2. Les conduites post-mortem dans la description du
décès
Premièrement Lorsque le mari décède, la
mère des jumeaux est prise en charge par d'autres veuves mères
des jumeaux qui sont dépositaires des pouvoirs supranaturels. Mais il
n'ya pas que les veuves mères des jumeaux qui s'occupent d'elle, notons
également que les hommes initiés au Mungala et à
l'Ondoukoué, les pères spirituels et les ngangas. Le veuvage se
fait par des personnes qui occupent une position dominante te le pouvoir
dominant est un pouvoir symbolique. Personne d'autre ne s'occupe de cette
veuve. La veuve a une manière très spéciale de pleurer son
mari car elle ne le pleure pas sur une natte comme le font les autres veuves en
général.
Elle pleure son mari sur un tabouret qui est le signe
d'élévation et le signe du pouvoir, en ce sens qu'elle se
distingue toujours des autres femmes non mères des jumeaux. La veuve
change d'accoutrement pour la circonstance puisqu'elle porte désormais
un pagne blanc au niveau de ses seins, le pagne blanc signifie le deuil. Elle
se distingue toujours des autres veuves.
Deuxièmement, la veuve reste torse nu parce qu'on lui
fait porter les instruments symboliques sur son corps qui servent de
protection. Elle porte une ceinture de porte panier sous sa poitrine jusqu'au
jour du levé de terre. Ce porte panier sert à atténuer la
douleur de la disparition de son mari. Cette situation symbolise son passage de
la classe des femmes à celle des « femmes-hommes ». Par
ailleurs, la veuve est maquillée avec du Kaolin rouge'66 et
du Kaolin blanc'67. Elle porte aussi sur le dos la peau de la
civette'68. Notons aussi qu'on retrouve sur sa poitrine des cordes
(Lendanka) croisés fait à base d'une plante de tige
représentant les
166 Le Kaolin rouge est un des signes de la naissance des jumeaux
; aussi les menstrues
167 Le Kaolin blanc représente la pureté et le
sperme.
168 C'est un signe d'autorité
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jumeaux. Elle doit nécessairement porter dans sa main
un grelot (Legun) qui est une cloche traditionnelle,
elle doit faire retentir cette cloche chaque fois qu'elle se déplace.
Pendant le veuvage, la veuve dort sur cette natte et un tronc
de bananier qui lui sert d'oreille, elle se couvre avec un raphia, quant elle
dort le visage est tourné contre le mur, la nuit une de ses
belles-soeurs dort avec elle y compris les autres veuves mères des
jumeaux. La veuve est isolée pour quelques jours voire des semaines cela
dépend de l'avis des anciens. Mais le plus souvent ce rituel dure quinze
(15) jours, après cette période, le levée de terre se
fait. Cette cérémonie est constituée de plusieurs
étapes très importantes qui consistent à la purification
de la veuve parce que l'esprit du mari est en contact direct avec elle.
Celle-ci est caractérisée par trois (3) étapes :
? Première étape : Il
s'agit du bain de purification qui est la base d'une séparation
indirecte entre la veuve avec son défunt mari. Ce bain est
préparé par des veuves mères des jumeaux, les ngangas et
les prêtres spirituels.
? Deuxième étape : Il
est question ici de la prise du bain après chaque heure à partir
de trois (3) heures du matin pour couper les liens avec le défunt.
? Troisième étape :
Enfin, au levé du jour, la veuve porte ses vêtements habituels.
Cette dernière étape constitue le retour à la vie
quotidienne.
Dans cette même perspective, le point de vue de
Claudine-Augée ANGOUE169 nous offre une description du deuil
d'un chef de famille dans le nord du Gabon et où elle met en
évidence l'implication des femmes, oncles et neveux utérins dans
l'organisation de ce deuil. Le deuil est d'abord affaire de la famille du
défunt, la communauté interviendrait en dernière
position.
Ce qui n'est pas le cas du deuil d'un
maître-initié dans la société Akélé du
Moyen-Ogooué du village de Bellevue. En effet, dans ce groupe
ethnolinguistique le deuil d'un maître-initié est d'abord
assuré en 1er lieu par la communauté des
maîtres-
169 Claudine-Augée ANGOUE, De la
duolinéarité à l'illusion de l'unilinéarité
dans les systèmes de descendance au Gabon ; pp.103-138, in
Revue Gabonaise de sociologie, n°1, Paris, CRES/L'Harmattan, 2009,
186 p.
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initiés, comme l'affirme Zacharie170. En
deuxième position les membres de la famille, amis, voisins et les femmes
initiées (mères des jumeaux et veuves), participent aussi au
rituel du défunt. Ces deux exemples pris parmi tant d'autres nous
permettent de nous rendre compte que les systèmes de gestions du deuil
et partant de la mort, diffèrent d'une région à l'autre,
d'un groupe social à un autre. Nous pensons que le deuil est un
phénomène social total qui nous permet de lire les rapports de
pouvoir en relation étroite avec le symbolique.
Enfin, nous adoptons le point de vue de Claudine-Augée
ANGOUE comme quoi « le deuil est une occasion de revitaliser les statuts
des différents acteurs »171, c'est-à-dire qu'il
nous permet de voir qui fait quoi, qui a les droits et les devoirs et qui
occupe quelle place dans la société.
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