SECTION 2 : Qualification unitaire
Plusieurs éléments sont susceptibles de mettre
en évidence une qualification unitaire (§1), ce qui n'est pas sans
conséquences sur le régime juridique des contrats à
distance (§2).
§ 1 Les justifications d'une qualification
unitaire
Certains éléments commandent de
désapprouver l'application d'une qualification distributive. En effet,
sauf à remettre en question l'ensemble des qualifications juridiques en
considérant par exemple que la vente est un contrat mixte lorsque le
vendeur s'oblige à assurer la livraison du bien vendu30, il
ne paraît pas raisonnable de considérer qu'un contrat est mixte
dès lors qu'il fait naître des obligations de nature
différente.
Ainsi, il nous paraît plus raisonnable d'appliquer une
qualification unitaire à un contrat mixte dont l'une des obligations
semble ressortir plus qu'une autre, autrement dit, lorsqu'une obligation semble
accessoire à une autre qui peut être qualifiée de
principale.
Il s'agit cependant de déterminer dans quelle mesure
une obligation est accessoire à une autre, et notamment de comprendre si
l'accessoire est ce qui n'est pas prépondérant par opposition au
principal ou ce qui n'est pas suffisamment autonome en ce sens qu'il sert
d'instrument à l'exécution d'une autre obligation.
Dans le premier cas, il convient de mettre en oeuvre la technique
du faisceau d'indices.
Ainsi, si l'on s'en tient à la volonté de
l'utilisateur du site web, il nous semble qu'il paraît difficile de
mettre en évidence l'existence d'une obligation
prépondérante. En effet, si l'utilisateur souhaite
acquérir la propriété de vêtements et accessoires,
il désire tout autant obtenir un service de conseil de qualité de
la part du gestionnaire par l'intermédiaire de son styliste.
30 L'expression « livrer » consacrée par le
Code civil est malencontreuse car elle fait seulement référence
à la délivrance, impliquant la dépossession du bien des
mains du vendeur, et n'oblige pas le vendeur à assurer le transport de
la chose pour la remettre entre les mains de l'acheteur.
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A l'égard du prix pourtant, une telle solution est
moins évidente. En effet, s'il ne fait aucun doute que le prix de vente
des biens englobe celui du service personnalisé offert à
l'acheteur lorsque l'utilisateur reçoit la facture des biens qu'il a
acquis, le gestionnaire du site l'informe cependant qu'il ne sera redevable
d'aucune dette s'il retourne la totalité du contenu de la malle, de
sorte, qu'il n'entend même pas lui faire payer le service qui lui a
pourtant été rendu par le styliste. A cet égard, la
prestation de service apparaît moins prépondérante.
Dans le second cas, il semble que la prestation de service
assurée par le gestionnaire soit accessoire à la vente,
dès lors qu'elle n'est assurée qu'en vue de permettre au vendeur
de mieux vendre et à l'acheteur de mieux acheter. Ainsi, une
qualification unitaire de vente doit être privilégiée.
Il nous semble plus logique d'appliquer le second
critère dans la mesure où ce dernier est empreint de plus
d'objectivité que le 1er critère dont la
réalité variera au gré des espèces. En effet, dans
certains cas nous pourrons considérer comme très limitée
l'importance du service aux yeux de l'acheteur dès lors que ce dernier
renseigne très précisément ses goûts, ce qui ne
laisse qu'une faible marge de manoeuvre au styliste, et démontre que son
intervention a peu d'intérêt à ses yeux. Au contraire,
certains utilisateurs ne sachant pas choisir seuls accordent une confiance
presque aveugle en la personne du styliste, ce qui confère davantage de
valeur à ce service.
La directive du 25 Octobre 2011 vient apporter une
précision qui nous paraît capitale sur ce point. En effet, en
définissant la vente comme « tout contrat en vertu duquel le
professionnel transfère ou s'engage à transférer la
propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou
s'engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant
à la fois pour objet des biens et des services », la directive
semble privilégier une qualification unitaire de contrat de vente
lorsque le contrat a pour objet une vente et un service.
Cette lecture est confirmée par l'alinéa suivant
qui définit le contrat de service comme « tout contrat autre
qu'un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage
à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s'engage
à
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payer le prix de celui-ci ». En effet, en
s'abstenant de préciser qu'un contrat de service peut correspondre
à une telle qualification alors même qu'il a également pour
objet une vente, le législateur européen semble vouloir
privilégier la qualification de vente le cas échéant.
Ainsi, même si le projet de loi relatif à la consommation ne
consacre pas de telles définitions, on peut néanmoins
considérer qu'un tel raisonnement devrait être suivi en
application du principe de supériorité du Droit communautaire sur
le Droit interne.
Au regard de ces arguments, il nous semble que les contrats
conclus entre les parties doivent être considérés comme des
contrats de vente.
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