4.3. IMAGE FIXE / IMAGE ANIMEE
Outre donner une dimension sonore à leur
création BD, les auteurs ont aussi, pour certains, souhaiter donner vie
à leurs dessins. Sans tomber dans le dessin animé, quelques e-BD
tirent profit des logiciels de création d'animation (Flash ou Director)
pour animer quelques éléments des scènes. La technique
peut servir à dynamiser les décors ou les personnages et
augmenter le côté ludique ou humoristique de la e -BD. Les yeux et
la bouche des personnages dans Les Technoff bougent, certains
éléments géométriques du décor des
scènes de When I am a king changent de couleur ou de forme.
Dans d'autres cas, l'animation peut montrer le mouvement, là où
l'image fixe ne peut que le suggérer. Ainsi, quelques actions des
personnages, véhicules ou objets dans Opération Teddy
Bear, L'Oreille coupée et MissDynamite sont
exprimées sous forme d'une courte animation d'un sujet ou objet
particulier dans un environnement iconique figé. Le
procédé permet de
Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur
Mémoire de maîtrise I Septembre 2001
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Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur
Mémoire de maîtrise I Septembre 2001
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focaliser l'attention du lecteur sur les
éléments importants des scènes qui sont pertinents au sein
du récit, en soulevant une intrigue, signifiant l'arrivée d'un
nouveau personnage ou mimant les déplacements du héros.
Enfin, l'animation peut s'appliquer à l'ensemble d'une
SUE et permettre de proposer des changements de cadrage. Dans ce cas, la
méthode s'apparente aux mouvements de caméra utilisés au
cinéma. Dans Opération Teddy Bear et Le
Déclic, certaines SUE sont des mini-écrans où se
réalisent des zooms et des travelling à partir d'une scène
dessinée. Le zoom avant focalise l'attention sur un
élément particulier en intensifiant son importance au sein du
récit, au contraire du zoom arrière et du travelling qui ancrent
un détail ou une scène dans un environnement complexe.
Dans l'ensemble, l'animation n'est pas employée
à outrance ni exagérément, elle vient s'insérer de
façon mesurée et ponctuelle au milieu des images fixes pour les
agrémenter ou pour soutenir certaines articulations du récit.
4.4. UNE INNOVATION DANS LES UNITES MORPHOLOGIQUES ? La
description des éléments morphologiques nous porte à deux
réflexions.
D'une part, les auteurs initient une réflexion sur
l'image numérique et se divisent, comme nous l'avons vu, en deux
«écoles ». Le support informatique induit-il forcément
que les images soient réalisées par ordinateur ? Ces images
doivent-elles porter les marques du processus dont elles sont issues ?
Comparées aux images sur support papier, les images numériques
opèrent forcément un changement dans leur
morphogénèse, notion empruntée à Edmond
Couchot [COUCHOT, 1988, p.8], c'est-à-dire dans la façon dont
elles sont créées. Cependant, leur esthétique peut garder
des similitudes avec les images de l'ordre de l'optique. A l'heure actuelle,
les logiciels de créations, comme Flash, permettent de réaliser
des images 2D qui, si elles sont soignées, ont des
caractéristiques formelles proches de celles dessinées de
manière traditionnelle. L'ordinateur n'est qu'un simple prolongement de
la main de l'artiste, un outil presque classique de dessin, proposant des
instruments informatiques que l'on tient en main (stylo de tablette graphique
ou souris). L'utilisation des logiciels est d'ordre pratique : puisque les
images sont vouées à avoir une forme numérique, il est
préférable de les créer directement dans ce format pour
qu'elles soient automatiquement exploitables. Ce mode de création
évite une numérisation par scanner qui altère l'image. Le
scanner effectue en effet une opération de tramage de
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l'image, plus ou moins fin en fonction de la résolution
choisie, et ne restitue pas la totalité de ces informations. Toute image
ainsi numérisée doit faire l'objet de retouches dans un logiciel
pour lui donner un format adéquat ou accentuer les couleurs ou les
traits.
Si les images numériques 2D sont
réalisées par ordinateur par souci pratique, il n'en va pas de
même pour les images 3D, dont la création relève
obligatoirement de la fonction de calcul de l'ordinateur. Mais
réciproquement, la 3D n'est pas seulement utilisée pour le
support informatique. Elle peut tout à fait intervenir sur support
papier, comme nous le prouve les albums réalisés par
Beltran9. Ainsi, le support ne détermine pas le mode de
création de l'image, le mode de création de l'image
détermine pas le support. Ni le style esthétique, pourrions-nous
ajouter. Car les images que nous proposent les e-BD relèvent de styles
esthétiques différents. Les références cependant se
diversifient. Les auteurs font preuve soit d'un certain respect des genres BD
traditionnels, alors que d'autres, peut-être plus audacieux piochent dans
des styles moins BD que graphiques, ou infographiques. Ils font preuve
là de leur appartenance à une technoculture*, ou
simplement à une « weboculture ».
L'image BD, transportée sur support numérique,
n'est pas forcément différente de l'image traditionnelle, hormis
sa morphogénèse. Si le dessinateur se sert des outils
informatiques, il n'en est pas l'esclave. Il peut promouvoir un style propre,
qui connote de sa culture iconique.
D'autre part, nous voyons apparaître une multiplication
des unités signifiantes : à l'image fixe et au texte viennent
s'ajouter l'image animée et le son. Ces deux techniques sont
déjà éprouvées dans d'autres arts : le
cinéma et la télévision, qui opèrent
inévitablement une influence. Son et image animée donnent
à la bande dessinée la possibilité de combiner ses propres
matières à l'expression, iconique et textuel, avec les techniques
employées dans les films et dessins animés. Le son renforce le
caractère hypermédia de la bande dessinée. Il s'implique
dans la dynamisation mutuelle de l'iconique et du textuel. Par cette mise en
simultanéité, il ajoute du sens à l'ensemble. Mais le plus
intéressant peut provenir de l'image animée qui offre au
concepteur un changement dans le « style » de représentation..
En effet, selon Pierre Fresnault-Deruelle [FRESNAULT-DERUELLE, 1974, p.21 -27],
le code BD peut être considéré comme une forme
particulière de stylisation qui apparaît à trois niveaux :
l'apprentissage (du dessin et
9 cf. 1.1.2. Histoire des bandes dessinées en
francophonie, p.16
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des différentes combinatoires), la reproduction des
scènes et des objets (règles visuelles et cadrage) et la notion
de simplification (chasser l'ambiguïté dans le dessin pour se
concentrer sur la communication du message). Or l'image animée propose
au créateur de pouvoir montrer les mouvements de ses personnages et de
faire bouger sa caméra. La création n'est plus cantonnée
à un style de reproduction basé sur la suggestion, mais
s'ouvre vers un style de la projection.
Le support numérique enrichit le code BD par apport de
deux types d'unités signifiantes supplémentaires : le son et
l'animation. Ce n'est pas pour autant que les auteurs s'y engagent à
corps perdu. L'importance reste donnée à l'image fixe et au
texte, fondements du langage dont la substitution aurait pour
conséquence de ne plus créer une bande dessinée mais un
film d'animation. L'innovation dans les unités morphologiques est tout
de même présente, car les auteurs sont amenés à
réfléchir, même s'il ne les utilisent que
modérément, sur la fonction des nouveaux
«matériaux» au sein du récit, dans la composition et
dans la mise en exposition de la bande dessinée.
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