8.2.4 Une opinion partagée pour les marins de
pirogues glacières et des bateaux ramasseurs : protéger le milieu
pour réhabiliter la ressource.
Le constat qui s'est dégagé de nos entretiens
avec les marins des pirogues glacières et des bateaux ramasseurs est
qu'ils partagent le même point de vue vis-à-vis de l'AMP : c'est
un outil qui selon eux va repeupler les côtes Saint-Louisiennes. Ils
manifestent ainsi une réelle conscience de la dégradation de
l'écosystème marin. Les piroguiers qui travaillent pour les
bateaux ramasseurs savent qu'ils sont exploités par les armateurs mais
n'ont pas d'autres choix car il n'y a de poissons à Saint-Louis, nous
font-ils remarquer. Si les ressources étaient abondantes à
Saint-Louis, ils resteraient sur place à travailler pour leur propre
compte au lieu travailler pour des armateurs qui les exploitent.
Tout comme les sennes tournantes, les marins des pirogues
glaciéres ne perçoivent pas dans l'immédiat l'impact que
l'AMP pourrait avoir dans leurs activités. Ils ne pêchent pas
à Saint-Louis et ils ne croient pas non plus que la
réhabilitation des ressources va se faire dans le court terme. Ils
affirment que « Même si on protège, il faut du temps pour
que la ressource se renouvelle » Aussi, ils militent dans un premier
temps pour une protection intégrale de l'AMP contre toute forme de
prélèvements, pour à la fois maximiser l'espace à
regénerer et surtout accélérer le processus de
repeuplement.
Les marins des pirogues glacières se trouvent dans une
situation complexe. Ils sont équipés de façon à
faire des marées de plusieurs jours et à parcourir de longues
distances. Par contre le poisson qu'ils ciblent (les espèces des fonds
rocheux) est rare à Saint-Louis (fonds marins pauvres en bancs rocheux)
où ils sont concurrencés par les lignes et les filets dormants.
Ils opèrent habituellement, dans des lieux de pêche situés
en territoire mauritanien. Ils sont ainsi en perpétuel conflit avec les
gardes côtes, qui les arraisonnent et saisissent l'équipement.
Leur présence dans ces eaux n'est pas autorisée (les licences de
pêche ne s'appliquent pas aux espèces démersales
côtières). Ils sont ainsi obligés d'amadouer les gardes en
versant à chaque marée des sommes d'argents qui viennent
s'ajouter à leurs coûts de production (carburant, glace et vivres)
déjà jugés élevés au regard des revenus
générés par l'activité. Il n'est pas
étonnant dans ce contexte qu'ils adhérent à l'AMP. Ce
qu'ils souhaitent, c'est trouver sur place et en abondance le poisson qu'ils
pêchent en Mauritanie. Ils pensent qu'une protection intégrale de
l'Aire Marine est nécessaire mais pas suffisante pour restaurer la
ressource. Pour cela il faudrait que la protection soit couplée à
un programme de mise en place de récifs artificiels pour retenir les
espéces des fonds durs telles l'Epinephelus aeneus (Thiof),
l'Epinephelus goreens (Doye), le Dentex
filosus(Diarégne), le Pagrus erhenbergi (Kibaro Nar)
très prisées par les lignes glaciéres.
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