Liste des tableaux
? Tableau n°1 : Construction du
concept principal de « la veuve d'un
maître-initié,
mère des jumeaux » . 24 ?
Tableau n°2 : La comparaison entre le Mungala et
l'Ondoukoué chez les Akélé du
Moyen-Ogooué .58 ? Tableau n°3
: La correspondance des objets matériels du pouvoir
à la naissance
des jumeaux et lors du veuvage . 89
8
Introduction générale
Notre étude porte sur la société
Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue. Ce groupe
ethnolinguistique se retrouve à peu près dans sept provinces du
Gabon, sous des appellations toutes différentes selon les régions
qu'ils occupent. Notons par exemple qu'on les appelle Akélé, dans
le Haut-Ogooué, on parle de Mbahouin, dans le Moyen-Ogooué,
Akélé, dans la Ngounié, les Kélé ou
Bakélé à Fougamou, comme à Mouilla, Mimongo, puis
ils sont Toumbidi à Mbigou et à Malinga. Dans
l'Ogooué-Ivindo, on les appelle les Ongom ; dans, l'Ogooué-Lolo,
ils sont aussi Bakélé. Enfin, dans l'Ogooué-Maritime, ils
sont appelés Akélé. N'oublions pas que leur appellation
d'origine est « Ongom ».
La présente étude consistera à montrer
comment ce groupe ethnolinguistique Akélé du village Bellevue est
gouverné par des considérations sociopolitiques et religieuses.
Justement, nous voulons comprendre comment à travers un pan de cette
société c'est-à-dire le veuvage, l'épouse d'un
maître-initié mère des jumeaux, nous permet de lire la mise
en évidence des structures politiques de cette pratique sociale. La
naissance gémellaire, le décès d'un
maître-initié, le veuvage, les rites et l'implication des
sociétés initiatiques masculines et secrètes sont autant
d'éléments sociologiques et anthropologiques qui nous permettent
de déchiffrer cette organisation politique et religieuse
Akélé.
Ainsi, nous nous proposons de décrypter la place
qu'occupe le rituel du veuvage de l'épouse d'un
maître-initié, mère des jumeaux, qui hérite du
statut de son défunt mari à travers ce que nous appelons les
rites d'intronisation de cette femme dans la communauté des
Maîtres-initiés.
De manière générale, le veuvage est
définit comme « une situation de totale retenue da la veuve
à l'écart de tout ce qui relève de la vie quotidienne.
Cette retenue s'accompagne également d'une restriction des contacts avec
l'entourage immédiat;
lointain et d'une série d'interdits »1
; est un ensemble constitué de purification psychique et physique afin
de libérer la veuve des possibles persécutions de l'esprit de son
défunt époux. Mais, pour le groupe Akélé du
Moyen-Ogooué, du village Bellevue, le veuvage est surtout une initiation
pour la femme d'un maître-initié, mère des jumeaux. Car la
veuve change de statut et acquiert le statut de son défunt époux
à travers les rites d'intronisation.
Pour résumer ; « le travail de la sociologie
consiste à aller au-delà de l'apparence, des mouvements des
catégories de la pratique, du bon sens, pour retrouver non pas des
principes ou des valeurs et pas davantage des réalités
matérielles, [...] mais l'action de la société sur
elle-même et les relations sociales définies par les
différents types d'action ».2 Jl est à souligner
que la veuve d'un maître-initié, mère des jumeaux est un
chef politique dans la société Akélé, car elle
détient une connaissance "absolue" des secrets du monde visible et
invisible.
Enfin, le rapport existant entre le pouvoir religieux et le
politique dans la société Akélé du
Moyen-Ogooué, du village Bellevue à travers le veuvage de
l'épouse d'un maître-initié, mère des jumeaux,
permet de dire que la veuve d'un maître-initié, mère de
jumeaux devient un chef politique et religieux parce qu'elle hérite les
biens symboliques de son défunt époux.
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1 Louis-Vincent THOMAS, Mort et pouvoir,
Paris, Payot, 1999, pp.9-10.
