6. DU SCENARIO AU SCENARIO D'INTERACTION
6.1. TYPOLOGIE DES FORMES DE SCENARIO DES E-BD
La synthèse des résultats émanant des
grilles d'analyse complétées met en exergue quatre formes de
scénario de bande dessinée. Chaque forme exprime la
démarche de création et la manière dont l'auteur combine
interactivité et bande dessinée, c'est-à-dire dont il
envisage l'action du lecteur sur son oeuvre.
6.1.2. E-BD à scénario linéaire
Au type scénario linéaire correspondent
trois e-BD : My obsession with Chess (MOC) de Scott McCloud, When
I am a king (WIK) de Demian5 et L'Oreille Coupée (OC) de
Coté et Djief. Dans ces trois créations, l'histoire, donc
l'organisation des SUE/UE, est uniquement linéaire : son début,
son développement et sa fin sont prévus pour avoir un
déroulement unique. Un seul chemin est possible pour le lecteur, sa
démarche se limite à la fonction « continuer ». La
seule interactivité proposée est de surface avec pour
outils d'interaction le clic et/ou le scroll pour
découvrir les SUE ou UE, les unes après les autres, de
manière continue. Nous retrouvons les caractéristiques d'une
lecture d'un album papier, où l'oeil qui passe de cases en cases et la
main qui tourne les pages se substituent à une activité de
l'index sur une souris d'ordinateur.
Les trois e-BD proposent des plans interactifs,
c'est-à-dire des vues d'ensemble, tel un sommaire
détaillé, qui présentent les UE dont l'oeuvre est
composée. Ces éléments, iconiques (reproduction en taille
réduite des UE dans le cas de MOC et OC) ou textuels
(numéros de UE en liens html dans le cas de WIK) sont «
cliquables », menant vers la partie de la bande dessinée choisie.
Il est bien évident que ces interfaces sont accessoires. Elles
représentent une aide à l'orientation dans l'oeuvre et offrent la
possibilité de reprendre la lecture là où elle a
été laissée, en cas d'interruption. Bien
évidemment, le lecteur pourrait tout à loisir cliquer sur
n'importe quel lien et choisir d'organiser différemment le récit
en visionnant les UE dans le désordre. Cependant, cet agissement non
préconisé par les auteurs aurait pour conséquence la mise
en place d'un récit segmenté et peu compréhensible tant il
ne respecte pas les articulations originales.
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6.1.2. E-BD à scénario extensif
Les e-BD Le déclic (D) de Milo Manara et
d'Alphanim, Les Technoffs (T) de Tout pour plaire et
Opération Teddy Bear (OTB) d'Edouard Lussan présentent
des scénarii appelés extensifs. Cette
dénomination signifie que l'oeuvre ajoute au scénario principal,
des éléments qui viennent s'y greffer, que le lecteur choisit de
lire ou non. Ces éléments sont de plusieurs ordres et ont des
fonctions différentes.
D propose au lecteur, à certains moments de
l'histoire, de suspendre le temps du récit pour découvrir les
pensées des personnages. Le lecteur entre dans leur état d'esprit
et peut mieux comprendre leur personnalité ou connaître leur
desseins qui se réaliseront dans les scènes suivantes.
L'extension est signifiée par un bouton, une flèche verte
entourée d'un cercle, placé à côté du visage
du personnage. Si le lecteur choisit de cliquer dessus, l'extension s'affiche
dans une nouvelle UE qui remplace, le temps d'être lue, celle où
se joue la trame principale. Le lecteur revient ensuite là où il
en était resté. Si l'option n'est pas activée, l'action se
poursuit normalement.
OTB propose, une fois l'ensemble des SUE d'une UE
découvertes, des zones actives, signifiées par un halo blanc
clignotant, dans les images qui correspondent à des détails du
décor (enseignes, véhicules, livres, ticket de rationnement,
etc.) ou à des personnages (détails d'uniformes). Par
roll-over* puis clic sur ces zones, des indications
complémentaires s'affichent, sous forme de petits textes dans
l'hypercadre, puis dans des écrans particuliers. Ces
éléments n'adoptent pas la forme bande dessinée, et ne
relèvent pas forcément de la fiction. Ils se présentent
sous la forme de fiches historiques qui expliquent les différents
éléments de l'image ou de cartes géographiques qui
indiquent le parcours du héros et les zones occupées par les
Allemands ou reprises par les alliés. La fonction des extensions est
donc éducative. Outre lire l'histoire, le lecteur a la
possibilité, s'il le désire, de s'informer sur les
événements de la seconde guerre mondiale. Etant donné que
le récit se déroule pendant cette période historique et en
respecte fidèlement de nombreux détails, le lecteur peut mieux
comprendre les différentes scènes de l'histoire et les
agissements de certains personnages.
Enfin, la nature des extensions est encore différente
dans T. Fréquemment, le lecteur a la possibilité de
cliquer sur des zones actives dans l'image ou d'effectuer des roll-over
qui sont signifiés par une intervention sonore, afin de
découvrir des éléments iconiques
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supplémentaires qui enrichissent le récit
principal de petites anecdotes ou digressions : fausses pubs pour des objets
présents dans l'image, apparition de fausses citations lors d'un
roll-over sur un livre, etc. En outre, le lecteur peut choisir de lire
des scénarii parallèles. L'action principale se trame autour d'un
premier personnage qui évoque un sujet particulier avec son
collègue de bureau. Au cours du récit, le lecteur voit
apparaître un petit icône animé qui présente les
visages des autres membres de la famille du personnage principal. En cliquant
sur cet icône, le lecteur passe alors à un autre personnage qui
présente son point de vue sur le sujet traité et peut aussi
parler d'autre chose. En fait, la e-BD présente quatre
mini-récits, compréhensibles séparément, mais qui
s'imbriquent aussi les uns aux autres pour former un histoire globale. L'ordre
de lecture des mini-récits n'importe pas. Les extensions ont une
fonction de complexification du récit principal.
Les e-BD à scénario extensif offrent au
lecteur un scénario linéaire, au cours duquel il peut intervenir
pour obtenir des informations «bonus ». A certains moments, il est
placé devant deux alternatives : poursuivre la lecture de l'histoire
principale ou activer une extension qui va lui donner des
éléments utiles, mais non nécessaires, à la
compréhension ou à la complexification du récit. Les
créations proposent un organigramme linéaire avec des
ramifications plus ou moins nombreuses et longues.
Elles initient une réflexion sur les
possibilités de l'interactivité de structure en
proposant des choix au lecteur. L'action du lecteur n'est plus seulement de
cliquer pour visualiser successivement les étapes du récit, elle
se joue sur l'activation ou non d'étapes supplémentaires. Le
lecteur participe alors à l'élaboration de l'histoire par choix
dans les éléments visibles.
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