§ 2 Le respect des étapes de la
procédure d'échange des consentements par le vendeur
professionnel, gestionnaire du site web
A supposer qu'on considère qu'une offre conforme
à l'article 1369-4 du Code civil a été faite par un
professionnel sur Internet, la procédure spécifique
d'échange des consentements prévue par l'article 1369-5 du
même Code s'applique, à moins que les parties soient toutes deux
des professionnels ou que leurs échanges aient lieu par email.
51
Dans le premier cas, la procédure s'applique à
défaut de stipulation contraire tandis que dans le second, la
procédure n'est de toute façon pas applicable, comme nous le
verrons plus loin.
A première vue, l'article 1369-5 du Code civil semble
formuler dans des termes compréhensibles aux yeux du grand public, la
règle du double clic.
Ainsi, la disposition oblige en son alinéa 1 le
destinataire d'une offre conforme à l'article 1369-4 du Code civil,
à accepter celle-ci en deux temps, comme suit :
Pour que le contrat soit valablement conclu, le
destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier
le détail de sa commande et son prix total, et de corriger
d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son
acceptation..
Le premier clic correspondrait donc à la commande
tandis que le second correspondrait à la confirmation de l'acceptation
de l'offre, après que le destinataire de l'offre a eu la
possibilité de vérifier le détail de sa commande et son
prix total et de corriger d'éventuelles erreurs.
Cette lecture nous semble confirmée par l'alinéa 3
de ce même article qui dispose :
La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre
et l'accusé de réception sont considérés comme
reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y
avoir accès.
Selon cette disposition en effet, la commande
précède la confirmation de l'acceptation de l'offre, de sorte
qu'elle correspond au premier clic tandis que la confirmation correspond au
second, ce qui est conforme à la chronologie de la procédure
prévue à l'alinéa 1er.
A y regarder cependant de plus près,
l'interprétation de l'article 1369-5, dont les termes sont peu
juridiques, met en présence deux hypothèses.
52
En effet, l'alinéa 2 dispose :
L'auteur de l'offre doit accuser réception sans
délai injustifié et par voie électronique de la commande
qui lui a ainsi été adressée.
Ainsi, l'articulation des alinéas 1 et 2 donne la
chronologie suivante : commande, accusé de réception et
confirmation de l'acceptation de l'offre.
En revanche, l'articulation des alinéas 1 et 3 donne
une chronologie différente : commande, confirmation de l'acceptation de
l'offre, accusé de réception.
L'enjeu de l'interprétation n'est pas des moindres car
il s'agit de savoir quel rôle joue l'accusé de réception
dans le cadre de la procédure d'échange des consentements et
l'incidence de son absence.
Dans le premier cas, il s'agirait d'une étape qui
participe à la formation du contrat dans la mesure où on pourrait
considérer que, n'ayant pas reçu l'accusé de
réception de la part de l'offrant, le destinataire ne pouvait
valablement confirmer l'acceptation de l'offre. Selon cette
interprétation, la négligence du professionnel qui n'accuserait
pas réception de la commande après qu'elle a été
validée par un premier clic, serait de nature à fait obstacle
à la formation du contrat.
Dans le second cas, l'accusé de réception ne
serait qu'une preuve de ce que le contrat a été conclu, venant
récapituler au destinataire de l'offre, le contenu de la commande dont
il a confirmé la première validation. Ainsi, le contrat serait
tout de même valablement conclu en son absence mais il serait impossible
à chacune des parties de prouver l'existence du contrat qu'elles ont
conclu.
Ces deux hypothèses mettent en présence des effets
théoriques diamétralement différents mais emportent des
conséquences pratiques semblables : l'impossibilité de pouvoir se
prévaloir du contrat qui a été conclu ou qui devait
valablement l'avoir été. Malheureusement, il n'existe pas de
jurisprudence venue consacrer l'une de ces théories, de sorte qu'il est
difficile de savoir à quoi s'en tenir.
53
Il n'en reste pas moins que, dans notre cas présent, la
procédure est fidèlement respectée par le gestionnaire du
site web.
Ainsi, le destinataire de l'offre - on suppose ici que l'offre
faite via internet est conforme à l'article 1369-4 du Code civil et
comporte les éléments essentiels du contrat dont la conclusion
est projetée - effectue son premier clic correspondant à la
commande lorsqu'il valide une première fois la page sur laquelle figure
ses goûts vestimentaires, ses besoins, ses mensurations et son adresse.
Il effectue alors son second clic lorsque s'affiche la page récapitulant
la commande qu'il vient d'effectuer, sur laquelle figure une case lui
permettant de modifier son panier, ainsi qu'un encart au sein duquel il doit
renseigner ses coordonnées bancaires et valider définitivement
son achat.
L'accusé de réception pourrait alors
correspondre, dans notre première hypothèse, à la page
récapitulant la commande qu'il a passée et sur laquelle s'affiche
l'encart lui permettant d'inscrire ses coordonnées bancaires et de
valider définitivement son achat. Il pourrait cependant correspondre,
dans notre seconde hypothèse, à l'email que l'acheteur recevra
après avoir validé définitivement son achat ou encore
à la page qui s'affichera dans un troisième temps, lui faisant
savoir que son paiement a été accepté et que son achat a
bien été validé, après qu'il a effectué son
second clic.
Fort heureusement pour notre gestionnaire de site web, il
effectue toutes ces diligences de sorte qu'aucun risque n'existe pour lui du
point de vue de la procédure d'échange des consentements, si l'on
considère qu'ayant fait une offre conforme à l'article 1369-4 du
Code civil, il était tenu de respecter une telle procédure.
Il reste à envisager cependant cette même
question du respect de la procédure d'échange des consentements
en ce qui concerne cette fois-ci, les échanges qui ont lieu entre
l'acheteur et le vendeur représenté par son styliste, en dehors
du site Internet.
54
|