Introduction générale
Le développement économique et social s'est
jusqu'ici présenté sous deux paradigmes distincts: celui de
l'économie dirigée d'intérêt général
et l'actuel modèle issu du consensus de Washington. Le premier avait
valu à la Côte d'Ivoire une notoriété
internationale, grâce à ce qui passait alors pour son «
miracle économique ».
Ainsi de 1960 à 1980, ni la Banque mondiale (BM), ni le
Fonds monétaire internationale (FMI) n'étaient directement
intervenus dans la conduite de la politique économique de la Côte
d'Ivoire. Bien au contraire, la Banque avait toujours financé sans
réserve, tous les investissements publics présentés par la
Côte d' Ivoire. Elle était même le premier bailleur de fonds
du pays, malgré le modèle1 de
l'économie dirigée d'intérêt général
appliqué en Côte d'Ivoire au cours de cette période. Mais
à partir de 1981, les Institutions de Bretton Woods ont commencé
à remettre en cause l'intervention directe de l'Etat dans les secteurs
productifs, lequel a fini par se désengager complètement à
partir de 1990, au profit du secteur privé, comme le recommande le
consensus de Washington» (Zadi, 2011, p 18-19).
Dès ce moment, la population ivoirienne dans son
ensemble en particulier les ménages, peu familier des valeurs
liées à l'économie néolibérale et
privés de la tutelle de l'Etat-Providence, ont vu leur revenu et leur
niveau de vie baisser considérablement. Ainsi, Le taux de
pauvreté a connu une hausse tendancielle passant de 10,0% en 1985
à 36,8% en 1995 et à 33,6% en 1998
1 Ce modèle qui s'oppose à la
détermination de l'économie par les seules initiatives du secteur
privé, a été conçu en France, en 1934, en pleine
crise économique. La Conférence économique de la France
métropolitaine et d'Outre-mer avait introduit le thème du
rôle de l'Etat non plus seulement comme financier, mais comme concepteur,
et avait ajouté au principe dorénavant admis de l'outillage
celui, plus nouveau, de l'impulsion industrielle par le secteur
privé.
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avant de remonter à 38,4% en 2002 puis à 48,9%
en 2008, en raison des crises économiques, sociopolitiques et militaires
successives (DSRP, 2008 pp.12).
C'est dans un tel contexte que notre étude ambitionne
d'appréhender la structure sociale des dépenses de consommation
en particulier la place qu'occupe l'épargne des ménages
précarisés en milieu rural.
En effet, il peut sembler singulier, a priori, de
s'intéresser au rôle de l'épargne des ménages dans
le développement économique et social d'un pays, quand on a
été longtemps prisonnier du dogme selon lequel l'entreprise et
l'Etat travaillent solidairement pour le bien être des ménages.
Pourtant, il suffit d'observer le niveau de vie des populations africaines pour
comprendre que rien n'est aussi éloigné de la
vérité que cette théorie illusoire. L'exemple des pays
industrialisés tels que la Corée, l'Inde et Taïwan... est
révélateur (Améthier, 1989). Ces Nouveaux Pays
Industrialisés (NPI)2 d'Asie du Sud-est et de
l'Amérique latine ont impulsé leur développement par la
base dans les années 70-90. Ces pays ont connu respectivement, des
croissances moyennes du Pib de 7,7%, 9,4%, 8% et 7%, pour des taux moyens
d'épargne de 35,5%, 33,4%, 36,2% et 27,7% (Zadi, 2011). Ces chiffres
montrent tout simplement le rôle de l'épargne des ménages
dans le processus de développement économique et social d'un
pays.
En toute évidence, comprendre la problématique
des déterminants sociaux de l'épargne des ménages
ivoiriens est un enjeu majeur dans la réduction de la pauvreté et
dans la mobilisation de capitaux internes dans un processus de
développement endogène.
2 La Malaisie, la Thaïlande, la Corée et le Chili
dans la période (1986-1995), ont mobilisé l'épargne
intérieure composée en grande partie de l'épargne des
ménages pour financer les changements structurels de leurs
économies, tout en s'assurant des taux de croissance très
élevés. On note ainsi, le lien très éclairant entre
les taux de croissance de ces pays et l'épargne des ménages.
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Pour nous résumer, ce travail de recherche nous a
inspiré pour trois raisons. La première répond à un
souci académique. En effet, c'est un passage obligé pour
atteindre le troisième cycle que nous ambitionnons de faire. La seconde
a une portée scientifique. Nous voulons inaugurer une nouvelle approche
qui apparaît comme un troisième paradigme de développement
économique et social qui, partirait de la réalité
concrète des ménages afin d'élaborer des politiques de
développement et de croissance inclusive parfaitement adapté. En
effet, les ménages sont l'objet et non le sujet du développement.
La troisième raison est plus personnelle. Nous voulons apporter notre
contribution à la communauté scientifique et à tous ces
spécialistes, qui ont la lourde tâche de réfléchir
à la mobilisation d'une source interne de capitaux à même
de susciter un développement endogène et participatif des
populations concernées. Par conséquent, cette étude a pour
objectif d'analyser les déterminants sociaux de l'épargne des
ménages en milieu rural. Plus spécifiquement:
· Décrire la structure sociale des
dépenses de consommation des ménages du village d'Adjamé
Bingerville.
· Saisir et comprendre les représentations
sociales du comportement d'épargne des ménages.
. Montrer les formes et les enjeux de l'épargne de ces
ménages
En somme, ce mémoire comporte trois grandes parties.
La première est relative à la construction de l'objet
d'étude et la méthodologique. La seconde présente le cadre
de l'étude. Enfin, la troisième partie porte sur l'analyse des
résultats de l'enquête.
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