5.2. MISE EN PAGE
Le type de mise en page renvoie aux paramètres
spatio-topiques des SUE (forme, superficie).
Elle est conventionnelle dans Killer et les
martiens, Miss dynamite, Les Technoffs, Carl, My obsession with
chess et Dans le panneau, ce qui signifie que la taille des SUE
est fixe. Cette invariance relève d'un besoin essentiellement pratique.
Elle permet de garder une cohérence de format d'UE lors d'une
composition simple10 ou tabulaire figée,
c'est-à-dire lorsque les SUE s'intègrent dans un « tableau
» récurrent d'UE en UE avec format de cellules fixe. Mais elle peut
être aussi signifiante : les SUE de My obsession with chess sont
des carrés, métaphores des cases d'un échiquier, symbole
de l'histoire racontée.
Pour les autres e -BD, la mise en page est essentiellement
décorative et/ou rhétorique. Le type décoratif signifie
que la taille des SUE et leur organisation propose un ensemble cohérent
et harmonieux, employant des règles de proportion. Le type
rhétorique renvoie à une correspondance entre les dimensions des
SUE et ce qui y est décrit. Ainsi, les SUE favorisent le sens des
étapes du récit en plus de les présenter. Ce sont ces deux
types qui sont les plus fréquemment utilisés actuellement dans
les BD en album, la mise en page conventionnelle correspond aux bandes
dessinées des années 30 à 50.
5.3. COMPOSITION
Quatre formes de composition sont repérables dans les e
-BD, pour ou dans lesquelles se développent différentes sortes de
gestion de l'affichage. Outre un travail sur l'espace, ces deux
paramètres impliquent une réflexion sur la temporalité du
récit et sur les conditions de lecture.
La première forme de composition est une composition
simple, où chaque SUE est présentée de
manière unique dans l'UE. La bande dessinée s'apparente à
une séance de projection de diapositives, où chaque image
entretient une solidarité de fond et de forme avec les
précédentes et les suivantes. L'arthrologie est nulle
dans l'espace de l'UE, les SUE s'affichent les unes après les autres, la
suivante chassant la précédente. L'articulation
10 cf. 5.3. Composition, même page
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des images s'effectue non pas dans l'espace de l'écran,
; mais dans l'esprit du lecteur qui mémorise le contenu des SUE
précédemment découvertes pour assimiler les suivantes. La
composition calque une position de lecture purement linéaire, où
le lecteur lit une à une les cases en respectant l'ordre
préétabli. La lecture est guidée pas à pas.
Les deuxième et troisième formes de composition
se rapprochent davantage de ce que nous rencontrons sur support papier, par
transposition sur écran de la notion de page (ou planche). Il s'agit des
formes strip, alignement horizontal de plusieurs SUE, et
tabulaire, forme utilisée dans les albums qui accole les SUE
horizontalement et verticalement, avec un nombre de « lignes » et de
« colonnes » et une taille de « cellule » variables selon
les créations ou à l'intérieur des créations
(changements de UE en UE). Ces formes de composition peuvent connaître
des variantes. Demian5 pour When I am a king propose une
composition strip, non plus horizontale, mais verticale, les SUE se
lisant non plus de gauche à droite, mais de haut en bas. Scott McCloud
propose, dans My obsession with chess, une composition tabulaire
avec des espaces vides. Les SUE se composent en zig-zag dans l'UE,
liées entre elles par leurs arêtes ou leurs coins, provoquant un
sens de lecture diagonal descendant, vers la droite ou vers la gauche. Ces deux
compositions proposent donc un véritable partage, une structuration de
l'espace, structuration plus ou moins modulable mais néanmoins
répétitive d'UE en UE.
Les formes strip et tabulaire respectent
donc une tradition de mise en co-présence de plusieurs vignettes dans
une même page. Mais l'affichage des SUE d'une même UE n'est pas
forcément simultané.
Plusieurs e-BD demandent au lecteur d'intervenir pour qu'il
découvre peu à peu les SUE. L'Oreille coupée et
Opération Teddy Bear sollicitent le clic de souris sur
des éléments iconiques d'une SUE pour activer l'affichage d'une
(ou plusieurs) SUE ultérieure(s). Nous retrouvons un schéma de
« lecture guidée » assimilable à celui des e-BD
à composition simple, avec toutefois l'intérêt de
faciliter les jeux de narration (actions vues en parallèle, ellipse) et
de ne pas forcément segmenter le temps du récit, le temps de
l'action* en fonction du temps de lecture* : un clic
peut provoquer l'affichage de plusieurs SUE décrivant une seule
action, rendant la narration simple11 plus fluide.
11 Cf. 1.2.2.2. Supports et espace, p.20
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My obsession with chess (Scott McCloud)et When I
am a king (Demian5) demandent au lecteur non pas d'intervenir par
clic, mais par scroll* de souris pour voir l'ensemble des
SUE. Scroll vertical, scroll horizontal, l'effet produit est
un défilement de groupes de SUE dans l'écran. Il y a donc une
accentuation sur le sens de la lecture (donc de sa linéarité),
avec des possibilités pour la diversifier : on lit tantôt de
gauche à droite, tantôt de haut en bas et même quelquefois
de droite à gauche. Par cette technique de scroll, les SUE se
mettent en mouvement et l'espace est expressif. Scott McCloud propose un
scroll vertical descendant long de 12 écrans de 17 pouces, nous
pouvons le comprendre comme une métaphore de la « descente aux
enfers » que l'histoire relate. Demian5 utilise, pour sa part, le
scroll pour animer les déplacements de ses personnages 2D qui
« glissent » horizontalement ou tombent.
La quatrième forme de composition correspond à
une seule réalisation, Le déclic. Il s'agit d'une
composition non structurée et, point important, mobile. En effet, les
SUE se placent en différents lieux de l'UE et se déplacent pour
laisser d'autres SUE s'agencer dans l'UE. Le lecteur a peu d'emprise sur
l'affichage, qui est géré en grande partie par le programme. Il
est davantage un spectateur qui voit apparaître, se décaler puis
disparaître les SUE. Le temps d'affichage des images et des textes est
prévu au préalable. L'animation fonctionne quasiment comme un
film au cinéma où il est impossible de stopper la lecture ni de
revenir en arrière. Un rythme de lecture est donc imposé. Cela
peut paraître contraignant pour le lecteur mais à l'opposé
très appréciable pour le concepteur qui peut faire correspondre
rythme de lecture avec rythme du récit. En effet, il peut
accélérer les mouvements ou l'apparition des SUE pour appuyer des
scènes intenses (course poursuite, panique, jouissance) ou au contraire
augmenter le temps d'affichage et ralentir le flux des SUE lors de moments
narratifs plus calmes.
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