2. La sociologie politique comme cadre de
référence
Si l'on considère que « les champs de
l'étude renvoient au cadre théorique général dans
lequel s'intègre la problématique de l'étude
»8, il va sans dire que notre étude se retrouve dans
l'un des champs théorique généraux que compte la
sociologie : la sociologie politique. De plus, « toute science cherche
à définir son domaine, à mettre en évidence des
faits en vue d'établir des lois ».9
8 Mesmin-Noël SOUMAHO, Eléments de
méthodologie pour une lecture critique, T. 1, Paris, l'harmattan et
Cergep Editions, (Coll. « Recherches Gabonaise »), p.
123.
9 Gaston MIALARET, Introduction aux sciences de
l'éducation, Paris/Genès, Unesco, Delachaux et
Niestlé, 1985, p. 25, cité par Alexandre NGOUA in, La
sorcellerie du kong à Bitam : une manifestation symbolique de
l'économie de l'Etat capitaliste, Rapport de Licence, Libreville,
UOB/FLSH, Sept. 2003, p.5.
12
Par ailleurs, il est important de dire que le pouvoir
n'étant pas dissocié du religieux puisque « le fait
religieux entretient un rapport étroit avec la politique; le pouvoir
»10, affirmer que le religieux et la politique sont intimement
liés, c'est se référer à l'histoire des rois de
France qui, pour être légitimés par le peuple
français, furent intronisés et sacrés rois par l'Eglise.
Par analogie, nous considérons que le religieux c'est le veuvage et que
la politique soit le fait que la veuve prenne la place de son défunt
mari dans la gestion de la communauté, il n'en demeure pas moins qu'elle
doit se soumettre à des rites d'expiation et d'intronisation. Parce
qu'il s'agit de la ritualisation du pouvoir politique, et qu'on ne peut exercer
légitimement ces fonctions politiques qu'après s'être
prêter au veuvage et à l'intronisation qui s'y accompagne.
Puisqu'il convient d'étudier le veuvage de
l'épouse d'un maître-initié mère de jumeaux et
toutes ses implications, si non ses incidences, d'une telle situation aux plans
politiques et religieux de la communauté Akélé du
Moyen-Ogooué, nous nous inscrivons pour la circonstance, dans la
sociologie politique pour nous édifier sur la question.
La sociologie politique se définit comme la science du
pouvoir. En effet, elle est « la science du pouvoir (de l'autorité
du commandement, du gouvernement) dans quelque société humaine
que se soit, et pas seulement dans la société étatique
».11 De plus, « le phénomène de
l'autorité et du pouvoir n'est pas propre à l'Etat ; il se trouve
dans toute `'organisation sociale», même la plus réduite
(entreprise, université, section de parti, de syndicat, etc.)
»12 La société Akélé est
régie comme un Etat, puisqu'elle a à sa tête un chef et
autour de ce chef, gravite toutes les institutions politiques qui permettent de
réguler l'ordre dans cette société lignagère.
10 Lionel Cédrick IKOGOU-RENAMY, Le
marché des restes humains. Etude sur le fétichisme politique
à Libreville, Mémoire de Maîtrise en Sociologie,
Libreville, UOB/FLSH, Oct. 2008, p.9.
11 Roger Gérard SCHWARTZENBERG,
Sociologie politique, Paris, Edition Montchretien,
5ème édition, (Coll. « Domat politique
»), 1998, p. 30.
12 Ibid., p. 31.
13
Nous pouvons préciser que la politique est un produit
de la société. La sociologie politique met en évidence le
pouvoir ; où nous présentons deux de ces caractéristiques
:« d'abord sa fonction de régulation sociale, le pouvoir est
indispensable et se renforce grâce aux inégalités qu'il a
pour but de combattre et qui le justifient, d'où son
ambiguïté. Dans une société sans conflit, le pouvoir
serait inutile. Georges BALANDIER ajoute une seconde caractéristique
importante : la sacralité. Toujours présente, bien que plus ou
moins manifeste suivant les sociétés ».13 On
retient que l'exercice du pouvoir obéit à une ritualisation, dont
l'intronisation et le gouvernement en sont les clés.
L'étude du pouvoir implique l'observation des
mécanismes politiques (autorité, gouvernement, etc.) par lesquels
le pouvoir se conquière et s'exerce. La sphère d'action ou
d'interactions des gouvernants, telle qu'elle peut-être
déterminée par l'organisation sociale existante et par les
positions ou réactions du corps social, c'est-à-dire, les formes,
l'étendue, et les limites du pouvoir, ainsi, que les techniques de
gouvernement au moyen d'exercer le pouvoir. Or, il est indéniable que le
pouvoir soit intimement lié au sacré. Partant de ce postulat,
nous affirmons que le rite du veuvage, en tant qu'initiation de l'épouse
du maître-initié et mère de jumeaux, apparaît comme
un des mécanismes politiques qui permettent d'accéder au
pouvoir.
Du point de vue anthropologique, il faut dire que l'objet de
l'anthropologie politique tient compte des « croyances, les symboles, les
rites, les mythes »14 pour être mieux
élaborée. En effet, cette étude nous conduit de quelque
façon que se soit à visiter l'univers du symbolique, du
sacré et des représentations voire des croyances des
Akélé du village de Bellevue sur Lambaréné
(Moyen-Ogooué) ; dans l'optique de rendre compte sinon d'analyser le
veuvage de l'épouse d'un maître-initié, mère de
jumeaux, et ses effets; au sein d'une société lignagère a
priori androcentrique.
13 Georges BALANDIER cité par Madeleine
GRAWITZ, Méthodes en sciences sociales, Paris, Dalloz, 1996, p.
288.
14 Lionel OBADIA, L'Anthropologie des
religions, Paris, Editions La Découverte, (Coll. «
Repères »), 2007, p.64.
14
Enfin, en convoquant la sociologie politique, Marta HARNECKER
définit le pouvoir politique comme « la capacité d'utiliser
l'appareil d'Etat pour réaliser les objectifs politiques de la classe
dominante [...] la classe ou les classes qui ont conquis ce pouvoir mettent
l'appareil d'Etat au service de leur intérêt ».15
Mieux, la sociologie politique « est la science du pouvoir (de
l'autorité, du commandement, du gouvernement) dans quelques
sociétés humaines que ce soit, et pas seulement dans les
sociétés étatiques ».16 Il nous
paraît important de renchérir cette esquisse
définitionnelle de la sociologie politique, par la convocation des
auteurs comme Jean-Pierre COT et Jean-Pierre MOUNIER17. En effet,
pour eux, « toute classe dominante produit une idéologie dominante
qui contribue au maintien de sa position dominante en légitimant son
pouvoir ».18
Par analogie, la classe dominante dont il est question dans
notre travail est celle des maîtres-initiés qui, par leurs
connaissances et leurs statut de chefs politiques, entendent conserver aussi
longtemps que possible leur pouvoir et sa légitimité sur
l'ensemble des membres de la communauté (des autres
Maîtres-initiés, les mères des jumeaux, etc.)
15 Marta HARNECKER, Les concepts
élémentaires du matérialisme historique, Bruxelles,
Edition. Contradictions, 1974, p. 105.
16 Roger Gérard SCHWARTZENBERG,
Sociologie politique, Paris, Edition Montchretien,
5ème édition, (Coll. « Domat politique
»), 1998, p. 30.
17 Jean-Pierre COT et Jean-Pierre MOUNIER, Pour
une sociologie politique. Tome 2, Paris, Editions du Seuil, 1974, (coll.
« Points »), 183 p.
18 Ibid., pp.57-58.
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