1.2.2.2. Supports et espace
L'histoire de la bande dessinée montre que les
créations ont connu différents supports de diffusion qui
imposaient des formats particuliers. Les premiers comic strips*
américains publiés dans les suppléments dominicaux des
journaux d'information puis les daily strips* sont des bandes de trois
à cinq cases qui devaient raconter un gag unique voire une courte
intrigue à suivre au numéro suivant. La naissance des journaux
hebdomadaires ou mensuels de bandes dessinées (comic books)
alloua aux artistes davantage d'espace, une page ou deux, avec cependant
l'impératif de réaliser une série « à suite
» pour fidéliser le lectorat en le tenant en haleine pendant
plusieurs semaines. La série pouvait ensuite faire l'objet d'une
édition en album. Aujourd'hui, la prépublication est rare,
notamment en France : la majorité des bandes dessinées est
publiée directement sous forme d'albums de 46 pages.
Cette évolution des supports et de l'espace imparti a
des conséquences sur la fonction narrative et la valeur iconique des
cases et des planches, comme le montre Thierry Groensteen [GROENSTEEN, 1999,
p.32]. La composition et l'articulation des vignettes
1 In Cahiers de la BD, n°60
Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur
Mémoire de maîtrise I Septembre 2001
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est différente d'un support à l'autre. Depuis
que l'album a supplanté la presse comme support de
référence, les auteurs sont désormais nombreux à
tenir compte de la complexité entre les pages attenantes et à
concevoir leurs planches deux par deux. De plus, il n'est plus rare de faire
varier la taille des cases, qui peuvent investir quelquefois une page
entière, et leur composition pour plus d'esthétisme ou de sens,
vis-à-vis de l'action qui y est décrite.
Pour Groensteen, la case est l'unité* de base du
langage* de la bande dessinée. Les cases sont soumises à divers
types de relations, par un partage, une distribution de l'espace. Toute bande
dessinée est un déploiement d'images fixes dans un espace, mais
cette fragmentation est fonctionnelle, dans le sens où elle raconte des
histoires à travers une discontinuité ; il n'est plus question
d'illustrer par une juxtaposition comme dans les images d'Epinal. La narration
peut être simple, avec des possibilités de mises en
parallèle de scènes, la succession des cases signifie des moments
précis de l'histoire et détaille pas à pas l'action des
personnages. Mais la marge entre deux cases peut aussi faire office d'ellipse
dans le récit, les scènes intermédiaires entre les deux
moments énoncés ayant été supprimées. La
gestion de l'espace (ou des espaces) relève donc également d'une
gestion de la temporalité et du rythme du récit.
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