L'éducation de l'élite gouvernante dans la pensée platonicienne( Télécharger le fichier original )par Placide IPAN MOLOUASHUNI Institut supérieur de philosophie Saint-Joseph MUKASA Yaoundé Cameroun - Baccalauréat 2010 |
I.3. Le savoir et l'ignoranceLa connaissance de ce qui est immuable, la connaissance du Bien étant une des fonctions primordiales du philosophe-roi, il faudra maintenant pour cela, un certain savoir qui puisse l'aider à parvenir à cette idée du bien ou la connaissance de l'immuable. Rappelons tout d'abord que la sagesse pour Platon mieux le sage de Platon, qui regarde et contemple les objets ordonnés et immuables, est trop absorbé par un monde supérieur pour enfin abaisser son regard sur la conduite des hommes qui sont prisonniers de la caverne. C'est ainsi que Platon le souligne quand il dit : « mais s'il redescend au près d'eux pour les instruire, pour leur montrer l'inanité des fantômes de la caverne et leur décrire le monde de la lumière, qui l'écoutera sans rire, qui, surtout, donnera créance à sa divine révélation ? »12(*). Et au Livre VII, Platon illustre encore plus clairement la hiérarchie des formes de l'Etre et la conversion à l'intelligible : les habitants de la grotte, prisonniers enchaînés depuis toujours le dos tourné à l'entrée, perçoivent sur le fond les ombres que projettent des objets potés par des hommes circulants au-dehors : ils prennent ces ombres donc pour des réalités. Ainsi, les objets réels sont aux ombres ce que le monde des Idées est au monde visible. Aussi, il faut dire que la conversion est-elle pénible en ce sens qu'en allant vers la lumière, le prisonnier ébloui s'en remplit les yeux, mais en revenant parmi ses anciens compagnons de la caverne, il passe pour un menteur ou un ferment de désordre. Telle est selon Platon, la signification de la mort de Socrate, le juste incompris de ses semblables parce qu'il a vu la vérité13(*). Nous réalisons bien là que la connaissance devient libératrice et non contemplative comme nous l'avons ci-dessus souligné, car dans un texte célèbre, l'allégorie de la caverne, Platon compare notre situation d'ignorance à celle d'un prisonnier condamné à ne voir depuis l'enfance que des ombres. Ainsi, sous le poids de nos désirs et de nos opinions, nous ne pouvons qu'errer dans l'illusion. Pour cela, il faut donc que le philosophe, lui qui sait, puisse délivrer le prisonnier que nous sommes de ses chaines (ce que fit Socrate pour Platon) pour apprendre notre raison à voir les réalités qui sont les idées. Dans ce sens, Platon oppose la lecture sensible du monde, mouvante, source d'erreurs et d'errance à la lecture intelligible, source de la connaissance. Nous devons à ce juste titre saisir les idées qui sont le modèle du sensible. A titre d'exemple, notons que l'idée de justice est le modèle qui permet de comprendre ce que sont les conduites justes, l'idée du beau en ce sens, est quant à elle, le modèle qui permet de reconnaître les choses belles, etc. Ainsi Platon ajoute-t-il que « ...L'éducation sera une conversion de l'âme, un passage de l'ignorance à la lumière...pour ceux qui aiment le spectacle de la vérité »14(*). Nous voyons bien là que le savoir vient comme pour affranchir ou libérer l'âme de son état d'ignorance. Voilà pour quoi nous pouvons affirmer avec H.I. Marrou que : « le mythe fameux de la caverne proclame la puissance libératrice du savoir qui affranchit l'âme de cette inculture, que le Gorgias déjà dénonçait comme le plus grand des maux »15(*). La connaissance ou le savoir est à ce point libérateur, c'es-à-dire que celui qui sait ou connaît le bien ou la vérité, devra nécessairement redescendre comme pour paraphraser Platon dans la caverne, non pour y demeurer, mais plutôt pour libérer les autres qui jusque là, sont encore dans l'esclavage de l'ignorance. Bref, le philosophe qui a été éclairé par la lumière de la connaissance ou de la vérité, se voit investi d'une mission spéciale qui est celle de délivrer les autres de leur ignorance. En ce sens donc, le philosophe sera capable de mettre chaque chose à sa place pour que la justice règne dans la cité. * 12Idem, p.39. * 13Cf. Platon, Op. Cit., VII, 514 a. * 14 Platon, La République, V, 475 a-475 e. * 15 Henri Irenée Marrou, Op. Cit., p.110. |
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