquête socio-anthropologique aux conditions de l'expertise ou de
l'évaluation ont permis de mettre sur pied les techniques de RRA
(Rapid Rural Appraisal), transformées en PRA (Participatory
Rural Appraisal), présentement développées dans le
monde francophone sous le nom de MARPP (Méthode
Accélérée de Recherche et de Planification Participative).
Ces techniques s'appuient généralement sur la technique de
focus group, où le savoir qu'elles produisent grâce aux
divers outils simples (nomenclature, classification, cartes,
élaborées avec les membres du groupe) qu'elles proposent, est en
principe basé sur la prise en compte des catégories de perception
locales selon les logiques propres à la socio-anthropologie comme
l'étaye Jean François Baré (2001 : 149).
Malgré leur relative simplicité, les institutions de
développement considèrent de plus en plus qu'en multipliant ce
type d'enquête, elles recourent « enfin » aux
sciences sociales, à des frais moindres et donnent
« enfin » le moyen de « comprendre le
milieu » poursuit-il. Cette technique n'est, cependant, pas
facilement applicable par des enquêteurs disposant de peu de temps et ne
disposant pas de compétence socio-anthropologique.
Pour palier ce déficit, Olivier de Sardan (1995),
propose d'autres solutions : le recours, comme
« expert » (pour les évaluations relativement
brèves), à des socio-anthropologues spécialistes d'un
thème : ceci permettrait de combiner connaissances profondes
acquises préalablement dans le cadre des
« recherches » aux contraintes de temps et de
définition du sujet propres au cadre « action » des
institutions de développement.
B- A capitaliser par les
populations
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