La consommation intéresse les économistes. La
réflexion économique sur la consommation continue aujourd'hui
d'être très féconde. Ces derniers sont d'avantage
tournés vers le comportement du consommateur, qui tient une place
essentielle dans l'analyse des économistes classiques et
néoclassiques dont les précurseurs furent Pareto, Becker,
Friedman et Modigliani. Il est à souligner que la réflexion
économique, du moins dans ses débuts, considérait peu les
dimensions microéconomiques de la fonction de consommation et raisonnait
sur le plan macroéconomique où l'on fait l'hypothèse d'un
individu représentatif.
Dans cette analyse, le consommateur est cessé
être rationnel et cherche toujours à optimiser son revenu. Ainsi
la modélisation du comportement du consommateur telle qu'elle est
suggérée en microéconomie repose sur trois postulats: le
choix individuel du consommateur, l'information parfaite sur l'offre de biens
ainsi que sur le niveau de ses besoins et l'hypothèse de
rationalité qui insiste sur le fait que le consommateur cherche à
maximiser la satisfaction retiré d'un bien sous la contrainte de son
budget.
Ainsi, pour les économistes néoclassiques dont
Vilfredo Pareto est l'un des fers de lance, le consommateur dispose d'un budget
limité pour acquérir tous les biens souhaités. Il ne peut
donc acheter tout ce qu'il désire et doit opérer des choix entre
les biens désirés. Pour effectuer ces choix, le consommateur
établit une hiérarchie dans ses préférences. Pareto
construit un procédé de représentation graphique des
références entre deux biens de consommation X et Y. Donc, le
choix du consommateur va s'effectuer selon le critère de
l'utilité U(x, y). Au terme de la confrontation de la courbe
d'indifférence avec le revenu, le consommateur choisit la combinaison
idéale de biens lui apportant la plus grande satisfaction, ce que Pareto
appelle
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« l'utilité maxima ». Dans ce modèle,
les agents sont considérés comme rationnels en ce qu'ils ont une
fonction objective (les consommateurs cherchent à maximiser leur
utilité U (X, Y) compte tenu de leur contrainte budgétaire, c'est
à dire leur revenu) et qu'ils sont censés avoir une information
parfaite sur le prix des biens de consommation.
J.M. Keynes (1969), fut incontestablement l'un des plus
grands penseurs de la science économique contemporaine. Contrairement
aux néoclassiques, l'approche Keynésienne stipule que le niveau
de consommation dépend essentiellement du revenu. Ainsi, Keynes
s'appuyant sur l'existence d'une loi psychologique fondamentale selon laquelle
« (...) En moyenne et la plupart du temps, les hommes tendent à
accroître leur consommation au fur et à mesure que le revenu
croît, mais non d'une quantité aussi grande que l'accroissement du
revenu ». Pour lui, les facteurs qui déterminent la propension
à consommer11 des ménages sont souvent très
subjectifs.
Dans son ouvrage intitulé « Théorie
générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie
», il parle de l'importance de la précaution, de la
prévoyance, du calcul, de l'ambition, de l'indépendance, de
l'initiative et même de l'orgueil et de l'avarice. Pour Keynes, ces
différents facteurs subjectifs peuvent être
considérés comme stables à court terme. Par
conséquent, une relance artificielle de la consommation par l'Etat au
moyen d'une injection de revenus dans l'économie est donc forcement
efficace à court terme. Ainsi, des études empiriques ont
démontré que l'analyse de Keynes était
vérifiée lorsque l'on compare à un moment donné les
budgets des ménages ayant des niveaux de revenu différent et ceci
sur une court période.
Toutefois, l'économiste Simon Kuznets a montré,
en se fondant sur une étude de la consommation aux Etats-Unis de 1869
à 1938 ( c'est-à-dire sur un
11 La propension à consommer se définit comme le
rapport consommation/revenu (C/R). Ce rapport
représente la fraction du revenu consacrée à la
consommation.
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longue période) que l'analyse de Keynes se trouvait
invalidée par le fait que la propension moyenne à consommer des
Américains était restée constante sur cette
période.
