4. UNE MORPHOLOGIE ENRICHIE
Les e-BD sont des bandes dessinées, dans le sens
où elles en utilisent les techniques et les éléments
morphologiques, comme le dessin, les bulles, les onomatopées, les cases.
Nous allons analyser ci-dessous les «matériaux de l'image» des
e-BD pour connaître les nouvelles directions en terme de création
graphique induites par l'ordinateur.
4.1. DESSIN, COULEURS ET 3D
Dans les e-BD étudiées, les trois grands types
de dessin sont présents : réaliste, semi-réaliste et
humoristique. Chaque dessinateur peut faire valoir son style propre. Cependant,
certaines créations réalisées en tout numérique
proposent des images à l'esthétique repérable.
4.1.1. Flash : un style graphique ?
Plusieurs e-BD en Flash se fondent sur la
caractéristique de l'économie (When I am a king, Dans le
panneau). Les formes sont rondes, simplifiées, presque naïves,
les traits et les expressions des personnages sont dépouillés.
Lorsqu'il y a colorisation (Dans le panneau reste en noir et blanc),
l'utilisation de la palette «web » du logiciel prévaut des
couleurs vives, en aplat, posées dans les formes fermées.
Quelquefois, la colorisation est texturée (L'Oreille coupée,
MissDynamite). Le travail sur les ombres et la lumière se
réalise en fait par simple découpage d'une forme établie
(tracé d'une ligne brisée le plus souvent horizontalement) en
appliquant sur les deux parties des valeurs différentes d'une même
couleur (action simplifiée avec la palette hexadécimale qui
propose trois à six teintes pour chaque couleur). Il y a une
correspondance avec le « style Flash » répandu sur Internet
par des agences de créations multimédias
spécialisées dans ce logiciel comme Chman ou OeilpourOeil. Ce
n'est néanmoins pas le lot de toutes les e-BD en .swf ou assimilable
(création sous Director). Le Déclic reste fidèle
au style de Manara. Pour Les Technoff les couleurs vives sont
utilisées mais le dessin est, non pas rond et humoristique, mais
semi-réaliste (traits fins, détails des vêtements et des
visages...). Quant à Opération TedyyBear, le dessin est
réaliste et la colorisation relève d'une palette très
étendue dans les tons pastels.
Et la bande dessinée rencontra l'ordinateur
Mémoire de maîtrise I Septembre 2001
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4.1.2. Images 3D
Certaines oeuvres proposent, en association avec le dessin 2D,
des images en trois dimensions (3D). Elles sont réalisées dans un
logiciel dédiée et sous-tendent un processus de création
complexe, comme l'explique Mario Borillo [In HOLTZ-BONNEAU, 1987,
Préface, p.12]. « A partir de surfaces
géométriques simples, une phase de modélisation est
nécessaire pour reconstituer sous toutes leurs faces et selon trois
coordonnées cartésiennes les objets et les scènes
». L'insertion d'images 3D peut être faiblement perceptible,
comme dans Opération TeddyBear. La 3D est utilisée dans
quelques rares cas d'images animées, uniquement sur des
éléments de l'image, et non sur des SUE ou UE entières. En
outre, les textures utilisées correspondent au style graphique
général. Donc la 3D s'insère parfaitement avec le reste de
l'esthétique, sans marquer franchement sa présence. En
revanche, When I am a king propose une approche différente. En
parallèle à un style graphique Flash très
épuré (dessin humoristique, peu de détails, couleurs vives
en aplat, aucun effet ombre/lumière) pour la majeure partie du
récit, toute une séquence présente des UE
entièrement réalisées en 3D. Le graphisme change
radicalement. Les décors et les personnages en perspective supportent
des textures complexes exposées à diverses sources de
lumière. Les couleurs sont ainsi plus nombreuses et dans une gamme
davantage pastelle. La démarcation au sein de l'oeuvre est nette entre
2D et 3D. Si les deux techniques sont séparées, ne co-existent
pas dans les UE, c'est parce que les images 3D sont utilisées à
un moment particulier du récit : lorsque le héros mange du cactus
hallucinogène. L'image 3D a donc une véritable fonction narrative
: elle est présente pour signifier l'état d'esprit du
héros «hallucinant », appuyer le fait que les scènes
montrées correspondent à une rupture dans l'espace-temps du
récit.
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