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Epargne et dépenses de consommation des ménages en milieu rural. Cas du village d'Adjamé Bingerville en Côte d'Ivoire

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par Fabrice Oswald TANOH
Université Félix Houphouët Boigny Abidjan - Master 1 de sociologie économique 2012
  

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I-2-1-2 L'approche psychologique de la consommation

La consommation ne se limite pas à l'acte de consommer, elle s'inscrit également dans un contexte psychologique. Consommer, c'est avant tout satisfaire un besoin. Les études du comportement du consommateur permettent aujourd'hui de dresser des profils types.

Partant du principe que les ménages consomment pour satisfaire leurs besoins de consommation et que ces derniers sont de différentes natures, A. Maslow (1943) a proposé une hiérarchie des besoins à cinq niveaux. En effet, la satisfaction des besoins physiologiques doit précéder toute tentative de satisfaction des besoins de protection (sécurité) ; lesquels doivent être satisfaits avant les besoins d'appartenance (d'amour), qui précèdent les besoins d'estime de soi (reconnaissance) ; au sommet de la pyramide se trouvent les besoins spirituels (dépassement).

Le modèle de Maslow se fonde sur la hiérarchisation des besoins, alors que cette hiérarchisation stricte n'est pas pertinente. En effet, le besoin de reconnaissance sociale, est pour l'homme, un besoin aussi important que les

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besoins physiologiques. Ou tout au moins, il est arbitraire de hiérarchiser des besoins qualitativement différents sans justifier cette hiérarchie. Il n'y a donc pas a priori de hiérarchie aussi directe entre les besoins physiologiques, sécurité du corps, relationnels et affectifs.

Par exemple, le besoin de reconnaissance sociale ou celui du lien social, apparaît comme une composante à part entière de la personnalité à satisfaire pour son développement. On peut citer le cas des « enfants sauvages », évoqué par Strivay (2006) qui ont satisfait jusqu'à leur découverte leurs besoins physiologiques et de sécurité du corps, mais n'ont pas pour autant développé une personnalité humaine normale.

Certes, Maslow apporte une explication psychologique à la consommation des individus, cependant la question de savoir si chaque individu ne cherche qu'à satisfaire un besoin d'un certain niveau que s'il a complètement comblé ses besoins d'un niveau antérieur, est toutefois controversée. Car, la plupart des biens de consommation ont un caractère dual parce qu'ils ont une double fonction : une fonction d'usage et une fonction symbolique. Ainsi une voiture sert à effectuer des transports mais elle peut aussi faire rêver, être un signe de richesse...

I-2-1-3 Les approches sociologiques de la consommation

Dans l'analyse de la consommation, les sociologues s'intéressent plus aux styles de vie des ménages qu'au montant de leurs dépenses, plus à l'usage des biens commercialisés qu'à leur mise en concurrence sur le marché et plus aux obligations sociales qu'à la rationalité des arbitrages. Ainsi, les récentes études sociologiques portant sur les budgets de familles et leurs consommations s'inspirent toutes de deux grandes écoles : celle de Frédéric Le Play et de Maurice Halbwachs.

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La théorie sociologique de Le Play (1947), est centrée sur la famille; selon lui la famille constitue l'unité sociale par excellence, celle qui reflète le mieux les caractéristiques de la structure sociale. Pour Le Play, ce qui révèle le type de famille, c'est l'observation de son mode de vie. Ainsi, le mode de vie que Le Play observe est la structure des dépenses et de revenus de l'année. Pour lui donc, la structure de revenu et des dépenses est un indice qui sert à déterminer le type de famille. Frédéric Le Play a donc été le premier à insister sur la nécessité de mettre la structure de revenu et des dépenses en relation avec le comportement global de la famille.

L'approche de Halbwachs (1912), est toute différente, à la fois du point de vue de son contexte théorique et de sa méthode. Sa préoccupation principale est de déterminer le caractère plus ou moins social des habitudes de consommation propres aux différentes classes sociales. Selon Halbwachs, les besoins et les manières de les satisfaire ne sont pas les même d'une classe sociale à l'autre. Et lorsque les mêmes besoins se retrouvent dans toutes les classes, ils n'y sont pas nécessairement hiérarchisés de la même façon. Ainsi, Halbwachs montrera que chez les ouvriers, la proportion des dépenses pour le logement et celle pour le vêtement avait tendance à augmenter en même temps que le revenu. Il expliquait ce comportement grâce au postulat qui dit que quand le revenu augmente, les individus cherchent à satisfaire moins de besoins primaires qu'auparavant et davantage de besoins sociaux qui permettent une plus grandes intégration au reste de la société.