Aussi, certains paradigmes économiques ont
été élaborés dans le prolongement et parfois
même en opposition à la théorie Keynésienne.
Il s'agit de la théorie du revenu permanent de
Friedman (1957), chef de file des monétaristes. Friedmann est
l'économiste le plus opposé qu'il soit au modèle
Keynésien. Dans sa théorie, Friedman définit la
consommation, comme « la valeur des services qu'on prévoit de
consommer pendant la période considérée ». Il
pense que le comportement du consommateur n'est pas lié au revenu qu'il
perçoit à un moment donné mais au revenu qu'il
prévoit. Le consommateur anticipe donc ses gains, et prend ses
décisions d'épargne ou de consommation en tenant compte non
seulement de son revenu actuel mais surtout de ses revenus futurs.
Quant à Becker (1960,1965), il montre que le
consommateur a tendance à arbitrer entre les produits non seulement en
fonction de leur prix mais également des gains de temps permis par
l'usage de ces produits. Le temps est ainsi introduit sous l'angle d'une
contrainte. Considéré comme une ressource rare qui s'impose au
même titre que le revenu, le temps devient indissociable de la
décision d'achat.
En outre, certains économistes à travers leurs
théories économiques, se retrouvent en pleine analyse
sociologique. C'est le cas de Duesenberry.
Dans son ouvrage, Duesenberry (1949), avance l'idée
que chaque population constitue une sorte de sous-culture qui exerce des
pressions spécifiques sur ces membres afin de les pousser à
consommer. Ce principe d'émulation sociale s'exercerait de
manière plus forte sur les bas revenus qui peine alors à
épargner. Ainsi, la consommation d'un ménage à une
période
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donnée dépend non seulement du revenu mais aussi
des habitudes de consommation acquises antérieurement.
En effet, selon Duesenberry, la consommation évolue en
raison de l'existence d'un double effet : un effet de démonstration (qui
évolue en effet de différenciation) et un effet d'imitation. Les
catégories sociales les moins favorisées cherchent à
imiter la consommation des catégories favorisées, qui optent pour
un nouveau mode de consommation afin de se différencier. Ce comportement
peut se définir comme une tendance du consommateur à maintenir
voire augmenter son niveau de consommation même en cas de baisse de son
revenu. Sous ce rapport, le consommateur peut être amené à
prélever sur son épargne.
De nos jours, les différences de consommation se sont
amoindries. Les nouvelles théories économiques de la consommation
tendent à l'homogénéisation des pouvoirs d'achats locaux,
qui a pour conséquence une uniformisation des besoins et des modes de
vie.
Cette orientation théorique de la consommation a
été largement développée par Fourastié et
Bazil (1981). Elles indiquent qu'un modèle de consommation très
uniforme s'est progressivement mis en place entre 1963 et 1978 dans le monde
occidentale. Et nous citons : « (...) à revenu égal - et
les revenus se rapprochent sans cesse - on se nourrit, on s'habille, on se
meuble, on se déplace, on se distrait, on se cultive de plus en plus de
la même façon...». Ainsi, elles montrent que les
ménages des communes rurales et ceux des grandes villes ont vu leur mode
de consommation se rapprocher considérablement. Cette
homogénéisation de la consommation s'insère dans un
mouvement plus large d'unification culturelle, lui-même dû à
de nombreux facteurs : décloisonnement des régions, école
pour tous, diffusion des médias, mobilité
géographique...
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En somme, nous pouvons conclure ce chapitre
réservé aux différentes approches économiques de la
consommation en disant que, depuis la théorie de la modélisation
du comportement du consommateur par les néoclassiques à la
théorie d'homogénéisation des pouvoirs d'achats des
nouvelles théories économiques, ces paradigmes évoluent
vers une forme d'uniformisation des comportements des consommateurs.
Sous cet angle, est-ce à dire que la consommation des
ménages aboutirait selon la nouvelle science économique à
un certain degré de norme ou de standardisation au même titre que
la production? Il semblerait que non. Si l'on s'en tient aux données de
recherche empirique et à la littérature issue de la psychologie
et de la sociologie de la consommation.