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Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur: enjeux des oeuvres numériques de bande dessinée sur la création artistique

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par Laurène STREIFF
Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse - Maà®trise des sciences et des techniques information- communication concepteur multimédia 2001
  

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6.2.2. Interactivité de structure : pour un art de re-production

Nous appelons l'interactivité proposée par les e-BD à scénarii extensif et génératif interactivité de structure. Par cette dénomination est signifié le fait que le lecteur agit sur l'oeuvre par modification de l'ordre ou de la présence des segments affichables. La forme de l'oeuvre est donc modifiable. Elle devient un produit potentiel et non plus fini. L'auteur n'est plus auteur d'un récit dont la linéarité est univoque, mais concepteur de potentialités qui peuvent, ou non, être validées. La e-BD se présente donc comme un récit élastique, que les choix du lecteur modèlent. La lecture devient une lecture-construction.

La réflexion artistique se place au niveau des processus modulaires. Mais l'idée n'est pas neuve, elle a été lancée dans les années 60 par les membres du groupe de recherche en littérature expérimentale OULIPO (OUvroir de LIttérature Potentielle). Ce mouvement a souhaité pousser les limites de la littérature en ne lui donnant plus pour seul objectif de transmettre un message. L'auteur devient celui qui construit les mécaniques du possible et le lecteur a un rôle essentiel de reconstruction. A l'heure actuelle, les oeuvres-programmes les plus abouties en terme de processus modulaires sont les générateurs littéraires. Les exemples les plus emblématiques sont proposés par Jean-Pierre Balpe. Ses générateurs de texte sont des systèmes dans lesquels un grand nombre de variables sont corrélées. Ils enferment « un ensemble de structures de dictionnaires hiérarchisées dont chacune est en relation avec l'ensemble des autres dans une grammaire sémantique» [BALPE, avr. 1997]. Chaque page générée propose un texte nouveau, par utilisation d'algorithme mathématique, de la combinatoire et de l'aléatoire.

12 Franck Popper, Art, action et participation : l'artiste et la créativité d'aujourd'hui, Paris : Ed. Klincksieck, 1985

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Si les e-BD proposent des mises en forme de processus modulaires, elles n'en sont pas arrivées au stade très poussé des générateurs littéraires, et ce pour deux raisons.

D'une part, et ce point concerne principalement les e-BD à scénario extensif, les auteurs offrent avant tout un récit constitué au lecteur. Le processus modulaire n'altère pas la communication d'un message central. Il se joue à la périphérie de ce récit en lui donnant la possibilité de s'enrichir. Ainsi, l'interactivité de structure n'intervient qu'à certains moments prévus par l'auteur. Elle n'est pas le principe fondateur de la construction (ou reconstruction) du récit, puisque les éléments du « corpus interactif » ne représentent pas l'ensemble des unités du récit. L'univers des possibles activables par interactivité de structure n'englobe que des segments sémantiques affichables qui ont pour valeur signifiante la digression.

D'autre part, si l'oeuvre n'est composée que d'unités potentielles, comme dans le cas des deux e-BD à scénario génératif, la question doit se porter sur les caractéristiques formelles de ces éléments. Les auteurs ont choisit de réduire les unités sémantiques au niveau de la case où se mêlent dessin et texte. Ce que nous avons appelé plus haut le « corpus interactif » est constitué de SUE. Le programme, sous l'impulsion du lecteur, choisit certaines SUE et les juxtapose selon un ordre définit au préalable par l'auteur (contrainte) ou non (utilisation de l'aléatoire). Pour former un récit cohérent, les SUE ont pour caractéristique de signifier une seule et même idée, une seule et même action. Le jeu se fait ensuite d'après la logique des possibles narratifs. Une action pouvant être lue avant ou après une autre sans que cela ne gène, soit parce que leur ordre n'a pas forcément d'importance, soit parce que le lecteur peut voir lors du passage d'une SUE à l'autre, un saut temporel. Néanmoins, les e-BD à scénario génératif proposent un récit dont la longueur ne peut être que corrélé avec le nombre de SUE possibles.

Pourrait-on concevoir d'une autre manière une bande dessinée générative ? De quoi peuvent être constitués les dictionnaires, alors que la bande dessinée est, par essence, art de l'iconique et du textuel ? La construction d'un texte peut être formulée par un automate qui entretient, à l'aide d'algorithmes, de contraintes, les règles grammaticales et syntaxique d'une langue. Mais qu'en est-il de la génération du dessin dans lequel le texte prendrait, ou non d'ailleurs, place ? L'ordinateur permet de créer automatiquement de l'image, par mise en relation les variables d'équations mathématiques avec des coordonnées de points ou de formes, des couleurs, etc. mais ces images ne sont pas figuratives. Les générations

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constituées auraient pour conséquence de fournir des textes illustrés, mais certainement des bandes dessinées.

Nous avons pu éprouver certaines limites des e-BD à scénario extensif ou génératif. Mais ce n'est pas pour autant qu'elles sont inintéressantes, tout du moins dans la démarche qu'elles proposent et dans la nouvelle position du lecteur qu'elles préconisent. Elles s'insèrent dans une motivation artistique qui est de rendre le lecteur constructeur de la bande dessinée qu'il va lire. Cependant, comme le démontre Jean-Pierre Balpe [BALPE, 1997], l'« `activité » du lecteur est moins de produire, que de reproduire. En effet, il travaille avec les objets pré-définis (produits) que l'auteur met à sa disposition.

Les e-BD permettent à l'art de la bande dessinée de se tourner vers ce que, à la fin des années 60, Nicolas Schbffer13 envisageait pour l'avenir : « un art de programme qui engendrerait des variations infinies, offrant à chacun son oeuvre unique et personnalisée »14.

Le statut de l'auteur se transforme. Sa place se situe au niveau de la constitution du corpus. Il définit l'univers de la fiction et certaines règles d'affichage, mais ignore quel va être, pour chaque lecteur, le résultat final : « la bande dessinée ». L'auteur ne créé plus une BD mais des virtualités de BD.

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