PARTIE 2 : LE DROIT DE RÉTRACTATION
APPLIQUÉ À LA VENTE « SURPRISE » À
L'ESSAI
Comme nous l'avons déjà évoqué, la
vente à l'essai est prévue par l'article 1588 du Code civil, qui
prévoit en substance que celle-ci n'est formée que sous la
condition suspensive de la réussite de l'essai.
Cette disposition n'est pas sans poser beaucoup de
difficultés, en particulier au regard de notre espèce, dans la
mesure où la frontière entre la faculté qui est
donnée à l'acheteur de faire échec à l'essai et le
droit de rétractation qui est attribué à ce dernier
lorsque la vente est conclue à distance, est ténue, voire,
inexistante.
Ainsi, il s'agit de se demander dans un premier temps si, la
circonstance selon laquelle la vente est conclue à distance, fait
obstacle à la qualification de vente à l'essai, dans la mesure
où le cyberacheteur dispose déjà au travers de son droit
de rétractation, des mêmes avantages que ceux qui lui seraient
offerts par la faculté de faire échec à l'essai (Chapitre
1).
En second lieu, il s'agira cependant d'envisager
l'articulation de la faculté de faire échec à l'essai et
du droit de rétractation, au cas où l'on devrait
considérer que ces deux droits se distinguent et se cumulent (Chapitre
2).
CHAPITRE 1 : L'autonomie de la faculté d'essai
vis-à-vis du droit de rétractation
Loin de se substituer à la qualification de vente
à l'essai, la qualification de vente à distance semble s'y
superposer. En effet, nous tâcherons de démontrer que la
première de ces qualifications, consacrée par les
rédacteurs du Code, à une époque où le droit de
rétractation n'avait pas été inventé, survit
à la seconde (section 1).
Il n'en reste pas moins qu'en raison de ses similitudes avec
la faculté de faire échec à l'essai, on peut s'interroger
sur la capacité du droit de rétractation à survivre
à la réalisation de l'essai et envisager son éventuelle
disparition au stade de l'exécution du contrat, malgré son
existence au stade de la conclusion (section 2).
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SECTION 1 : La survivance de la vente à l'essai
lorsque celle-ci est conclue à distance
Comme nous le verrons, il semble que des similitudes
évidentes existent entre le droit de rétractation et la
faculté de faire échec à l'essai, de sorte qu'il est tout
naturel de se demander si le droit de rétractation ne se substitue pas
à la faculté de faire échec à l'essai lorsque la
vente est conclue à distance (§1).
Cependant, en dépit de ces similitudes, il nous semble
qu'il faille considérer que le droit de rétractation s'ajoute
à la faculté de faire échec à l'essai sans s'y
substituer, dans la mesure où sa consécration en droit de la
consommation n'apparaît pas incompatible avec le droit commun du code
civil (§2).
§ 1 Les similitudes entre la faculté d'essai et
le droit de rétractation
La vente à l'essai doit être qualifiée
comme telle lorsque le vendeur offre à l'acheteur la possibilité
d'essayer, de tester et d'apprécier le bien dont il fait
l'acquisition.
Deux possibilités découlent alors d'une telle
circonstance. En effet, si l'article 1588 du Code civil présume que la
vente faite à l'essai est conclue sous la condition suspensive que
l'essai soit réussi, les parties peuvent néanmoins décider
que la vente soit conclue sous la condition résolutoire de
l'échec de l'essai.
Ainsi, dans le premier cas, la réalisation de la
condition emporte la formation définitive du contrat,
rétroactivement au jour de sa conclusion, tandis que dans le second,
elle emporte l'anéantissement rétroactif du conclu qui
était définitivement formé au moment de sa conclusion.
Si les parties ont parfois totalement conscience que leur
contrat correspond à la qualification de vente à l'essai et
qu'ils ont une connaissance parfaite des conséquences qui en
découlent, cette qualification est parfois découverte par les
parties au cours d'un
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litige lorsque le juge interprète une clause au terme
de laquelle il est possible de déduire que le bien n'était acquis
que sous réserve qu'il corresponde à certains
critères83.