2 Alain TOURAINE, Pour la sociologie, Paris,
Editions du Seuil, (coll. « Points »), 1974, p.238.
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Section 1 : Objet et champ de l'étude
1. Le veuvage de l'épouse d'un
maître-initié, mère de jumeaux comme objet
d'étude
En sciences sociales, le processus de recherche repose sur un
problème particulier. A cet effet, le chercheur doit avoir un objet
d'étude. C'est-à-dire, ce sur quoi il entend travailler. Dans
cette perspective, « le chercheur doit d'abord définir les choses
dont il traite afin que l'on sache de quoi il est question ».3
Autrement dit, « l'objet de recherche c'est ce sur quoi porte
l'étude »4 et il n'est jamais donné. C'est
pourquoi « la construction de l'objet est l'un des points essentiels et
les plus difficiles de la recherche, le fondement sur lequel tout repose
».5 Cet objet est perçu comme étant un
problème posé, formulé rigoureusement, un fait
scientifique qui rend compte de la réalité sociale. Ainsi, notre
objet d'étude ; « le veuvage de l'épouse d'un
maître-initié, mère de jumeaux », s'articule
autour du rapport existant entre l'épouse d'un
maître-initié mère des jumeaux et l'institution du veuvage,
en vigueur dans la société Akélé du
Moyen-Ogooué, au centre ouest du Gabon.
En effet, le veuvage est une conséquence de la mort.
« La mort est une donnée socioculturelle par les croyances ou les
représentations qu'elle suscite et par les attitudes et rites qu'elle
provoque ».6
Notre étude est adossée à l'idée
que « la pratique du veuvage de l'épouse d'un
maître-initié, mère de jumeaux, chez les
Akélé du Moyen-Ogooué, du village Bellevue, ne se vit pas
de la même manière que celui d'une femme mère ordinaire
».7
3Emile DURKHEIM, Les règles de la
méthode sociologique, 11ème édition,
Paris, PUF/Quadrige, 2002, p.34.
4 Mesmin-Noël SOUMAHO, Eléments de
méthodologie pour une lecture critique, T. 1, Paris, l'harmattan et
Cergep Editions, Coll. « Recherches Gabonaise », 22, p.
123.
5 Gaston BACHELARD cité par Madeleine
GRAWITZ, Méthodes en sciences sociales, Paris, Dalloz, 1993, p.
422.
6 Louis Vincent THOMAS, Les rites
funéraires, bulletin n°60 et 61, 18ème
année, société de thanatologie, Décembre 1984, p.
33.
7 L'étude descriptive du
phénomène du veuvage a montré que le traitement
réservé à la mère des jumeaux lors du veuvage
diffère de celui de la femme mère ordinaire car la veuve
mère des jumeaux a un rituel approprié du fait qu'elle ait mis au
monde deux enfants considérés, chez les Akélé,
comme des êtres extraordinaires voir des princes.
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Ainsi, pour avoir une meilleure compréhension de notre
objet d'étude, nous tenterons de faire une analyse du rituel du veuvage
depuis le jour du décès jusqu'au levé de terre ; comme
rite de contrainte qui marque la séparation du défunt avec les
vivants et l'organisation de la gestion des affaires courantes.
La pratique du veuvage de l'épouse d'un
maître-initié, mère de jumeaux, apparaît comme un
alibi pour (re)visiter la problématique des catégories sociales
en formation dans nos sociétés lignagères. Si tant est que
nous partons de l'hypothèse que le veuvage de la femme d'un
maître-initié conduit à un changement de statut parce
qu'elle hérite du statut de son mari, ces considérations nous
amènent, alors, à avancer que notre objet d'étude se
focalise sur l'épouse d'un maître-initié
mère de jumeaux, qui se trouve dans une situation particulière :
le veuvage.
Il ya dans ce sujet une combinaison de deux statuts ; celui de
mère de jumeaux qui appelle un traitement particulier et celui de veuve
d'un maître-initié qui, pour sa part, a des exigences politique et
religieuse liées au statut du défunt. C'est ce rapport,
sous-entendu dans notre travail, que nous voulons rendre intelligible par le
souci de son mode d'articulation.
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