Les travaux de Chombart De Lauwe (1956), réunissent les deux traditions de Le Play et de Halbwachs. Il cherche ainsi à intégrer dans l'analyse sociologique l'étude des besoins subjectivement définis par divers groupes sociaux, la recherche des motivations qui déterminent les conduites de consommation et les aspirations propres aux divers groupes de consommateurs. De façon générale, la structure du revenu ou des dépenses et le niveau de vie

sont mis en relation avec toutes les dimensions de la famille, c'est-à-dire l'environnement de la famille, les conditions de travail de l'homme et de la femme, les rapports intrafamiliaux, les activités de loisir et tout le domaine des aspirations et des besoins subjectivement définis.

De plus, pour certains sociologues, la consommation est considérée comme un marqueur social, un signe d'appartenance ou de différenciation d'un groupe social à l'autre.

Le sociologue Français Jean Baudrillard (1970), dans son ouvrage « La société de consommation », présente la consommation comme un acte symbolique. Le consommateur n'achète pas uniquement pour la satisfaction qu'il retire de son utilisation, mais pour afficher son appartenance à un groupe social qui lui sert de référence. La consommation est alors un élément du système de relations sociales. Par conséquent, un individu par sa consommation expose son statut et sa personnalité.

Bourdieu (1979), quant à lui, lie la consommation à la notion d'habitus. Les individus ont des goûts et des préférences qui leur paraissent naturels, mais qui sont en réalité le résultat d'un habitus qui lui-même résulte de la société, de la classe sociale et de l'histoire personnelle de l'individu. Par exemple, en guise d'explication, dans son ouvrage Bourdieu oppose les repas traditionnels fortement énergétiques des catégories populaires durant lesquels règnent profusion et décontraction aux repas raffinés, équilibré et « distingués» des classes dominantes.

De même, dans leur ouvrage, Douglas et Isherwood (1978) soulignent que la consommation est un moyen que les individus ou les groupes sociaux utilisent pour construire leur symbolisme culturel, c'est-à-dire les significations et les sens qu'ils veulent donner à leurs actions. Qu'il s'agisse de suggérer une

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appartenance familiale, communautaire ou de classe, la consommation agit comme un marqueur culturel pour chacun d'entre nous.

En outre, Veblen (1899), parlant d'effet d'imitation et de consommation ostentatoire, montre dans son ouvrage « La théorie de classe de loisir », que certains groupe sociaux occupent une place à part dans l'échelle du prestige social et que leur mode de vie ainsi que leurs loisirs constituent un modèle pour d'autres groupes. Les membres de cette classe aiment consommer des produits qui leur permettent de se différencier des classes moyennes et populaires afin d'affirmer leur statut de classe privilégiée. Ainsi, par mimétisme, ce comportement tendrait à se répandre dans l'ensemble de la société. Par conséquent, pour Veblen il existe une domination culturelle qui va des classes supérieures vers les classes inférieures.

Certes ce phénomène sociologique est toujours présent, cependant un autre mouvement en sens inverse n'est pas moins prégnant de nos jours. La culture de masse véhiculée par les mass médias exerce aussi une forte influence en particulier chez les jeunes. En effet, à partir du comportement de certains groupes (stars de la télévision ou du cinéma, loisir de cadres...), il existe de plus en plus un effet d'imitation des groupes sociaux entre eux et une diffusion progressive de certains modes de vie et de consommation. C'est ainsi que l'on pourrait expliquer le phénomène de la mode et celui de l'accélération de la consommation. Ainsi, la culture des classes supérieures prônées par Veblen perd de sa légitimité pour les nouvelles générations.

Corroborant cette thèse antinomique à la pensée de Veblen, Pasquier (2005) démontre que dans le cas des lycéens par exemple, la transmission culturelle verticale dans les milieux favorisés n'est absolument pas automatique. Elle ne se maintient que dans des conditions très particulières, au prix d'une ségrégation sociale par le haut, dans des établissements qui échappent au principe de la sectorisation et ont une certaine maîtrise du

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recrutement de leurs élèves. Une implantation géographique de centre-ville semble également jouer un rôle très important. Quand ces conditions ne sont pas réunies, les mécanismes de socialisation horizontale risquent de contrecarrer les mécanismes de socialisation verticale : autrement dit, la culture entre pairs peut « neutraliser » les acquis de la culture que les parents essaient de transmettre.

Dans tous les cas, les concepts d'imitation et de démonstration sociale sont fondateurs en analyse sociologique de la consommation et on les retrouve sous une forme ou une autre dans la sociologie de Pierre Bourdieu, de Robert K. Merton et dans une autre mesure dans l'oeuvre de Jean Baudrillard. Par ailleurs, les contributions de ces auteurs tendent à fournir des orientations macrosociologiques dans la compréhension du phénomène de la consommation. Plutôt qu'inscrire les acteurs au centre du système de relations sociales, la nouvelle sociologie place les réseaux sociaux au coeur de l'analyse.

