Section 2 : Les hommes et les femmes dans
société Akélé
Il faut d'abord rappeler que les Akélé dont il
s'agit ici sont ceux du Moyen-Ogooué, précisément du
village Bellevue130, situé à environ 70 km par voie
fluviale soit 1h30min de navigation de Lambaréné. 38 Km en
passant par voix terrestre par le carrefour Palmier-véa (Makouké)
soit environ 45 min de route. Ce qui fait que les activités
socio-économiques qui prédominent dans ce village sont : La
pêche et la chasse. A cela, notons que les Akélé accordent
une grande importance à leurs traditions ; particulièrement les
rites initiatiques que sont : La circoncision, Le Mungula, L'Ondoukoué
pour ce qui est des hommes. Le Lessibu, Menionze pour les femmes, et
très spécialement, comme c'est le cas pour ce Mémoire de
Maîtrise pour les mères de jumeaux.
1. Le rapport entre les hommes et les femmes
Pour ce qui est de l'organisation sociopolitique,
précisons que cette société Akélé est
structurée ainsi qu'il suit : les hommes initiés uniquement
à tous les cultes (rites Akélé) siègent au corps de
garde. C'est dans ce même corps de garde que la vie sociale, politique,
économique et culturelle est débattue. Outre les hommes
initiés qui siègent dans ce corps de garde, il y a les femmes
mais pas n'importe laquelle, il y a d'abord la mère des jumeaux et la
femme d'un ancien haut dignitaire du village et enfin, les ngangas des deux
sexes.
Ce sont donc ces femmes qui rapporteront ce qui a
été dit au cours d'une réunion avec les hommes. Mais dans
ce sens, ce qui nous intéresse ici c'est particulièrement la
mère des jumeaux qui accède au corps de garde avant et
après la mort de son mari, si et seulement si elle est passée par
cette pratique religieuse qui n'est autre que le veuvage. C'est donc elle qui a
la charge ou la lourde responsabilité de jouer le rôle de
médiateur entre les initiés et les profanes (non-initiés)
des deux sexes, en rapportant ce qui a été dit ou
décidé dans le corps de garde par « les
130 Cf. les cartes qui présentent les localisations
géographiques dudit village.
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anciens ». Le monde social des Akélé est
fortement rythmé par les rites de passages qui font en sorte que les
néophytes grandissent en statut et en connaissance ; c'est le cas par
exemple de la naissance, de la mort, de la circoncision et le mariage. De cette
description du monde social des Akélé, il ressort finalement que
les hommes exercent une domination sur les femmes.
Les rapports sociaux chez les Akélé que nous
décrivons sont des rapports sociaux remplis d'idéologie et de
symbolique. Et ce sont ces rapports sociaux qui vont expliquer la
manière dont les Akélé se comportent avec les ngangas, les
initiés, les jumeaux, maîtres-initiés et les veuves de ces
maîtres-initiés, mères de jumeaux. C'est du moins ce que
pense Maurice GODELIER131, à propos des rapports sociaux
lorsqu'il affirme que « tous les rapports sociaux, y compris les plus
matériels, contiennent des noyaux imaginaires qui en sont des
composantes internes, constitutives (...) Ces noyaux d'imaginaires
sont mis en oeuvre (et en scène) par des pratiques symboliques
».132 Pour GODELIER, l'importance de l'imaginaire et des
pratiques symboliques dans les rapports sociaux permet aux hommes de gouverner
le politique, le religieux, le social et l'économique.
C'est ici l'occasion de rappeler que pour GODELIER, «
l'imaginaire c'est de la pensée. C'est l'ensemble des
représentations que les humains se sont faites et se font de la nature
et de l'origine de l'univers qui les entoure, des êtres qui le peuplent
ou sont supposés le peupler, et des humains eux-mêmes
pensés dans leurs différences et/ou leurs représentations
(...) L'Imaginaire c'est l'ensemble des interprétations (religieuses,
scientifiques, littéraires) que l'Humanité a inventées
pour s'expliquer l'ordre ou le désordre qui règne dans l'univers
ou dans la société, et pour en tirer des leçons quant
à la manière dont les humains doivent se comporter entre eux et
vis-à-vis du monde qui les entoure ».133
131 Maurice GODELIER, Au fondement des
sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie,
Paris, Albin Michel, (coll. «Bibliothèque Albin Michel
Idées »), 2007, 287 p.
132Ibid., p.35.
133Maurice GODELIER, Au fondement des
sociétés humaines. Ce que nous apprend l'anthropologie, ibid.,
p.38.
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Le symbolique se définit enfin comme « l'ensemble
des moyens et des processus par lesquels des réalités
idéelles s'incarnent à la fois dans des réalités
matérielles et des pratiques qui leur confèrent un mode
d'existence concrète, visible, sociale. C'est en s'incarnant dans des
pratiques et des objets qui le symbolisent que l'Imaginaire peut agir non
seulement sur les rapports sociaux déjà existants entre les
individus et les groupes, mais être aussi à l'origine de nouveaux
rapports entre eux qui modifient ou remplacent ceux qui existaient auparavant
».134
GODELIER conclut sa clarification des concepts en disant que
finalement « l'Imaginaire n'est pas le symbolique, mais il ne peut
acquérir d'existence manifeste et d'efficacité sociale sans
s'incarner dans des signes et des pratiques symboliques de toutes sortes qui
donnent naissance à des institutions qui les organisent, mais aussi
à des espaces, à des édifices, où elles s'exercent.
»135 On peut aussi ajouter que tout rapport social, quel qu'il
soit ; est constitué de symbolique et d'imaginaire parce qu'étant
d'abord des produits humains et sont tout de même
complémentaires.
Ce qui fait dire à BALANDIER, pour le cas du
phénomène politique par exemple, que « l'imaginaire
éclaire (...) phénomène politique ; sans doute parce qu'il
en est constitutif... »136
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