L'opposition entre les pêcheurs poseurs filets et ceux
qui font la ligne est manifeste à Guet-Ndar. En plus d'une
différence dans la techniques de pêche, elle devient un clivage
social, entre les premiers, assimilés à de mauvais
fainéants et les seconds qui se glorifient d'être des travailleurs
de la mer, de vrais marins adroits qui ne reculent pas devant l'effort physique
pour dénicher le poisson. En fait les ligneurs reprochent aux poseurs de
filets d'utiliser des engins (mono filaments) qui selon eux sont responsables
de la faible productivité des zones rocheuses. Nous avons vu dans les
chapitres précédents qu'il arrive que les filets dormants se
maillent sur les roches, obligeant les poseurs à les couper et à
les abandonner sur place où ils continuent non seulement à
pêcher, mais bloquent aussi l'accès à ces lieux de refuge,
de repos, de nursery et de reproduction.
Par ailleurs, des conflits entre les pêcheurs à
la senne tournante et les autres catégories de pêcheurs (surtout
les lignes) sont signalés à Guet Ndar. Selon les ligneurs, les
sennes tournantes produisent un effet mécanique dans la
déstabilisation des bancs qui deviennent plus petits et
dispersés, nécessitant un effort plus important de recherche pour
les lignes. Cela pose un problème de compatibilité entre les
techniques de pêche passive et les techniques actives surtout quand elles
ciblent des espèces quasi identiques. C'est le cas notamment des filets
dérivants de fond qui pouvant pêcher une plus grande
variété d'espèces en fonction de leur gréement et
de leur mobilité apparaissent comme des concurrents réels pour
les filets dormants. Les filets dérivants travaillent la nuit au
gré des courants. Ils peuvent donc accrocher les filets dormants dont
les bouées de repérage sont invisibles, les amenant alors
à intervenir au couteau pour éviter de perdre du temps à
démêler les engins et provoquant du coup la colère des
filets dormants. En somme, la recherche active d'espèces identiques ou
ayant la même niche écologique (le cas des filets dérivants
de surface et des sennes tournantes) dans la même aire de pêche
(tous les types de pêche sont pratiqués sur xerwureywi,
et ses environs excepté les sennes tournantes) est une source
permanente de conflits entre pêcheurs artisans de Guet-Ndar d'autant plus
qu'ici, les pêcheurs n'ont qu'une seule activité : la pêche.
Situation exacerbée par le fait que selon SARR.O (1985) « les
ressources halieutiques appartiennent à la catégorie des
ressources communes, aussi les prélèvements opérés
par un pêcheur réduit de façon immédiate la
disponibilité de la ressource et donc les captures des autres
pêcheurs, pour un effort donné de ces derniers.»
103
Toutefois les pêcheurs relativisent leurs
différends qui selon eux, dégénèrent rarement en
conflits armés, pas plus qu'ils ne se règlent en justice. La
solution se fait toujours à l'amiable généralement au
niveau des « mbaars » grâce à des
comités de conflits. Chaque « mbaar » dispose d'un
comité de conflits constitué de sages (pêcheurs à la
retraite, les plus influents) qui interviennent en cas de conflits. Cela est
facilité par le fait que Guet-Ndar est un quartier mono ethnique (wolof)
avec de forts liens de parenté entre les différentes familles.
Par contre, l'antagonisme entre chalutiers pêcheurs
piroguiers constitue la première et la principale source de conflits
entre utilisateurs de la mer. L'extension du champ d'action de la pirogue
motorisée a entraîné une période nouvelle de
concurrence et de conflits malgré la délimitation juridique des
zones respectives de compétence entre la pirogue et le chalutier. Selon
les pêcheurs de Guet-Ndar, la plupart des fonds rocheux, jadis zone de
prolifération, frayères et demeures de poissons sont
dévastées par le matériel industriel. Ils affirment que le
poisson a fui, à la recherche d'endroits protégés contre
les chaluts.
Aujourd'hui, malgré le système des filets
dormants (moins touchés), la pêche piroguière subit la
violence de l'expropriation par la destruction de ses engins de capture par la
piraterie industrielle. Les dégâts causés par les bateaux
pirates ne constituent pas seulement un manque à gagner pour les
pêcheurs, c'est une atteinte à l'outil de travail du
pêcheur.
En réalité, l'activité de cette
multitude d'engins utilisés dans un espace de pêche aussi
restreint par des unités ayant des stratégies et tactiques de
pêche très diverses pour exploiter une ressource limitée
engendre, une concurrence le plus souvent déloyale, BAKHAYOKHO et KEBE
(1989) et des répercussions négatives sur le stock halieutique.
