L'éducation de l'élite gouvernante dans la pensée platonicienne( Télécharger le fichier original )par Placide IPAN MOLOUASHUNI Institut supérieur de philosophie Saint-Joseph MUKASA Yaoundé Cameroun - Baccalauréat 2010 |
CHAP.I. LE POUVOIR POLITIQUE CHEZ PLATONDans ce chapitre, il s'agira pour nous de mettre en exergue la conception du pouvoir politique chez Platon ; laquelle politique est modelée sur son anthropologie, car les moeurs d'un Etat sont nécessairement modelées sur celles des individus. Platon ne se faisait pas d'illusion sur la difficulté d'appliquer son système. Il savait que la doctrine des idées sur laquelle il repose, était inaccessible à la foule. Par conséquent, sa constitution devait lui être imposée, qu'elle le voulut ou pas, et qu'elle ne pouvait l'être que par un philosophe roi ou un roi philosophe, et philosophe à la manière de Platon. Ainsi, ce chapitre nous permettra de comprendre la place du philosophe-roi dans la cité, tout en montrant certains prérecquis que ce dernier devrait avoir, afin de pouvoir bien la gouverner. I.1. Le philosophe-roi dans la citéAvant d'aborder cette question, il nous revient de nous acquitter d'un devoir, celui d'expliquer pourquoi les philosophes peuvent-ils gouverner la cité selon Platon. En effet, si Platon veut que les philosophes soient rois ou l'inverse, c'est parce que le gouvernement qu'il réclame est un gouvernement de savoir, c'est-à-dire qu'il suppose que ces dirigeants connaissent le Bien ou la Vérité. Et pour que la vie humaine, une vie digne de ce nom et d'être vécue soit possible, il faudra que les philosophes deviennent rois ou les rois philosophes. Dans ce sens, le pouvoir sera confié aux philosophes. Bien plus, il n'est rien de plus naturel, de plus raisonnable, que de confier le pouvoir à celui qui sait distinguer entre le bien et le mal, la vérité et l'erreur, le réel et la fausse apparence. N'est-il plus juste de confier le pouvoir à celui qui sait s'il est bon ou non de construire des arsenaux et de lancer des navires, plutôt qu'à celui qui l'ignore, au philosophe qu'au stratège, au banquier ou au démagogue ? N'est-il pas raisonnable de lui laisser aussi diriger l'éducation de la jeunesse, la sélection et la formation de l'élite, le choix et l'entrainement des futurs dirigeants de la cité, au lieu de laisser tout cela s'accomplir au petit bonheur, sans plan, sans méthode, sans principes ? Est-il dit que le savoir a moins de droit d'exercer son influence sur la direction des affaires que le courage, la richesse, le talent oratoire ou tout simplement la naissance et la tradition ?2(*). Toutes ces questions nous amènent à dire qu'il sied juste voire même impérieux de laisser à la charge du philosophe des affaires de la cité, car ce dernier a la capacité de distinguer le bien d'avec le mal, la vérité et l'apparence, etc. Et l'idée que le philosophe soit roi ou chef, constitue le fondement même du pouvoir politique dans l'oeuvre la plus émouvante de Platon qui est La République. C'est donc cette conception qui va être à la base de la pensée politique platonicienne après la mort de son maître Socrate, car pour ce dernier, à la question de savoir quel type de changement, fût-il minime, peut transformer un Etat de mauvais en bon, il répond : un seul. C'est que les philosophes deviennent rois dans les cités ou que les rois deviennent à leur tour philosophe. C'est ainsi que Platon la stipule clairement par la bouche de Socrate lorsqu'il dit : « s'il n'arrive pas, repris-je, ou bien que les philosophes deviennent rois dans les Etats, ou que ceux auxquels on donne le nom de rois et de princes ne deviennent philosophes, authentiquement et comme il faut, et cet ensemble, pouvoir politique et philosophie, se rencontre sur la même tête, s'il n'arrive pas d'autre part qu'aux gens cheminant de nos jours vers l'un de ces buts à l'exclusion de l'autre, (...) on ne barre de force la route, (...), alors mon cher Glaucon, il n'y aura pas de trêves aux maux dont souffrent les Etats, pas davantage, je pense à ceux du genre humain... »3(*). Il affirme en outre que « les maux ne cessent pas pour les humains avant que la race des purs et authentiques philosophes n'arrive au pouvoir ou que les chefs des cités, par une grâce divine ne se mettent à philosopher véritablement »4(*). Platon on le sait, espéra un moment convertir Denys le jeune et son ami Dion à ses idées poloitiques et philosophiques. Mais son échec auprès du premier, et l'assistance du second lui enlèvent ses illusions. Toutefois nous devons retenir que la politique avait toujours été une de ses préoccupations dominantes, en dépit des différentes déceptions auprès de Denys et Dion. Signalons aussi que Platon ne se détacha jamais de son ambition politique, raison pour laquelle, il reprit la plume de sa vieillesse pour tracer une autre illusion. C'est bien celle qu'il a exposé dans les Lois. Elle repose sur les mêmes principes ; mais elle est cette fois-ci plus pratique et renonce à la communauté des biens, des femmes et des enfants. De plus, ayant montré la place du philosophe dans la cité, la tâche nous revient de montrer quelles sont les qualités que doit posséder cet homme, le philosophe pour pouvoir diriger la cité. C'est bel et bien la tâche que nous assignons au deuxième, troisième et quatrième point de ce chapitre. * 2 Cf. Martin Briba, Le philosophe dans la cité selon Platon, PUCAC, Yaoundé, 2009, p.32. * 3 Platon, La République, V, 473 c-d. * 4 Cf. Platon, Lettres, VII, 326 a. |
|