Ainsi, pour enrichir cette nouvelle orientation théorique Herpin (2001) apporte une réflexion sur la consommation de masse et l'évolution des valeurs collectives relatives à la consommation. En effet, pour Herpin l'ordre social dépend moins de la quantité de produits accessibles que des usages collectifs et des modes de vie auxquels donnent naissance des réseaux sociaux et les nouveaux services de la consommation de masse. La sociologie de la consommation de Herpin se résume donc dans son ouvrage « Sociologie de la consommation» en trois pôles d'analyse.

- La vie domestique: comment expliquer les permanences, les changements

et les spécificités des pratiques budgétaires de différents milieux sociaux? - La société de consommation de masse: intégration, domination ou jeu

d'acteurs?

- Enfin, les bien conviviaux et les valeurs collectives c'est-à-dire les usages collectifs des biens de consommation?

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Dans le prolongement de cette conception théorique, Swedberg et Granovetter (1994) définissent le réseau comme un ensemble régulier de contact ou de relations sociales continues qu'entretiennent tous les individus ou groupes d'individus. Ce réseau de relations sociales est un contexte qui recouvre d'une part les opportunités et les contraintes associées aux relations sociales bilatérales des agents (l'encastrement relationnel) et d'autre part les opportunités et les contraintes que fait peser sur eux l'architecture des réseaux à l'intérieur desquels il réalisent leurs actions (l'encastrement structurale).

Par ailleurs, Granovetter (1985), dans une critique adressée à la thèse

« d'encastrement» et de « desencastrement » de
Karl Polanyi (1983)12, affirme que ces deux visions extrêmes (encastrement et desencastrement) n'ont que peu de choses à nous apprendre sur le fonctionnement actuel de la vie économique. Pour Granovetter, les acteurs ne se comportent pas et ne prennent pas leurs décisions comme des atomes indépendants de tout contexte social; pas plus qu'ils ne suivent docilement un scénario écrit pour eux et qui serait fonction de l'ensemble des catégories sociales auxquelles ils appartiennent. Dans sa thèse « d'embeddednes » : les actions que les acteurs entretiennent pour atteindre un objectif sont encastrées dans un système concret et continu de relations sociales.

En mettant en évidence le rôle des réseaux, Granovetter remet en cause le postulat selon lequel le marché résulte de choix rationnels d'individus indépendant. L'action économique, dit-il, est une action sociale ne se réduisant

12 Polanyi, dans son ouvrage a proposé la notion de l'encastrement qui consiste à intégrer les faits économiques à l'intérieur des faits sociaux, ensuite avec l'apparition du troisième modèle c'est-à-dire celui de l'économie d'échange, le « desencastrement » apparaît. En quelques sorte, il analyse le système de marché autorégulateur de sa naissance jusqu'à sa mort. De ce système résulte la séparation de l'économie et de la société qui se soumet alors au marché. Ainsi, quand le marché en vient à maitriser le système économique, la société subit une mutation importante. En somme, le marché n'est plus intégré dans la société, c'est la société et les relations sociales qui y sont encastrées.

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pas à l'intérêt, elle a d'autres motivations comme la quête de reconnaissance, de statut, de socialité ou de pouvoir. La nouveauté de son approche est qu'il considère que la dimension sociale de l'activité économique n'est pas une entrave à l'expression d'une rationalité maximisatrice. Ainsi, il ne faut plus prendre comme point de départ de l'analyse l'agent isolé mais les interactions des agents pris dans un contexte social global. Et ce contexte renvoie au réseau de relations sociales.

Toutefois, Bourdieu (2000) qualifie la démarche de Granovetter d'interactionnisme méthodologique. Il lui reproche de ne reconnaître que l'effet de l'anticipation consciente et calculée que chaque agent aurait des effets de son action sur les autres agents et de faire disparaître tous les effets de structure et toutes les relations objectives de pouvoir.

En outre, l'analyse de Trentemann (2008), sur le rôle de l'Etat et des mouvements sociaux, tend à montrer qu'en encourageant ou en décourageant la consommation, ils jouent un rôle important dans la fabrique sociale et politique du consommateur comme citoyen mais également comme acteur économique.

De leur coté, Paul Di Maggio et Hugh Louch (1998) insistent sur la prise en compte des réseaux sociaux dans l'acte d'achat. Ils montrent ainsi comment les consommateurs s'appuient sur leurs réseaux de relations pour acheter un bien ou un service.

En somme, les déterminants de la consommation sont nombreux. Certes, l'individu dispose d'un choix individuel, mais ses goûts et ses préférences sont en partie déterminées par son groupe d'appartenance. De ce point de vue, sa consommation ne sert pas uniquement à satisfaire un besoin d'usage, elle sert aussi à satisfaire un besoin social, à montrer son identité culturelle ou à exhiber le statut social auquel il se réfère.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo