3.2. Méthode et outils de collecte de
données
Le présent travail est principalement axé sur
une analyse qualitative et s'appuie sur un parti pris méthodologique qui
est la démarche de recherche pour l'action. Qu'est-ce
que cela implique pour notre travail d'investigation ?
3.2.1. La recherche-action
L'expression recherche-action est apparue dans les
années 40 sous la plume de Kurt Lewin et repris au cours des
années 50 par des psychosociologues américains et britanniques.
En France, son usage est devenu fréquent à partir de 1977,
devenant même une mode (Rémi HESS, 1983). Mais que recouvre pour
chaque auteur le mot recherche et
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le mot action si l'on considère que la
spécificité de toute démarche de recherche-action tient
à la combinaison à de la dimension recherche et la dimension
action ?
D'après Robert Rapoport, la recherche-action vise
à « apporter une contribution à la fois aux
préoccupations pratiques des personnes se trouvant en situation
problématique et au développement des sciences sociales par une
collaboration qui les relie selon un schéma éthique mutuellement
acceptable. »19
Pour Guy Le BOTERF, « La recherche-action est un
processus dans lequel les acteurs sociaux ne sont plus considérés
comme de simples objets passifs d'investigation, deviennent de plus en plus des
sujets conduisant une recherche avec la collaboration de chercheurs
professionnels. Ce sont donc les groupes sociaux concernés qui vont
identifier les problèmes qu'ils veulent étudier, en
réaliser une analyse critique et rechercher les solutions
correspondantes. »
Ces deux assertions font écho en gros à
l'idée que les connaissances dérivent de l'action et
connaître un objet, c'est agir sur lui et le transformer, en saisissant
« les mécanismes de cette transformation en liaison avec les
actions transformatrices elles-mêmes » (Jean PIAGET, 1969). En
clair assimiler le réel en vue d'une coordination nécessaire et
générale de l'action, une recherche pour l'action en somme.
Nous définirons la recherche-action comme une
méthode de recherche qui permet l'interpénétration dans la
même démarche de compréhension de la théorie et la
pratique. C'est donc une rencontre entre chercheurs et praticiens. Elle a pour
vocation d' une part d'associer les acteurs sociaux à la démarche
de la recherche et d'autre part de co-construire avec ces acteurs les
connaissances qui irrigueront ou à tout le moins orienteront leurs
actions. La recherche-action part généralement du constat d'une
situation, de pratiques, de résultats vécus comme insuffisants ou
insatisfaisants. Aussi porte-t-elle une volonté d'intervention aux fins
d'une transformation, d'un changement dans le monde réel mais sur une
échelle restreinte quoique tendant vers un projet plus
général. Cette volonté est adossée à la
compréhension du problème à résoudre, pour ce qui
est des acteurs. Pour le chercheur en revanche, elle a une visée de
connaissance qui, sur la base des informations collectées sur le
terrain, peut esquisser une théorie.
Nous pouvons avec Jean Dubost20 dégager 4
caractéristiques de la démarche de recherche-action:
· C'est d'abord une recherche
fondamentale;
· Ensuite une recherche sur l'action
;
· Puis une recherche pour l'action,
en raison de l'intérêt portée à son
efficacité;
· Enfin une recherche en action
du fait de la participation des sujets de la recherche à
la réflexion.
Signe particulier de cette démarche, les
réponses particulières à un ensemble de problèmes
particuliers n'ont pas nécessairement vocation à être
reproduites autre part, sinon à certaines conditions. En clair, si la
recherche-action apporte des réponses tout à la fois complexes et
singulières à une problématique contextualisée,
localisée, elle n'exclut pas non plus radicalement une reproduction en
d'autres contextes.
À tout prendre , la recherche-action telle que la
conçoit Lewin « a pour objectif de produire des connaissances
en cherchant à comprendre ce qui se passe tout en impliquant les groupes
concernés par la recherche dans une visée de changement voire de
développement organisationnel », précise la sociologue
Catherine TOURILHES21
À l'échelle de notre enquête, nous nous
situons entre recherche et action. En raison du temps extrêmement court
dont nous disposions pour ce travail et la difficulté à joindre
et rassembler pour une réflexion commune les différents
interlocuteurs, nous nous sommes bornés à mener un certain nombre
d'entretiens approfondis, à
19 Robert N. RAPOPORT in « Les trois
dilemmes de la recherche-action. » Connexions n°7, 1973, p.
115.
20 « Les critères de la recherche-action. »
Pour n° 90, 1983, p. 17
21 Catherine Tourilhes in « La
recherche-action comme démarche de coopération sur un territoire.
Expérimentation d'une formation-recherche intégrant
étudiants, formateurs, chercheurs, professionnels,
IRTS Champagne Ardenne, Laboratoire de recherche CIREL-PROFEOR,
Lille 3.
19
recueillir des données auprès des acteurs ayant
tout ou partie liée avec la relation immigration et intégration.
Toutefois, la visée transformatrice a constitué notre ligne
fondatrice car ayant noté dans le cadre de nos entretiens exploratoires
un certain nombre de problématiques formulées par les acteurs
eux-mêmes et pour lesquelles il fallait esquisser des solutions,
collectivement de préférence.
Il s'est donc agi de mener une enquête dans la
Communauté urbaine de Lyon afin de comprendre le positionnement des
migrants organisés en associations et réseaux d'associations sur
la question de la mobilisation et la mise en valeur des compétences dans
l'optique d'actions d'insertion socio-économique efficientes ici et
là-bas. Au-delà de la place qu'occupe cet impératif dans
l'agenda des diasporas en France, cette enquête visait également
à identifier les actions menées collectivement pour atteindre cet
objectif dans le périmètre rhodanien et les collaborations
possibles entre groupes associatifs sub-sahariens. Ce qui nous a permis de
recouper les informations en vue d'une rapide comparaison avec les diasporas
asiatiques et afin d'en isoler les points de convergence et de divergence, les
potentialités de succès ou d'échec, les constantes et les
spécificités en la matière.
Pour ce faire, nous avons privilégié des outils
permettant une collecte efficiente de données dites qualitatives,
à savoir:
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