5.4. LA GESTION DE L'AFFICHAGE : NOUVEAU PRINCIPE DE
MISE EN LECTURE
L'espace de l'écran n'est pas celui de l'album. Il n'y
a pas de règles particulières à respecter. La
création d'une e-BD demande de délimiter un espace de
composition, de réfléchir sur l'articulation spatiale des SUE,
espaces dans l'espace, et enfin de concevoir le mode de lecture sur
écran. En effet, le support numérique permet au concepteur de
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conditionner l'affichage des différentes unités
sémantiques : UE, SUE voire éléments iconiques internes
aux SUE (dessins, animations, bulles). Au temps du récit s'ajoute le
temps d'affichage et de lecture, à la construction de la conduite du
récit (découpage* en SUE) se joint la mise en place d'un
scénario de navigation dans l'oeuvre. C'est-à-dire la conception
de l'interactivité de surface.
L'oeuvre est découpée en segments
affichables dont l'apparition sur l'écran relève
d'actions du lecteur. Les segments affichables peuvent
être simples (bulles, SUE) ou complexes (groupe de SUE, UE
composée de plusieurs SUE en affichage simultané, telle une page
d'album). Le récit subit donc un second découpage qui implique
l'imposition plus ou moins forte d'un rythme et d'un parcours de lecture. Il
est évident que le nombre, la taille et la complexité des
segments affichables sont en corrélation avec la
fréquence des actions. Les modalités d'actions, ou devrions-nous
parler de réactions, du lecteur sur l'affichage des unités sont
de deux types (comme vu précédemment) : le clic et
le scroll, le premier étant beaucoup plus utilisé que le
second.
Les outils d'interaction sont donc de deux sortes : les zones
(ré)actives cliquables et les ascenseurs* horizontaux ou verticaux qui
permettent de faire apparaître par glissement des éléments
en hors-champ dans l'aire visuelle de l'écran ou d'une frame*.
L'ascenseur est un outil de navigation présent dans tous les logiciels,
donc supposé connu du lecteur. Sa seule présence lui permet de
savoir qu'il doit « scroller » pour découvrir les
zones cachées par le cadre de visualisation impartit. Il sait donc quoi
faire et les conséquences de son action.
En revanche, les zones cliquables peuvent prendre
différentes formes, être placées à plusieurs
endroits et entraîner des conséquences diverses. Leur point commun
est de modifier la forme du curseur lorsqu'il se trouve au-dessus. Les e-BD
peuvent faire dans l'explicite : les zones cliquables sont des liens textuels
de type « précédent » ou « suivant » ou des
boutons en formes de flèches dirigées vers la gauche ou vers la
droite, situés en marge des UE. Le résultat du clic sur
ces zones y est exprimé : retour à l'UE précédent
ou passage au suivant. Ici, le clic correspond virtuellement au fait
de tourner une page d'album ou, dans le cas d'un composition simple,
de déplacer son regard d'une vignette à l'autre. A
l'opposé, certaines e-BD jouent davantage avec les zones actives pour
faire entrer le lecteur dans l'histoire, en plaçant les zones actives
non pas en dehors des UE mais à l'intérieur. Elles sont, en fait,
les éléments des dessins : ici un personnage, là un objet
ou un véhicule. La forme et le lieu des zones « cliquables »
sont toujours différentes. Le
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lecteur peut les chercher en promenant son curseur dans les
SUE en attendant de le voir se transformer, mais il les devine souvent, car
elles sont placées sur des éléments importants dans les
scènes. Le clic peut entraîner différentes
conséquences : apparition d'une bulle, activation d'une animation,
affichage d'une (ou plusieurs) SUE. Encore une fois, le lecteur ignore l'effet
de ses actions, il peut quelquefois les deviner en fonction de la scène
qui est en train de se dérouler dans le récit. Dans ce cas de
figure qui intègre les zones actives aux matériaux de l'image, il
est attendu du lecteur une position plus active face au récit. Sa
participation est signifiante : il lui faut trouver puis toucher les bons
éléments pour découvrir la suite de l'histoire. Même
si tout est prévu d'avance et que le parcours est linéaire, la
lecture est plus attentive et plus ludique.
Nous venons de voir que l'interactivité de
surface, nécessité par le support numérique, à
défaut de page, propose au lecteur deux attitudes majeures : l'une
d'ordre pratique, consistant en l'activation d'outils explicites de navigation
pour passer d'une unité à la suivante (ou la
précédente) et l'autre plus ludique, proposant au lecteur des
actions sur les éléments signifiants du récit.
Si la e-BD comprend plusieurs segments affichables,
le concepteur doit forcément prévoir la manière dont le
lecteur va passer d'un segment à l'autre. Le concepteur peut restreindre
l'action du lecteur au stade de l'interactivité de surface,
mais il peut aussi lui proposer d'intervenir en d'autre lieu de l'oeuvre. Ces
nouvelles possibilités interactives se perçoivent dans le type de
scénario conçu.
Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur
Mémoire de maîtrise I Septembre 2001
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