La lutte acharnée pour capturer le poisson avec des moyens
inégaux et si fortement disproportionnés n'est que le signe
symptomatique de la raréfaction de la ressource et cette lutte est
caractérisée par une situation de pénurie qui
pénalise en premier le petit producteur, la pirogue.
7.5 LES ACTIVITÉS CONNEXES À LA
PÊCHE 7.5.1 Le mareyage
Destiné initialement à la satisfaction de la
demande locale de la ville de Saint-Louis, le mareyage a été,
pendant longtemps, l'apanage exclusif des femmes de Guet- Ndar. Par la suite,
de nouvelles destinations ont été ouvertes : les autres
régions du pays et l'axe du Fouta, avec le déclin de la
pêche continentale, ce qui a entraîné la présence de
nouveaux acteurs non originaires de la ville.
Pour l'année 2006, 72,46% des apports ont fait l'objet
d'une distribution en frais appelée communément mareyage (SRPM,
2006). En plus 50 tonnes de poissons ont été acheminés
vers la sous région (Mali et Gambie). La difficulté à
affronter la barre et l'ouverture de la brèche font que les
pêcheurs ne débarquent plus côté océan
où un site est aménagé à cette fin. La
conséquence est que les camions viennent se garer côté
fleuve ce qui est inapproprié pour la manutention, obstrue la rue et
pose un problème de salubrité dans cette partie sud de
Guet-Ndar.
La région de Saint-Louis compte environ 200 mareyeurs
locaux de différentes catégories comprenant : des mareyeurs
à long rayon d'action (> 100 Km), des mareyeurs des villes proches de
Saint-Louis (axe Saint-Louis / Rosso et axe Saint-Louis / Louga) et des
micro-mareyeurs pour l'approvisionnement en détails du marché
local (les femmes exclusivement)
104
En dehors du mareyage national, la ville de Saint-Louis
comptait également trois entreprises agrées pour l'exportation
(Cofrinord, Delta fish et les établissements Sidy Dieye). De 1995
à 2000, elles ont exporté environ 300 tonnes de produits frais
à destination de l'Europe à partir de l'aéroport de
Saint-Louis. Présentement, Cofrinord est fermé pour installations
obsolètes, Delta fish qui fonctionne par intermittence depuis trois ans
est à l'arrêt actuellement. Les Établissements Sidy Dieye
plutôt spécialisés dans la distribution de produits vivants
(crustacés) ravitaillent le marché local et certaines
installations qui font de l'expédition vers Dakar. IL faut quand
même préciser que les usines actuellement fermées ont subi
les contrecoups d'une matière première (espèces
demersales) fortement diminuée.
Comme pour la pêche artisanale, deux grandes
périodes contrastées se succèdent dans l'activité
de transformation : une période d'abondance d'octobre à juin,
suivie d'une période creuse de juillet à août.
![](Contribution--la-mise-en-place-d-un-dispositif-de-gestion-concertee-de-l-aire-marine-protegee-d43.png)
Figure 40. Centre de transformation de
Guet-Ndar
Saint-Louis abrite deux centres de transformation : le
premier, Goxumbathe, se trouve à l'extrémité nord du
quartier, du même nom, sur un terrain marécageux à la
frontière sénégalo-mauritanienne. Ce quartier, qui est
l'un des derniers apparus dans la ville, probablement dans les années
20, était habité à l'origine par une population maure. Il
a par la suite accueilli les habitants de Guet-Ndar fuyant les conditions
difficiles de leur quartier d'origine arrivé en saturation. Le centre de
transformation est de petites
tailles, comptant une
quarantaine d'artisans, tous
féminins, travaillant sans manoeuvres masculins mais avec l'aide de
leurs enfants.
Le centre compte une centaine de claies, de séchage de
taille réduite et de fabrication locale uniquement. Faute de points de
débarquements à proximité immédiate, Le poisson est
acheminé depuis Guet-Ndar, d'où il est transporté jusqu'au
centre en charrette par la route.
Le centre de transformation de Guet-Ndar est situé au
sud du quartier du même nom, coincé sur une étroite bande
de terre entre les habitations au nord, le fleuve à l'est, le
cimetière au sud et la mer à l'ouest. C'est l'un des plus
importants centre du Sénégal, et pendant longtemps, ce fut aussi
le plus important. Plus de 250 femmes transformatrices, toutes des habitants de
Guet-Ndar s'entassent sur ce site. Les principaux produits sont le poisson
séché ou guejj et le poisson fumé appelé
kethiakh.