6.2.3. Interactivité de création : pour un
art participatif
Les e-BD à scénario ouvert comptent sur
le lecteur pour participer à la création. Par envoi d'un courrier
ou d'un formulaire électronique, le lecteur peut, s'il le désire,
influer sur l'écriture du scénario. Il coopère de
façon asynchrone, par utilisation des outils de
l'interactivité de création : boîte e-mail et
formulaire, à la production du récit. L'auteur de l'oeuvre
partage alors son statut avec le lecteur, qui devient scénariste ou
co-scénariste selon le degré de liberté qu'il lui est
consenti. Dans les deux e-BD étudiées, le concepteur reste
l'unique dessinateur. Cette méthode participative de création
d'oeuvres insiste sur la temporalité dans la production de l'oeuvre. La
lecture n'est plus directe et immédiate. Elle se fait progressivement,
au rythme des échéances que l'auteur détermine. La
période entre
13 Nicolas Schiffer, La Ville cybernétique,
Paris : Tchou, 1969
14 citation relevée par Annick Bureaud
[BUREAUD, 1999]
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deux échéances est le temps de la participation
des lecteurs, puis le temps de la récupération et de la
synthèse des résultats par l'auteur et enfin le temps de la
concrétisation du scénario déterminé, par le
dessin, la mise en composition et la diffusion. Le lecteur voit donc l'oeuvre
prendre forme, peu à peu. Il suit l'histoire au fil des semaines,
à la manière des lecteurs des séries ou strips «
à suite » des magazines de BD, à la différence
près que s'il s'image la prolongation possible de l'histoire, il peut
cette fois la communiquer et prétendre en être l'investigateur.
L'art participatif repose sur l'idée d'une
communauté, et de la mise en communication de cette communauté.
D'une certaine manière, nous pouvons lui trouver une filiation avec les
différentes expériences des années 80 où les
artistes ont utilisé le minitel en tant que réseau.
Françoise Holtz-Bonneau [HOLTZ-BONNEAU, 1972, p.138] nous en donne un
exemple. Marc Denjean en 1986, lors d'un festival d'arts électroniques,
a proposé un Graffiti-Concert. Il se plaçait en temps
que chef d'orchestre et donnait des instructions typographiques à quatre
graphistes situés en différents lieux parisiens. Le public,
devant son minitel, pouvait participer au spectacle en rédigeant et
envoyant des commentaires qui venaient s'afficher dans une zone
réservée visible par tous les partenaires. Dans ce cas
particulier, la réalisation de l'oeuvre est surtout prise en charge par
les artistes exécutants, le public n'étant que spectateur et
juge.
Bien d'autres artistes ont travaillé sur ce concept
d'art participatif, notamment depuis l'apparition du réseau
Internet. Si nos deux e-BD ne sont que deux créations parmi d'autres
basées sur la même idée, elles en atteignent les
mêmes limites formelles : le schéma proposé est toujours le
même. Il y a un initiateur (l'artiste) qui propose un thème, un
public actif qui fournit le contenu et un public passif qui va voir le
résultat, sans réellement s'impliquer.
Encore du déjà vu, alors ? Certes, mais sur
l'ensemble des oeuvres sur Internet, appelées généralement
« net.art », et non dans la sphère traditionnelle de
création BD.
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