L'épargne a toujours alimenté les recherches
des économistes de sorte que la construction d'un modèle
théorique de base repose essentiellement sur un examen approfondi de la
littérature économique. Cette littérature repose sur deux
postulats: l'approche classique de l'épargne et la théorie
Keynésienne de l'épargne.
Pour les économistes néoclassiques,
l'épargne (censée être investie) est une consommation
différée dans le temps. L'épargne désigne donc tout
comportement de renoncement à une consommation immédiate et ce,
dans l'espoir d'obtenir un meilleur rendement futur et par suite une meilleure
consommation future. l'arbitrage entre consommation immédiate et
consommation future est donc déterminé par l'évolution
prévisible du revenu durant la vie de l'individu, par son degré
de préférence pour le présent et par le niveau du taux
d'intérêt. Selon le raisonnement néoclassique,
l'épargne précède la consommation: L'agent
économique qui cherche à maximiser son utilité
vérifie ce que peut lui rapporter l'épargne en fonction du niveau
du taux d'intérêt. Si celui-ci est élevé, l'agent
sera incité à épargner pour s'assurer des revenus plus
importants dans le futur. Lorsque le taux d'intérêt est faible,
l'agent a tendance à peu épargner: l'épargne ne lui
rapportera que peu de revenus dans le futur.
L'approche keynésienne du comportement
d'épargne est tout autre. Dans cette approche, c'est la consommation qui
précède l'épargne. Le niveau d'épargne est un
résidu qui est déterminé non pas par le taux
d'intérêt mais par le niveau de revenu de l'agent. Celui-ci
consomme d'abord et attribue le reste
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de son revenu (celui qui n'a pas été
consommé) à l'épargne ou à la thésaurisation
en fonction du taux d'intérêt i. Si le taux
d'intérêt i est élevé, alors l'individu est
amené à réduire sa préférence pour la
liquidité et augmenter sa préférence pour
l'épargne. Par contre si le taux d'intérêt est faible, il
penchera en faveur de la liquidité qui peut être utilisée
à des fins de consommation, de précaution, voire de la
thésaurisation.
En effet, pour Keynes (1969), l'épargne est
plutôt une fonction croissante du niveau de revenu. Ce qui est
épargné est simplement ce qui n'est pas dépensé en
bien de consommation. Dans les expressions mathématiques de la
théorie Keynésienne, l'épargne en fraction ou en
pourcentage, est le complément de la consommation. C'est-à-dire
que si la consommation représente les (4/5) ou les 80%,
l'épargne représentera les (1/5) ou les 20% du
revenu. Ainsi, pour un revenu nul, l'épargne est négative
c'est-à-dire l'agent désépargne pour financer la
consommation incompressible.
Cependant, hormis ces deux grands postulats de l'analyse
économique de l'épargne, il existe d'autres déterminants
économiques explicatifs du comportement d'épargne des
ménages.
La théorie du revenu permanent,
développée par Friedmann (1957), stipule que l'épargne ne
dépend pas (à long terme) du revenu courant mais du revenu
permanent, entendu comme le revenu dont l'agent peut disposer à chaque
période de sa vie sans entamer son patrimoine. Cette théorie
prévoit donc que l'épargne sert d'outil de lissage de la
consommation, et que l'épargne varie davantage lorsque le ménage
vit momentanément une variation transitoire de son revenu.
Quant à l' économiste Modigliani (1954), qui
est l'un des tenants de la théorie de l'épargne qui relativise
les déterminants mis en avant par les néoclassiques ( le taux
d'intérêt) ou les keynésiens ( le revenu) au profit
d'une
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explication par l'âge des individus,
considération qui aboutit à distinguer deux grandes
périodes dans le cycle de vie de l'individu: celle de la vie active
où l'on a plutôt tendance à épargner, et celle
depuis la retraite jusqu'au décès où la personne
désépargne. Sa théorie part du principe selon lequel pour
chaque ménage, il existe un cycle de vie caractérisé
à chaque âge par une étape dans la carrière et la
vie familiale. Ainsi, à chaque étape de la vie active et de la
retraite correspond un niveau de revenu et certains besoins
spécifiques.
Ce modèle prévoit ainsi que les ménages
plus jeunes auront une épargne négative car ils sont à un
stade de leur vie où leur revenu est relativement faible et où
ils font généralement plusieurs dépenses importantes (par
exemple dépenses en éducation, acquisition d'une maison, etc.)
dont plusieurs sont des investissements. Aussi, passé l'âge de la
retraite, le modèle prévoit une épargne négative
des ménages compte tenu de la diminution du revenu associé
à la perte de travail13. Ainsi, en cas de contraction
cyclique, le niveau de consommation reste stable de période en
période aux dépens de l'épargner et en l'absence
d'héritage et d'incertitude sur le revenu ou la durée de vie, la
richesse finale est nulle. Par conséquent, toute l'épargne
accumulée par un individu est dépensée au cours de sa vie.
En somme, selon la théorie du cycle de vie, l'âge des
ménages a un impact sur leur niveau d'épargne. Dans cette
perspective, le taux moyen d'épargne d'une économie serait
davantage conditionné par sa structure démographique.
13 Ce qui suppose cependant que l'individu ne désire
pas laisser de legs après sa mort, et qu'il profite de sa retraite pour
consommer la richesse qu'il a accumulé sans chercher à en
laisser. Ceci est remis en question par d'autres théories comme la
théorie du legs (« bequest motive ») qui soutien que
l'individu veut laisser une certaine richesse après sa mort. Bernheim
(B.D), (1991), « How strong are bequest motive? Evidence Base on
Estimates of the Demand for Life Insurance and Annuities », The
Journal of Political Economy, 99(5), 899-927.
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Cette dernière théorie économique met en
perspective certains déterminants psychosociologiques du comportement de
l'épargne des ménages.