Cependant, la question est de savoir si une vente peut
être qualifiée de « vente à l'essai » et
être présumée faite sous condition suspensive, si les
parties ne stipulent pas une condition résolutoire, lorsque la vente est
conclue à distance. En effet, auquel cas, l'article L 121-20 du Code de
la consommation offre déjà un droit de rétractation
à l'acheteur, de sorte qu'en stipulant une clause au terme de laquelle
le vendeur fait savoir à l'acheteur qu'il a la possibilité de
retourner la chose s'il n'est pas satisfait, le vendeur ne fait qu'informer
l'acheteur qu'il dispose d'un droit de rétractation qui lui est offert
par la loi.
On peut ainsi se demander si la qualification de vente
à l'essai n'est pas uniquement réservée aux contrats dans
lesquels un droit de rétractation légal n'existe pas, ainsi des
ventes à distance dont il est question aux articles L 121-20-2 et L
121-20-4 du Code de la consommation où il est fait exception à
l'existence d'un droit de rétractation, ou des ventes qui ne sont pas
conclues à distance et qui sont conclues dans le monde physique, ainsi
des ventes de vêtements qui ont lieu en magasin lorsque l'enseigne offre
à l'acheteur la possibilité d'obtenir le remboursement du prix
qu'il a payé en restituant les vêtements dont il n'était
pas satisfait.
La vente à distance où un droit de
rétractation existe au profit de l'acheteur, apparaît telle une
variété légale de vente à l'essai. Ainsi, la vente
à l'essai prévue par l'article 1588 du Code civil est
qualifiée comme telle lorsque la faculté d'essai dont
bénéficie l'acheteur n'existe que par la volonté des
parties, ce qui n'est pas le cas de notre espèce. En effet, même
si le vendeur déclare à l'acheteur qu'il a la possibilité
de retourner les vêtements dont il n'est pas satisfait, il n'en reste pas
moins que l'acheteur bénéficie de cette faculté au regard
de la loi, et qu'il serait déroutant d'imposer au vendeur qu'il informe
l'acheteur de son droit de rétractation tout en interprétant
cette information comme la volonté de lui offrir une faculté
supplémentaire que lui offre déjà la loi. Les similitudes
entre le droit de rétractation et la faculté de faire
échouer l'essai se déduisent d'ailleurs des ressemblances entre
le mécanisme de la condition dans la vente à l'essai
83 C. Cass. Civ 1ère 13 Octobre 1998, à
propos d'une vente de chevaux, le contrat mentionnant « si la jument fait
l'affaire » et « si elle est qualifiée pour le central
classique de 1993 ».
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et le débat sur les effets du droit de
rétractation. En effet, la doctrine s'est longtemps divisée sur
les effets du Droit de rétractation84.
Tandis qu'une partie d'entre elle considérait que
l'existence d'un tel droit avait pour effet d'anéantir un contrat
déjà formé, le reste de la doctrine considérait au
contraire le non exercice du droit de rétractation comme une
étape dans le processus de formation du contrat, venant parfaire
l'effectivité de l'acceptation.
Dans le premier cas, le droit de rétractation
opérait donc telle une condition résolutoire tandis qu'il
opérait plutôt telle une condition suspensive dans le second. On
le voit, ces deux mécanismes renvoient à ceux qui peuvent
être mis en oeuvre dans le cadre d'une vente à l'essai.
Le Droit des contrats à distance semble cependant
plutôt pencher pour la première interprétation.
En effet, l'article 12 a) de la directive du 25 Octobre 2011
dispose que
L'exercice du droit de rétractation a pour effet
d'éteindre l'obligation des parties :
D'exécuter le contrat à distance ou le contrat
hors établissement.
Ainsi, en considérant que les parties avaient
l'obligation d'exécuter le contrat à l'égard duquel le
droit de rétractation est exercé, il paraît clair que
législateur européen considère que l'exercice de ce droit
met fin au contrat qui avait été formé, de sorte que
l'exercice du droit de rétractation se rapprocherait de la
réalisation d'une condition résolutoire.
Cependant, comme nous allons le voir, le Code de la
consommation ne consacre pas un Droit dérogatoire sur ce point de sorte
qu'il y a tout lieu de considérer que la figure de vente à
l'essai semble se superposer à la figure spéciale de la vente
à distance et que les
84 V. sur ce débat, E. Poillot, et E.Bazin, « La
droit de repentir en droit de la consommation », D. 2008, p.
3028, spéc. n° 1.
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régimes juridiques qui leur sont propres se cumulent
lorsque le vendeur offre à l'acheteur un allongement du délai
légal de rétractation.
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