1.3. Le sacre d'un initié au Mungala
Les candidats, généralement des adolescents,
doivent subir une initiation particulière au moment de la circoncision.
L'initiation comporte des chants et des danses. Cela implique tout d'abord
l'obligation d'être circoncis. De ce fait, cette pratique est très
ancienne, car elle remonte à l'origine des Akélé. A
travers le Mungala, s'est greffé tout un enseignement moral, social et
politique au point de devenir une philosophie. Celle-ci règle la vie de
l'individu de la naissance à la mort, avant et après la
célébration de ce rite de puberté et de passage.
Ainsi, c'est toute une éducation qui consiste, pour le
candidat, à supporter toutes les épreuves de l'ablation du
prépuce. La capacité du candidat à surmonter toutes ces
épreuves fait l'honneur d'une famille, voire de tout le clan. Ce qui lui
permet d'accéder au rang d'initié. Si un candidat ne supporte pas
une des épreuves, surtout celle de l'ablation du prépuce, il est
considéré comme « un faible » ; c'est le
déshonneur total de la famille à laquelle il appartient puisque
pour être initié il faut être « fort d'esprit. »
Cet acte manqué empêche de facto l'entrée du candidat dans
la grande famille des initiés, c'est-à-dire celle des futurs
dirigeants du village.
Le membre qui déshonneur la famille et le clan peut
être banni du village. La circoncision a ainsi un caractère
irréversible, produisant dans la profondeur de l'individu un
déséquilibre qui peut s'avéré définitif. La
circoncision, à travers le Mungala, est le pont qu'il faut absolument
traverser pour atteindre le statut d'aîné. Elle constitue le
cheminement par lequel l'homme est écrasé sous le poids des
traditions qui se présentent comme le seul chemin de la vie.
Enfin les femmes, les enfants et les profanes sont tenus
à l'écart lors de la manifestation du Mungala ; dans la mesure
où lorsqu'ils entendent les rugissements de la voix rauque de celui-ci,
les femmes, les enfants et les profanes sont glacés d'effroi. Des
initiés annoncent sont arrivée en agitant des
clochettes118 et en même
118 En langue Akélé, les clochettes sont
appelées Legun.
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temps un autre initié joue de la corne119
pour demander aux non- initiés de se cacher à l'approche du
Mungala. Il faut tout de même dire que parmi les femmes, seules les
mères des jumeaux y sont admises, parce qu'elles sont
considérées comme des êtres sacrés, mieux, des
initiées au Mungala. Ce qui nous conduit à visiter le monde
social des Akélé et les autres représentations qui
structurent cette société.
Louis PERROIS indique à cet effet que «
l'initiation est une introduction ; d'ailleurs, le mot même d'initiation
suggère l'idée de commencement. Mort à l'imperfection et
à l'ignorance des profanes, à l'incapacité et à
l'impuissance des enfants pour renaître à la vie réelle et
accéder enfin aux véritables fonctions de l'homme :
procréer, communiquer (...) ».120 Soulignons que dans la
société Akélé du Moyen-Ogooué du village de
Bellevue, la circoncision est la première initiation du futur homme
comprise dans le Mungala qui vient renforcer l'initiation du jeune
néophyte. Nul ne peut s'initier au Mungala s'il n'est circoncis, car le
Mungala se fait par le biais de la circoncision. Un petit garçon qui
n'est pas circoncis chez les Akélé est considéré
comme « une femme ».121
Nous voulons aussi corroborer les propos de notre informateur
MBOCHAWIN qui affirme que :
-« selon nos mythes l'homme dans les temps
immémoriaux était né bisexué c'est-à-dire le
phallus en lui-même représente l'homme et le prépuce la
femme d'où pour rendre le petit garçon "homme", il faut que la
communauté des initiés le débarrasse de la partie de la
femme représentée ici par le prépuce. La circoncision
permet au jeune garçon le passage de femme à homme donc un
changement de statut, après c'est l'initiation au Mungala
».122
119 En langue Akélé, les cornes sont
appelées Atshika.
120 Louis PERROIS, La circoncision Bakota (Gabon),
Paris, ORSTOM, 1968, p.34.
121 Par « femme », cela veut dire qu'il n'est pas
scruté comme un homme, il n'a pas encore subi l'étape de
l'ablation du prépuce ; qui doit l'intégrer dans la
confrérie ou la société masculine des initiés. Il
s'agit d'une interprétation/considération symbolique.
122 Propos de monsieur MBOCHAWIN lors de l'entretien du 28 avril
2009 à Lambaréné, village de Bellevue.
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Précisons ici que les propos de notre informateur
monsieur MBOCHAWIN, dans son explication mythologique de l'androgynie primitive
de PLATON123 où l'homme à l'origine avait 4 pieds, 4
mains, 2 têtes et était hermaphrodite. Il fut l'être le plus
beau sur terre. Les dieux, voyant cela, et par jalousie, envoyèrent la
foudre qui séparait l'homme en deux parties d'où l'homme et la
femme. Et pour PLATON, « aimer » c'est rechercher cette seconde
moitié perdue. Cette métaphore nous permet juste de voir une
similitude dans une explication de type mythologique de la bisexualité
chez l'homme.
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